Les Dieux de New York
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Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh]

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Macsen CaerwynMacsen Caerwyn


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Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Vide
MessageSujet: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyJeu 7 Nov - 19:37

Nous étions installés depuis quelques semaines, et je crois que la cohabitation ne se passait pas trop mal. Josh avait demandé du temps pour prendre ses marques. Je le laissais courir faire je ne savais quoi en ville, pendant que j'allais, de la même façon, d'une adresse à l'autre à la recherche de personnes intéressantes qui pourraient me donner une meilleure idée de la situation. Je traînais à retrouver mon père. Après tant d'années sans lui, qu'aurais-je pu lui dire ? J'observais chacune de ses apparitions télévisées avec intérêt et c'était presque comme avoir une entrevue avec lui. Pour l'instant, j'agissais dans son ombre. Avait-il un réel besoin de le savoir ? Mon anonymat me rendait plus efficace. Josh, de son côté, considérait toujours avec méfiance l'homme qui l'avait condamné à un sommeil éternel. Et je le comprenais, c'était même pour cette raison que j'avais rejeté toute la responsabilité sur mon père. En apparence, c'était la pure vérité. En réalité, je savais qu'il n'avait fait que me donner une leçon en estimant que j'allais certainement lui désobéir et réveiller Josh bien plus tôt… Mais il n'avait pas besoin de le savoir, même si mes omissions volontaires le laissaient souvent soupçonneux. Il n'était pas stupide, il sentait que certains liens logiques manquaient à mes explications sans être en mesure de définir lesquels. Tout n'avait pas besoin d'être dit. Même s'il était difficile d'établir une réelle relation de confiance de cette façon, je restais convaincu que les choses seraient pires si je quittais tous mes faux semblants. J'avais toujours été double. Ça ne m'était pas difficile et c'était un art trop pratique pour avoir envie d'y renoncer : je prenais les avantages, je fuyais les contraintes. A New-York, je naviguais déjà entre deux réseaux sous des noms différents, les partisans de mon père d'un côté, ceux de Larian de l'autre. Je fréquentais les groupes d'engagés politiques venus du peuple, de pauvres têtes qui soutenaient dans l'espoir de prendre du galon, alors qu'ils étaient et resteraient des bénévoles juste bon à distribuer des tracts à la sortie du métro. Je ne les y accompagnait jamais, évidemment. L'activité aurait pu être distrayantes, mais c'était risquer de me faire surprendre par un groupe rival. Je me faisais passer pour un économiste d'un côté, pour un historien de l'autre, et faire figure d'autorité dans des domaines différents était plutôt divertissant. C'était à peu près tout l'intérêt de la démarche. Pour le reste, je sondais les opinions, je m'amusais d'entendre les critiques des uns et des autres, je ne faisais rien de très sérieux.

J'arrivais au bout de ce que je pouvais faire seul, je le savais. Si j'avais voulu disperser les soutiens à Larian, j'aurais pu le faire, mais ce n'était pas pertinent. De ce qui en ressortait, il n'était pas un ennemi immédiat à notre cause, il serait peut-être même intéressant qu'il gagne la mairie. Cependant, je n'avais pas encore l'avis de mon père sur la question. J'avais une assez bonne connaissance de la politique qu'il avait mise en place, désormais, l'officielle et l'officieuse. Voudrait-il d'autres années encore pour la poursuivre ? De mon point de vue, ce serait un pari risqué. Il était exposé. Des choses trop évidentes finiraient pas transparaître et, s'il agissait dans l'ombre, c'était qu'il ne souhaitait pas que l'on puisse deviner ses intentions. Sa politique officielle n'était qu'une façade. Elle lui prenait cependant du temps, de l'énergie sociale sans doute, car ce n'était pas dans sa nature. En vérité, je n'aurais jamais imaginé mon père dans un tel rôle. Je ne l'avais jamais vu ailleurs que sur notre domaine, occupé à éviter le reste du monde. Il attendait certainement un nouvel abîme dans lequel s'engouffrer, et il l'aménageait en attendant, comme il avait aménagé sa paix au domaine sans hésiter à faire couler le sang dans les groupes de tous ceux qui lui étaient nuisibles. Hors de l'ombre, il n'était pas serein, je le voyais dans les interview qu'il donnait, malgré ses sourires et ses regards doux parfaitement calculés, trop calculés, justement. Il détestait chaque personne qui le contraignait à devoir endosser ce rôle. Mais, étrangement, je l'aimais mieux ainsi. Il devenait plus intéressant, son insécurité le forçait à agir, à donner réalité à ce père impitoyable et rusé dont je n'avais eu que des bribes d'histoires auxquelles il était difficile de croire tandis qu'il jouait à l'hédoniste dans sa forêt. C'était pour cette raison que je souhaitais l'aider. Mon père m'avait toujours accordé sa confiance sans que je comprenne pourquoi. Aujourd'hui, je comprenais qu'il avait lu en moi comme j'avais l'impression de lire en lui quand j'analysais chacun de ses mouvements.

Celui qui voulait lire en moi mais avait bien du mal, en revanche, à trouver des réponses, c'était Josh. S'il était d'agréable compagnie la plupart du temps et que j'appréciais discuter avec lui, je le sentais avide d'informations nouvelles à mon sujet, et sa vigilance menaçait notre étrange vie à deux. Je n'avais jamais partagé mon existence avec des humains qui ne se trouvaient pas en mon pouvoir et que je tenais généralement attachées dans une pièce pour leur éviter de commettre quelques bêtises. J'aurais dû proposer au jeune homme de prendre un autre appartement, mais je ne voulais pas forcément l'exclure. J'attendais qu'il prenne la décision seule. J'étais convaincu qu'il ne pouvait pas souhaiter poursuivre ce train de vie très longtemps, mais il semblait s'y habituer. En lui disant plusieurs vérités qui l'auraient sans douté mis en colère et dégoûté de moi, je pouvais espérer ce genre de résultat. Mais, si je rechignais à le faire, pouvais-je finalement dire que je souhaitais le voir partir ? Je n'aimais pas y penser. Je n'avais que des questions, aucune réponse, donc, aucune possibilité d'agir, et le risque de plus en plus grand de faire un faux pas que je risquais de regretter. Je craignais toujours d'être suivi quand je quittais l'appartement, surtout pour visiter l'humaine que je gardais dans un appartement plus loin, mais je ne pensais pas toujours à me montrer vigilant, surtout à force d'habitude. Après une soirée au parti Caerwyn arrosée par l'eau-de-vie maison d'un des partisans toujours prêt à agrémenter les « plans de campagne » d'un peu d'alcool, je me suis dirigé directement là-bas, sans m'inquiéter d'être ou non suivi. Après tout, je ne partais pas de l'appartement, et j'étais inquiet. Je savais que je l'avais laissé trop longtemps et qu'elle devenait fragile.

– Non, non, non…

Les mots m'échappent quand l'inquiétude me saisit. Je ne prends pas la peine de fermer la porte. Le salon a été ravagé dans une véritable crise de démence. J'avais voulu lui laisser un peu de mouvement plutôt que l'attacher. Après ma vie au village « new age » du Pays de Galles, traiter les humains comme du bétail me semblait un triste retour en arrière, à des temps où mes buts étaient différents, où je pouvais les traiter sans émotion, comme les outils qu'ils étaient alors pour moi. Premier constat, les fenêtres sont toujours fermées. Il n'y aura donc pas de saut de l'ange à déplorer, mais il reste la possibilité de la pendaison… Non, dans son état, elle n'y serait pas arrivée… Ou le cisaillement des veines. Je n'ai mis volontairement aucune lame coupante. Pourtant, tout est silencieux. J'avance doucement, avec l'appréhension de ce que je pourrais trouver. Je n'aurais jamais dû choisir Clara, c'était une sans-abri à la santé mentale fragile avant même de me rencontrer. Je m'étais dit, justement, que les dommages seraient moins grave sur un sujet qui aurait, dans tous les cas, des difficultés à retrouver une vie normale et avait toutes les chances de faire une overdose de crack ou une tentative de suicide réussie dans les prochaines années. J'avais prévu de la relâcher prochainement, mais j'avais tardé, car je n'aimais pas l'idée de devoir me trouver une autre « victime ». J'avais tardé, et Clara était effondré dos contre un meuble de cuisine au milieu d'un tas de couverts renversés, le regard vide, occupée à déchiqueter son bras droit avec ses dents. Je me jette sur elle pour l'arrêter en retenant son membre couvert de morsures ensanglantées.

– Oh, tu es là…, me dit-elle avec un doux sourire tout à fait inapproprié à la situation.
Elle essaye de m'enlacer, je la repousse sans brutalité.
– Qu'est-ce que tu as fait à ton bras ?
– Ce n'est rien… Je t'attendais…
– Lève-toi, il faut soigner ça tout de suite.
– Non, tu es là, je vais bien !
Je la relève de force en l'empêchant encore de se coller à moi pour la conduire dans la salle de bains. Je la fixe droit dans les yeux pour l'inciter au calme.
– Tu dois te tenir tranquille, d'accord. Ne bouge plus tant que je ne t'en ai pas donné l'ordre.
Elle hoche mollement la tête, ses derniers neurones sont momentanément endormis. Je prends un désinfectant dans la pharmacie et commence à m'occuper de son bras. Je vais devoir la remettre dans la rue, et appeler les secours pour qu'elle soit prise en charge. Mais, alors que je prends mon téléphone, j'entends un bruit, je sens une présence à laquelle je n'avais pas encore prêté attention. La porte de l'appartement est toujours ouverte. Je crains que ma volonté de faire passer cet incident inaperçue ne soit compromise.
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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyMer 27 Nov - 16:50

Je préférerais mourir avec mes secrets


V
oler dans un appareil à réaction fut une expérience troublante et exaltante. Les prouesses technologiques m’impressionnent. Sachant qu’avant la brèche, les voyages transatlantiques étaient aussi courants que de prendre le train, j’ai quelques regrets de ne pas avoir connu cette période qui ressemble à un âge d’or disparu. La fermeture drastique des frontières avait mis fin au brassage de la population, et d’après le Ficus à une pollution non négligeable de la pollution. Un mal pour un bien.

New York. Malgré le désastre qui l’entoure, le survol de la ville m’a ébloui. Je n’étais pas le seul. Le très lymphatique et sérieux Macsen avait eu l’œil brillant et s’était lui aussi contorsionné sur son siège pour regarder la ville. Cela avait un côté rassurant. Plus humain de sa part. Le voyage avait duré quelques poignées d’heures. La compagnie du Ficus m’apaise. Je n’arrive pas à cerner ce que je ressens à son égard. Gratitude de m’avoir réveillé ? J’ai conscience d’être un fardeau. Il a la patience d’un chêne. Le flegme aussi. Il est aussi mon seul repère fixe entre ma vie d’avant et celle qui commence. Me suis-je pris d’affection pour mon bourreau ? Est-il seulement mon geôlier ? Il m’a mis en confiance, libéré de ma couche éternelle et affirmé qu’il ne me demandait rien en retour. Vérité, mensonge ? Un entre-deux, j’imagine. Pour le moment, je lui sers de compagnon de route, d’ami un peu proche tout en ne sachant quasiment rien de ses desseins.

Je ne me départs pas de l’impression qu’il éprouve un certain malaise. Comme si ma proximité le dérangeait par moment. Il reste un être énigmatique. Son côté peu volubile attise ma curiosité. J’aimerais mieux le comprendre, je me sentirai alors plus efficace comme ami. Car j’ose espérer que notre lien a la couleur de l’amitié. Une fraternité née par la convoitise commune d’un objet ancien et d’un voyage pour le moins étrange dans son monde, sur ses terres. Je sais maintenant qu’il aurait pu me forcer à lui remettre la dague. J’avais résisté à son attraction. Macsen sait se rendre séduisant, très attirant, mais il n’avait pas joué à pleine puissance de ses pouvoirs sur moi. Je suis encore troublé quand je repense à ce qu’il s’était passé sur le toit du British Museum. Rien à voir avec ce que j’ai pu tester avec quelques grammes d’alcool dans le sang avec des amis proches, des frères de débauche. C’était une emprise pas désagréable, mais avec la sensation de perdre mon libre arbitre.

(…)

Notre installation s’est faite rapidement. La nature de faune du Ficus avait grandement facilité l’affaire. Nous avions visité des appartements et même si c’était Macsen qui finançait notre installation, il s’enquit de mon approbation. J’ai apprécié. Notre choix s’est fixé sur un logement bien situé avec deux chambres, un séjour et une cuisine. Pour les meubles, je fus surpris du côté peu regardant de Macsen qui avait opté pour du fonctionnel acheté en lot. J’imaginais le faune plus nature dans sa manière de consommer. Pour ma chambre, j’avais choisi uniquement le lit. Me réservant l’activité d’aller chiner pour trouver le reste et de quoi ranger mes vêtements et mes livres. Mes possessions tenant dans une valise, ce n’était donc pas pressé.

(…)

Dehors c’est l’inconnu. Mœurs, langage, us et coutumes. Savoir que divinités, méthamorphes et autres étrangetés se baladent incognito au milieu des humains ignorants pour la plupart m’effraie. Parfois, des crises de démophobies me clouent sur place. New York grouille de gens bien plus que je n’ai pu en côtoyer jusqu’à présent. Paris en 1930 fait figure de ville provinciale à côté de cette mégapole. Je n’ai rien dit de mes malaises au Ficus, juste évoqué avoir besoin d’un temps d’adaptation dans cette ville dirigée par celui qui m’avait condamné à un sommeil perpétuel. J’imagine qu’un jour, je serai amené à croiser à nouveau les pas de Merwyn Caerwyn.

Je tourne donc dans le quartier, repère les différentes boutiques, tentant de comprendre les flux migratoires de cette foule. Ceux qui viennent travailler, ceux qui habitent dans le coin. Macsen étant occupé sur ses propres affaires, je me charge des courses et des repas. Une tâche bien définie, facilement transposable d’un siècle à l’autre. Je joue sur mon accent français lorsque je sens que je commets une maladresse ou une erreur. Peu à peu, mon oppression s’envole. La peur des créatures s’estompe. Elles semblent rester discrètes. Comme à Paris, je lis la presse. Je tente de comprendre les enjeux de la ville, qui sont les adversaires du paternel de Macsen, ses alliés. Mais, je manque de connaissances, de prérequis, je n’arrive pas à lire entre les lignes. Je ne comprends pas grand-chose à la politique de la ville. Les enjeux, les risques sociétaux. Difficile donc pour moi d’évaluer les opportunités qui s’offrent à moi.

(…)

J’ai revu Merwyn Caerwyn lors d’une interview à la télévision. Je ne sais pas qui j’ai le plus observé : cet homme bien loin du souvenir que je m’en faisais, ou son fils qui le scrutait attentivement sur l’écran du téléviseur. À défaut de me trouver une voie, l’envie d’en apprendre plus sur mon hôte commence à occuper mes pensées. Alors je le sonde. Je parle de ce que j’ai lu dans les journaux, lui en demandant des explications parallèles et profite des opportunités de l’actualité pour glisser une question ou deux plus personnelle. Mon inquisition finit par se ressentir, je lève le pied de crainte qu’il me mette dehors. Tout est encore trop inconnu pour moi pour vivre seul. J’ai bien ce téléphone que Macsen m’a acheté, mais je le harcèlerais à toute heure. Puis, j’ai toujours eu l’habitude d’avoir une présence à mon domicile. À Paris c’était Pierre, mon majordome qui remplissait les pièces de sa présence discrète et amicale. L’appartement ici est un peu plus petit, mais ce n’est pas le Ficus qui prend de la place. Cela me plaît de partager mon quotidien avec lui. Il n’en dit rien, mais j’imagine que tôt ou tard, je devrais devenir plus autonome. Je ne suis pas d’un naturel inquiet et j’aime l’aventure et me risquer en terres inconnues ne m’a jamais dérangé. Mais ici, j’ai la désagréable impression que les dés sont pipés. Mon statut de simple mortel sans pouvoir autre qu’une épée qui tranche n’importe quoi me laisse peu d’espoir sur la place à laquelle je peux prétendre dans cette ville. Sinon être le jouet d’une entité ou d’une autre.

J’ai commis l’imprudence d’offrir un verre à une belle blonde. Je me retrouve avec un contrat sur le dos que je n’ai point signé. Poulpy souhaite voir Macsen, négocier le partage de ma personne… Je n’ai encore rien dit au faune. Pour ne pas passer pour un naïf. Pour ne pas l’attirer dans ce piège qu’est le Léviathan. Pas une péniche, mais le radeau de la méduse. Parce que si ce n’est pas Tiamat qui me mangera, cela sera un autre. Comment rivaliser ? J’ai peur d’être l’un des derniers représentants de mon espèce.

(…)

Macsen est sorti roder dans une soirée de partisans de son père. Après le repas, je me suis plongé dans un livre qui parle de l’économie du début du XXI siècle. Mais je sature d’apprendre encore et encore. J’ai l’impression de toujours débarquer d’une autre planète. C’est déprimant. Je me dis que j’aurais dû demander à Macsen si je pouvais l’accompagner à sa soirée. Pour ensuite me raisonner. Cela nécessite de m’attribuer un rôle, une fonction. Pour le moment, je ne suis que son parasite. Oui, ce soir je broie du noir. J’ai le sentiment de ne servir à rien et je ne connais encore rien de ce monde pour ambitionner quoi que ce soit. L’import-export est un marché verrouillé qui demande un réseau et des accréditations que j’aurais bien du mal à avoir. Je ne connais pas les cours des marchandises ni leurs impératifs de production. Las, j’abandonne mon livre sans même marquer la page où j’en suis, prends ma veste et sors.

Dehors j’hésite. Je commence par marcher au hasard sans toutefois sortir d’un périmètre invisible au-delà duquel je ne m’aventure pas, sauf pour aller sur le Léviathan. Après trois quarts d’heure d’errance, j’entre dans un bar et commande un café. Le barman évoque la météo et le dernier match de basket. J’échange des banalités, je n’apprends rien de nouveau. Mon café terminé, je songe à commander autre chose lorsque dehors je vois passer Macsen qui avance d’un pas décidé, l’air un peu inquiet. Je paye ma consommation et sors pour le rattraper. Seulement au lieu de bifurquer dans la rue de notre appartement, il poursuit tout droit. Intrigué, je décide de le suivre en gardant mes distances.

Il ne va pas très loin. Deux rues plus loin, il s’engouffre dans un immeuble. Sur le trottoir, j’hésite. Le suivre ou rentrer ? Mais je ne sais pas quoi faire de ma peau ce soir, j’entre donc dans l’immeuble et arrive juste à temps pour noter l’étage où l’ascenseur s’arrête. Je prends les escaliers et monte les marches rapidement. L’appartement n’est pas à un étage élevé. J’entends clairement la voix de Macsen. Il est inquiet. J’accélère.

La porte de l’un des appartements est restée entrouverte. Macsen a dû la repousser, mais pas assez fort pour que la gâche s’enclenche. Je tends l’oreille. J’entends une voix féminine. Sa maîtresse ? J’esquisse un sourire, prêt à me retirer et regagner notre appartement quand la suite de la conversation m’intrigue par le ton des deux interlocuteurs. La femme ne semble pas dans son état normal. Pourtant, le ton de Macsen me dit qu’il n’est pas étonné de la situation. C’est une phrase qu’il prononce qui me décide à entrer : « Ne bouge plus tant que je ne t'en ai pas donné l'ordre. » Je repense au village Gallois, aux villageois qui parlaient de Macsen avec déférence. Je sais qu’il se faisait passer pour divinité, recommence-t-il ici ? Si oui, pourquoi ? J’ai l’impression que la réponse à cette question éluciderait bien des mystères.

Je me suis avancé dans cet appartement relativement petit. Il y a quelque chose d’étrange. Est-ce la décoration ? L’absence de choses que je n’arrive pas à saisir ? Cette femme habite ici, mais cela semble être un lieu de non-vie en même temps. Un torchon abandonné sur un cadre donne une atmosphère maladive. Ils sont dans la salle de bain. Sans prendre garde, je bouge un objet qui fait un léger bruit en reprenant sa place. La conversation s’arrête. Je regarde vers la porte d’entrée : trop loin pour que je l’atteigne avant que Macsen me voie. Et puis je voulais en savoir plus sur lui. C’est le moment de le confronter. Un doute m’assaille alors que je vois la porte de la salle de bain s’ouvrir lentement. Macsen joue-t-il avec les humains comme je fais Thomasine ? Suis aussi une sorte de jouet pour lui ? Le peu de certitudes que j’avais acquis depuis mon réveil se disloque. Je n’ai que les paroles des uns et des autres. Sur le Léviathan, j’ai eu une belle leçon sur la polysémie. Jusque-là, Macsen représentait à mes yeux une ancre. Un point stable sur lequel m’appuyer. Une base solide à partir de laquelle je pourrais m’élancer. Mais je ne connais rien de lui ou si peu.

L’ignorant n’est-il pas plus heureux ?

Trop tard pour revenir en arrière. J’avance d’un pas pour avoir une vision de l’intérieur de la salle de bain quand la porte sera entièrement ouverte. Je m’arrête quand je croise le regard du Ficus. Je décale mes yeux vers la silhouette derrière lui. La femme est partiellement cachée par Macsen, mais j’aperçois son air hagard, sa pâleur maladive. Elle n’est que l’ombre d’une humaine. Une simple d’esprit que Macsen aiderait ? J’aimerais pouvoir croire à cette option. Mais ce que j’ai vu au pays de Galles ne m'incite pas à penser que le faune donne dans le social.

- Bonsoir Macsen. Je t’ai croisé par hasard. Tu me semblais… soucieux. Je t’ai donc suivi. Tu veux bien m’expliquer ce qu’il se passe ici.

Je vois bien que je dérange, que j’ai vu ce que je ne devais pas voir. Je ne sais pas quoi penser. Est-il comme Thomasine ? S’amuse-t-il aux dépens de cette fille, ou y a-t-il une raison profonde à tout cela ?

- S’il te plaît ?

Je ne suis pas en colère, simplement perdu et désemparé. Je ne sais plus que croire ni qui croire.
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Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Vide
MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyMar 7 Jan - 18:12

Je m’apprête à devoir rassurer un voisin envahissant, peut-être même à collaborer avec lui. L’avantage des grandes villes modernes est que les gens ne se connaissent plus. On ignore jusqu’au visage de son voisin de palier, on ne s’intéresse qu’à ce qui se passe dans son petit intérieur, dans son petit monde. Les gens se disent bonjour en baissant les yeux. Je peux nous faire passer pour n’importe qui. Qui s’en soucie ? Très vite, j’ai déjà défini mon rôle. Je suis le petit ami de Clara. Elle a des désordres mentaux qui m’ont fait craindre une tentative de suicide. Comment pourrais-je avoir l’air de mentir ? Elle s’est mordu les bras, il est évident que ses blessures ne sont pas le fait d’un autre. Je suis arrivé il y a peu. Une personne attentive aura pu m’entendre monter les escaliers. La porte est grand ouverte. Tout est là pour indiquer que je n’ai rien fait d’autre que me précipiter pour aider une pauvre fille en détresse. Et c’est la vérité, après tout. Si nous ne nous tenons qu’aux faits, il n’y a rien que l’on pourrait me reprocher. Je ne suis donc pas très inquiet lorsque je quitte la salle de bains pour savoir qui est là, même si je me suis déjà composé un visage paniqué, celui du jeune homme qui ne sait plus quoi faire et qui va avoir besoin d’un soutien moral, même si mon intention à terme sera de me débarrasser de l’intrus rapidement. Je lui dirai que la situation est en main, que j’ai garé ma voiture en bas et que je suis prêt à me diriger vers les urgences les plus proches. Cela devrait suffire à rassurer un voisin alerté par un bruit anormal. Son devoir citoyen minimum sera rempli, il pourra retourner devant sa télévision l’esprit tranquille, certain de n’avoir rien de mieux à faire et de se trouver hors de danger, après avoir craint de se trouver mêler aux problèmes des autres. Mais mon expression d’acteur se décompose lorsque je reconnais Josh. De la fausse panique, je passe à la surprise la plus complète, la plus figée. Et mon visage redevient sérieux, comme si rien ne m’avait jamais réellement inquiété. Je ne sais simplement plus comment je dois me comporter. Ce moment n’aurait jamais dû arriver.

Je n’essaye pas de l’empêcher de regarder par-dessus mon épaule. Le mal est fait. Il ne servirait à rien de le repousser maintenant. Je suis obligé d’affronter la situation. Et, au fond, je devais me préparer à ce que cela arrive un jour. Josh n’a cessé d’essayer de me percer à jour, toujours avec plus d’insistance. Mais il est des choses qui ne peuvent pas être dites, juste montrées et constatées dans un moment d’inattention, je suppose. Je m’écarte doucement pour lui laisser constater par lui-même l’état de la jeune femme, qui continue de nous fixer d’un air hagard, encore imprégnée de mon ordre. Si j’ai un contrôle mental sur elle, c’est simplement parce qu’elle veut me plaire. Elle m’écoute dans l’espoir d’obtenir mes faveurs, mais je sais que sa patience sera très limitée si je ne reviens pas vite vers elle.

– Je te présente Clara, dis-je simplement. Comme tu peux le constater, elle s’est blessée. Ce n’est pas très grave mais ça pourrait le devenir si elle n’est pas prise en charge rapidement par une cellule psychiatrique. J’étais donc sur le point d’appeler les urgences mais…

Je lui montre le téléphone que je tiens toujours dans ma main. Cependant, mon plan originel ne fonctionnera plus. J’avais prévu d’appeler pour signaler le comportement d’une droguée au coin d’une rue. J’avais prévu d’abandonner Clara dehors en lui souhaitant d’être prise en charge rapidement. Mais Josh ne cautionnerait jamais un tel comportement. Ce que j’aurais peut-être à lui expliquer serait bien assez pour que je lui donne l’air d’un parfait sociopathe, selon les définitions des humains. Il était cependant hors de question de faire intervenir les urgences dans un appartement à mon nom. Je déclare plus brusquement :

– Puisque tu es là, nous allons pouvoir la conduire directement. Ce sera plus rapide. Je pourrai m’assurer qu’elle reste tranquille pendant que tu tiens le volant. – Je me dirige vers Clara pour l’inciter à se lever en lui murmurant doucement : Tu peux marcher n’est-ce pas ? Nous allons faire une petite promenade avec mon ami, ça me ferait très plaisir que tu viennes avec nous. – Comme elle se redresse en s’appuyant sur moi, je pose un regard presque sévère sur Josh : – Je ne peux pas dire être ravi de savoir que je suis espionné mais, pour ce soir, je te suis reconnaissant d’être là.

Un sourire plein de gratitude s’étale sur mes lèvres. Il n’y a raisonnablement pas le temps pour plus d’explications et Josh devrait le comprendre. La jeune femme doit être prise en charge sans attendre. Et, pour la suite, je n’ai pas décidé. Tout ce que je mets en place me permettra de m’en sortir en expliquant que j’ai simplement hébergé une droguée à la rue par gentillesse. Même si Josh doute parfois de mon empathie, je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas le droit de me prendre d’affection pour une humaine désespérée, comme je l’ai fait au Pays de Galles quand j’ai accompagné des survivants de la tempête dans leur reconstruction. Ce pourrait être aussi le moment de lui dire certaines choses, de lui faire comprendre clairement les raisons de mon comportement étrange et distant maintenant qu’il a une vision claire du genre de maladie que je peux provoquer dans l’esprit des gens de son espèce. Je ne sais rien de la suite. Je sais juste que je n’ai pas l’intention de me lancer dans le moindre aveu avant d’avoir lâché Clara à l’hôpital. Ensuite, mon humain ou l’attitude de Josh le décidera.


Dernière édition par Macsen Caerwyn le Mar 4 Fév - 16:41, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptySam 18 Jan - 11:37

Je préférerais mourir avec mes secrets


M
acsen ne semble pas en colère. Il s’écarte même pour que je voie pleinement la femme qui réside ici. Tout ce que je peux affirmer est que celle-ci ne semble pas au meilleur de sa forme. Qu’est que je vois ? De quoi suis-je le témoin ? Mon ignorance m’exaspère.

– Je te présente Clara. Comme tu peux le constater, elle s’est blessée. Ce n’est pas très grave, mais ça pourrait le devenir si elle n’est pas prise en charge rapidement par une cellule psychiatrique. J’étais donc sur le point d’appeler les urgences, mais…

Je tente d’assembler les pièces du puzzle. Quand je l’ai croisé dans la rue, savait-il que cette femme était blessée ? Était-ce la raison de sa mine sombre et préoccupée ? Il s’occuperait donc d’elle ? Je regarde autour de moi, un regard circulaire qui m’apprend que l’installation est récente : du mobilier fonctionnel, peu d’effets personnels qui traînent. Macsen bon samaritain qui aide une femme qu’il ne pouvait pas connaître en arrivant ? C’est vrai que je lui dois tout depuis mon réveil, mais il suffit d’une péniche, d’un bébé basilic et d’une fable sur Proserpine pour m’avoir rendu méfiant et suspicieux.

– Puisque tu es là, nous allons pouvoir la conduire directement. Ce sera plus rapide. Je pourrai m’assurer qu’elle reste tranquille pendant que tu tiens le volant.
– Si tu veux.

La détresse de cette Clara passe bien sûr avant toutes les questions qui me brûlent la langue.

– Tu peux marcher n’est-ce pas ? Nous allons faire une petite promenade avec mon ami, ça me ferait très plaisir que tu viennes avec nous.

Je le regarde faire, analyse le son de sa voix, la lenteur de ses gestes, le choix de ses mots. Aucun affolement, ni d’inquiétude, simplement il lui parle comme on parlerait à une simple d’esprit. Est-elle cela ? Je suis embrouillé dans ce que je dois penser ou pas. Les villageois gallois dans cette bulle de vie reconstituée par le faune lui étaient reconnaissants et dévoués. Or, je connais assez mon prochain pour le savoir toujours prompt à mordre la main qui l’aide. Je crois moyennement à l’impact de la nouvelle religion qu’il avait mise en œuvre pour moutonner son troupeau de fidèles. Il y a autre chose que je n’arrive pas à saisir, quelque chose d’intangible, de malsain. Comme ce que je ressens ici.

– Je ne peux pas dire être ravi de savoir que je suis espionné, mais, pour ce soir, je te suis reconnaissant d’être là.

Son regard est un avertissement. J’ai dépassé les limites qu’il me donne malgré toute la liberté d’action qu’il affirme m’offrir. Puis je me souviens de notre première rencontre sur le toit du British Museum et de la poignée de secondes où j’aurais fait tout et n’importe quoi pour ses beaux yeux. Je regarde Clara. Elle ne respire pas la force de caractère, mais je sais que mon jugement est hâtif et entaché d’un parti pris récent sur les créatures qui se baladent dans ce Nouveau Monde. Un sourire s’étale sur les lèvres de Macsen. Il n’y a qu'à s’imaginer un ficus sourire pour avoir mon impression sur l’expression qu’il affiche. Je l’ai vu sans l’artifice qui cache sa réelle nature. Il mime une expression humaine, quant à savoir s’il éprouve ce que dit ce sourire…

J’offre un sourire aimable à Clara et m’occupe d’ouvrir et fermer les portes à leur passage. Je me tiens coi, mais Mascen se doute que je ne m’arrangerais pas avec si peu d’explications. Quand il installe sa « protégée » à l’arrière de la voiture, je suis ses manœuvres par le rétroviseur. J’ai conscience que je ne peux pas me permettre de me mettre à dos mon seul bienfaiteur dans cette ville que je ne maîtrise pas encore. Il me demande de démarrer, j’obtempère et me concentre sur la conduite. De temps à autre nos regards se croisent dans le rétroviseur. Mon silence vaut toutes les questions. Enfin l’hôpital, la rampe des urgences, je reste au volant non pour dégager le véhicule rapidement, mais juste parce que je ne veux pas assister à ce qui est ni plus ni moins une comédie. Cette fille est mal en point, le mot drogue a été prononcé, son état y fait penser, mais le souvenir de ce qu’il s’est passé sur le toit du musée à Londres m’obsède.

Mascen remonte à mes côtés dans la voiture. Je démarre doucement et retourne m’imbriquer dans la circulation. Mutisme sur le siège passager. Il ne lâchera rien si je ne le force pas. Mais quel niveau d’intrusion puis-je me permettre ? Après un changement de direction, nous voyons apparaître la mairie au bout d’une avenue. Là où son père siège, là où celui qui a bousillé ma vie vit. Une vie que son fils me permet de reprendre, de poursuivre. Je ne peux pas jouer les ingrats, puis j’en suis bien incapable. Serait-ce à cause de ce qu’il s’est passé à Londres ? Cet état que j’ai un peu honte à qualifier. Je tourne à nouveau, la mairie disparaît de nos yeux. La circulation est bloquée, je serre le frein à main. Je regarde les piétons, tous pressés d’aller à un endroit, tous avec un but, celui d’avancer. Il faut que j’avance aussi. Je ne peux pas toujours squatter l’appartement de Macsen, mais pour cela j’ai besoin d’un petit coup de pouce. Une belle dame m’a montré un chemin. Il n’est guère valeureux, mais je suis obligé de constater que la grandeur d’âme ne fait plus recette ici-bas. Je dois m’adapter et user des mêmes méthodes.

J’ouvre la fenêtre et allume une cigarette en attendant que cela avance. Je prends soin de souffler ma fumée hors de l’habitacle. Je triture mon bâton de nicotine et réfléchis à comment tourner ma phrase. La voiture de devant avance, mais le chemin libéré est court, vingt mètres tout au plus. Je laisse mes pensées voler au gré de ce que je vois : New York, ses buildings, une histoire qui me ramènent à celle de l’Amérique, à ses présidents. Malgré moi, mes nombreuses lectures me reviennent. J’avais, dans les années trente, l’envie de traiter avec les USA. J’avais donc étudié leurs mœurs, les origines de celles-ci. Leur histoire étant courte a contrario de celle de l’Europe, ils ont élevé leurs pères fondateurs en modèles à suivre. J’avais aimé lire la biographie de ces hommes qui avaient construit un pays. Je tourne la tête vers Macsen, toujours pas décidé à s’expliquer. Il regarde devant lui, m’offrant son profil. Un autre visage me vient à l’esprit, aux formes anguleuses, les pommettes saillantes : Abraham Lincoln. Je ne saurai préciser d’où me vient ce passage, une réponse qu’il aurait donnée à un journaliste, je crois, sur comment s’y prendre avec ses opposants. Je souris pour moi-même, tire une ultime bouffée de ma cigarette avant de l’éteindre entre mes doigts et de ranger le mégot dans le cendrier pour ne pas froisser le fervent défenseur de la nature qui est assis à mes côtés. Le Buick devant redémarre, je le suis. Il faut que je me lance, même si je risque d’être à côté de la vérité. Mais avec une astuce présidentielle de haut vol, peut-être que j’arriverais à faire parler l’autre mutique qui prend racine sur le siège.

– Afin de pouvoir adapter mon comportement pourrais-tu combler mon ignorance et me dire si l’état de cette fille me guette ? Et d’autre part, j’ai un service à te demander.

Il semble que je vienne de réveiller le chêne centenaire. Je poursuis sur ma lancée.

– J’ai dans l’idée d’ouvrir un restaurant gastronomique dans le centre-ville – ailleurs cela n’aurait aucun sens –, mais pour cela il me faudrait un local vide ou une affaire à reprendre avec les accréditations qui vont bien. Un soupçon de budget également. Tu penses que ton paternel pourrait se montrer magnanime avec celui qu’il a condamné pour une querelle vieille de mille ans ?

Le ficus déploie ses branches, frétille de la feuille. Du moins, c'est ainsi que je décode ce qu’il se passe sur le siège passager. J’en profite pour revenir à ma première question, histoire qu’il ne puisse pas botter en touche en l’éludant.

– Une entreprise que je ne pourrais pas mener à bien si je me retrouve dans le même état que cette fille. Savoir comment tu fonctionnes m’aiderait à m’adapter. Ici, il semble normal de posséder des pouvoirs, qu’on en oublie les gens comme moi.

Sourire de mon côté, expression… ficusqueste de l’autre. Un jour, je serais imbattable pour décrypter le moindre frémissement de sourcil d’un faune.

– Et quant à cette entreprise de restauration, j’entends bien redistribuer des dividendes aux Caerwyn qui voudront bien me financer.

Cela hésite encore à côté.

– Il m’est arrivé une histoire l’autre jour, je t’en parlerai plus tard si tu veux. Mais, je pense que tu ne peux pas être pire que d’autres ici avec les humains. Bref, tout ça pour dire que je peux encaisser et que ça serait plus sain.


Ce que Lincoln conseillait pour mettre un opposant ou un adversaire dans sa poche était de le confondre tout en lui demandant de l’aide, car celui qui demande de l’aide ne peut pas être dangereux. Bien que je résume très mal l'analyse de ce grand Homme.


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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyMar 4 Fév - 18:42

Je remercie Josh de ne pas insister pour me suivre aux urgences. J’ignore s’il sait à quel point ce lieu est une sorte d’enfer en ville et je préfère ne pas avoir à le lui expliquer. Je lui promets de revenir vite. Aucune personne normale ne pourrait promettre ce genre de chose. On pourrait vous faire attendre une heure alors que vous baignez dans votre sang : l’attente est longue, il y aura souvent plus grave que votre cas. Josh s’est contenté d’acquiescer d’un air blasé. Il sait que je vais me débrouiller, et que la méthode ne lui plaira probablement pas. Clara ne peut pas attendre seule avec d’autres patients. Dès que je partirai, elle essayera de me suivre. Si elle ne me voit pas, elle pourrait recommencer à se blesser ou, comme c’est déjà arrivé, sortir en courant comme un animal fou et se faire renverser par la première voiture qui passe. Tout sera certainement très rapide, trop pour que le personnel surchargé réagisse. Or, quand j’entre dans l’hôpital, rien ne peut laisser deviner la gravité du cas de Clara. Ses blessures sont peu profondes, elle n’est pas mourante, elle devra attendre. Je me dirige au guichet pour l’inscrire et payer d’avance en me renseignant sur le service qui pourrait être le plus adapté à son problème. Je m’y dirige directement. Personne ne fait attention à moi. Il y a trop de monde, c’est une véritable ruche. Quand j’arrive au service qui m’intéresse, un médecin en pause me déclare avec mauvaise humeur que je n’ai rien à faire là et dois attendre au service des urgences, comme tout le monde. C’est le moment d’utiliser ma séduction. Je le force à garder la jeune femme avec lui et s’en occuper. Clara est encore calme quand je quitte le couloir, le médecin aussi, il a le regard fixe d’une personne qu’on viendrait de mettre tout tranquillisant. L’effet sera de courte durée. Clara deviendra bientôt hystérique et, charme actif ou non, il n’aura d’autre choix que s’en occuper.

Je reviens seul à la voiture. Une fois à côté de Josh, je lui sers les banalités d’usage. J’espère ne pas l’avoir fait trop attendre, la jeune femme est entre de bonnes mains, je lui souhaite de se rétablir etc. Josh se contente d’acquiescer. Je ne vois pas l’intérêt de l’ennuyer et de m’embêter moi-même avec une histoire inventée de toutes pièces, ce que je pourrais faire s’il m’avait posé des questions sur Clara ou demandé mon avis sur les junkies. Il garde le silence, et je ne vois pas ce que je pourrais dire d’autre. Je suis assez mal à l’aise, je sais que ce silence là n’a rien de normal, mais je préfère attendre la question. Alors j’attends. Je suis patient. Et si Josh ne veut rien savoir, je finirai bien par trouver quelque chose à dire pour passer à autre chose, comme si rien ne venait de se passer. Je me perds dans mes pensées, mon corps s’avachit légèrement. Alors que nous nous retrouvons piégés dans le trafic du centre-ville, Josh lance une remarque qui me fait me redresser sur mon siège. Je ne comprends pas sa question. Mon colocataire sait que je suis un faune, il me semblait l’avoir prévenu du danger qu’il y avait à trop m’approcher. Je ne lui ai pas précisé les détails bien sûr, mais ils ne semblaient pas difficiles à déduire. Je réponds assez rapidement, quelque chose me heurte dans ses craintes. Je lui avais assuré que je ne lui ferais pas de mal. Je n’aime pas qu’il remette cette parole en question. Je suis contrarié à l’intérieur, mais perplexe de l’extérieur.

– Non, bien sûr, je…

Josh n’attend pas mon développement. Il veut me demander un service. Je n’aime pas la manière dont il articule son discours. Il est évident qu’il a réfléchi à son introduction et à tout ce qu’il va suivre. Et quand une personne réfléchit à ce qu’elle va dire, c’est qu’elle cherche à mesurer ses effets, à créer de l’inquiétude et, donc, à prendre le pouvoir. Le suspens qu’il intègre progressivement me prive de mes cartes. J’ai conscience d’avoir accepté cette situation, mais ça ne la rend pas agréable pour autant. Je n’ai pas le temps de m’interroger sur les services qu’il pourrait avoir à me demander et, de toute façon, je n’aurais jamais deviné. Un restaurant gastronomique ? Ça ne semblait pas si grave que ça en avait eu l’air, finalement. Je peux baisser ma vigilance à nouveau. Mais il voudrait y mêler mon père, et c’est ennuyeux parce que je n’ai toujours pas repris contact avec mon père. Je sais que je traîne à le faire. Il me donne peut-être, après tout, une bonne raison de me bouger de ce côté, le but clair qu’il me manquait. Je réfléchis un instant, et je réponds d’un ton mesuré.

– Mon père sera très certainement assez heureux de me savoir en vie pour ne pas me refuser le premier service que je lui demanderai… Je vais faire mon possible pour reprendre rapidement contact avec lui, tes talents de cuisinier méritent d’être partagé avec d’autres personnes que moi.

Je reprends mon sourire et mes compliments faciles, mais c’est de courte durée. Josh revient sur le cas de Clara. Je ne comprends toujours pas son insistance. Il devrait savoir comment je fonctionne, je suis un faune, ce n’est pas compliqué. Et il me perd quand il ajoute qu’il semble normal de posséder des pouvoirs à New-York.

– Je suis désolé que tu aies cette impression mais, regarde autour de toi, toutes les personnes qui nous entourent dans ce quartier sont humaines et ne sont pas au courant de l’existence de la magie, tu n’as pas besoin de t’adapter à moi pour survivre, je suis le seul à devoir m’adapter ici.

Josh sait que mon père dirige la ville, et que des dieux ont des postes importants. Je ne lui apporte donc certainement pas la réponse qu’il attend mais c’est la réponse la plus appropriée à ses propos. Il n’est pas « normal » de posséder des pouvoirs à New-York, les êtres magiques sont plus minoritaires et font tout pour avoir l’air « normaux », ce qui signifie toujours avoir l’air humain. Il me semble nécessaire de lui rappeler quelques fondamentaux pour que son inquiétude face à la magie ne le fasse pas tomber dans la paranoïa.
Il ajoute qu’il est prêt à reverser des parts à ma famille quand son commerce sera lancé. Encore une fois, son esprit loyal me surprend. J’aimerais lui dire qu’il n’a pas d’obligation, mais je crois que c’est une question d’honneur pour lui. Malgré ses remarques légèrement désagréables à mon égard, il souhaite inexplicablement rester lié, honnête jusqu’au bout.

– Ne te sens pas obligé si tu n’arrives pas à me faire confiance.

Les paroles m’ont échappé un peu nerveusement. J’ai gardé le sourire, je n’ai pas montré d’agacement, mais il y a comme une crispation en moi qui me les fait regretter. Je n’ai pas l’habitude d’exprimer quelque chose qui me dépasse. Heureusement, il attire mon attention sur autre chose et me permet de ne plus  penser. Une histoire. Qui lui est arrivé. Je ne suis pas pire que d’autres. Le reste de ses paroles commence à faire sens. Il a croisé un autre être surnaturel. Mon regard se fait plus inquiet. J’ai envie de lui demander ce qu’il a vu, ce qui lui est arrivé, mais il m’a dit qu’il le ferait plus tard, certainement quand je lui en aurais enfin dit plus sur moi. Mais je ne sais pas très bien comment lui parler de moi. Il y a des choses que je préfère garder à l’intérieur, qui sont acceptables tant qu’elles ne sont pas énoncées clairement. Ce n’est pas contre lui, ce n’est même pas une dissimulation volontaire, c’est un genre de blocage avec moi-même. Cependant, j’étais près à donner quelques précisions avant d’être interrompu par son histoire de service. Je replace mes idées pour reprendre avec prudence.

– J’ai toujours maintenu une distance physique avec toi pour que tu ne connaisses pas le même sort que cette fille. Tu n’ignores pas que les faunes sont connus pour apporter un désir intense. C’est un désir qui brise de nombreuses barrières mentales, qui crée une dépendance très forte et immédiate, une passion amoureuse absolument dévorante, si tu veux, et contre laquelle il n’existe pas d’autre remède que le faune qui en est responsable. Clara était dans cet état parce que je l’ai laissée seule trop longtemps. Elle n’a pas la moindre idée de ce qui lui arrive. Je sais que tu dois me trouver horrible, et je peux partager ton avis, mais je ne peux pas faire autrement. Sans rapport charnel régulier, je deviens fou, je m’attaquerais à n’importe qui serait à ma portée. Donc, dans mon intérêt et celui des autres, je dois sélectionner des humains qui sont déjà proche de leurs fins. Clara était accro au crack, elle avait déjà fait plusieurs tentatives de suicide, elle était à la rue… Mais… Je n’ai pas toujours procédé de cette manière, c’est juste que… – Je m’interromps brutalement à la pensée des rituels que j’ai mis en place, des humains qui ont subit mes assauts sans jamais rien en savoir, parce qu’ils pensaient simplement être en transe. Comment Josh pourrait-il accepter ce genre de révélation, même si mes pratiques avaient pour but de préserver l’esprit des humains que j’utilisais ? Je suis certain qu’il en a déjà bien assez entendu pour me juger sévèrement sur le cas de Clara. Alors, je termine un peu plus maladroitement: – Je n’ai pas tous mes repères ici non plus.


Dernière édition par Macsen Caerwyn le Jeu 19 Mar - 18:10, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptySam 29 Fév - 11:39

Je préférerais mourir avec mes secrets


— M
on père sera très certainement assez heureux de me savoir en vie pour ne pas me refuser le premier service que je lui demanderai… Je vais faire mon possible pour reprendre rapidement contact avec lui, tes talents de cuisinier méritent d’être partagés avec d’autres personnes que moi.
— Hum… Des fois, je me demande si tu ne manges pas que par nécessité.

Ce manque d’expressions faciales me déstabilise. Je viens d’une société où l'on s’exprime beaucoup, autant dans le verbe que dans le geste. Le flegme britannique a tendance à m’exaspérer, comme si montrer ses émotions était se mettre en péril. Toutefois, je conçois qu’il n’y a pas que son lieu de naissance qui rend le faune ainsi. J’ai tant de curiosité à son égard que j’ai le cerveau qui fourmille de questions.

— Je ne sais pas si ton auguste géniteur sera heureux de me revoir, tant qu’il ne me renvoie pas me coucher...

Il en serait bien capable, vu la façon qu’il m’a condamné sans procès la dernière fois. Macsen se froisse quand je le pousse à s’ouvrir. Ne comprend-il pas que ma curiosité n’est pas malsaine, mais fraternelle avant tout. Il est vrai que j’aime comprendre ce qui m’entoure, mais je sais garder une réserve pour préserver la barrière de la pudeur. Une barrière qui fluctue en fonction de ce que nous vivons ensemble.

— Je suis désolé que tu aies cette impression, mais, regardes autour de toi, toutes les personnes qui nous entourent dans ce quartier sont humaines et ne sont pas au courant de l’existence de la magie, tu n’as pas besoin de t’adapter à moi pour survivre, je suis le seul à devoir m’adapter ici.
— Facile à dire quand on se trouve du bon côté. Je sais qu’ils sont une minorité, mais leur pouvoir de nuisance plombe la donne. Nous serions un million, si l’un des divins s’amuse à éternuer trop fort…
— Ne te sens pas obligé si tu n’arrives pas à me faire confiance.
— Ne te méprends pas : je te fais confiance. J’ai admis ce changement, cette redistribution des cartes. Tes besoins dont je ne connais que la partie visible. Mon esprit cartésien est malmené par tout ça. Je ne t’en veux pas, enfin si, pas pour ce que tu es, mais pour ta réserve.

L’échange semble débloquer ses mots. J’ai conscience qu’il se livre avec réticence avec un débit un peu haché comme la circulation. Il commence par ce que je sais, ce que j’ai ressenti à son contact, d’abord sur le toit du British Museum par une volonté claire de sa part et ensuite au campement, quand j’ai rapproché mon lit de camp au sien. J’avais mis cela sur le compte de ma détresse à me réveiller ainsi au milieu d’un monde ravagé, je sais maintenant qu’il n’y avait pas que ça.

« Un désir qui crée une dépendance », voilà l’information qu’il me manquait et qui explique la distance qu’il conserve avec moi. Une réserve qui me prouve son amitié. Il dit que je dois le trouver horrible, honnêtement dans ce monde de chaos, je ne sais plus où est la frontière entre le bien et le mal. Clara était une clocharde, une junkie comme ils disent maintenant. Mascen choisit l’élément faible comme proie : l’implacable loi de la nature. J’avance de vingt mètres avant d’être à nouveau bloqué. Comment une ville dirigée par ces gens peut-être autant embourbée avec des soucis aussi triviaux ? « Le secret de leur condition ? » me dicte quelques synapses.

— Je n’ai pas tous mes repères ici non plus.

J’ai percé son armure. Je ne jubile pas, même si je suis heureux des précisions qu’il m’a confiées.

— Dans un sens, cela me rassure, bien que j’espère que tu trouveras tes marques et moi aussi.

Je tapote mes doigts contre la carrosserie de ma portière. Le silence est revenu dans l’habitacle. J’observe les New-Yorkais vaquer à leurs occupations. Une armée de mouton qui n’a pas conscience de son berger ni des Patous qui les surveillent et encore moins du loup qui rôde. Le savoir apporte parfois des frustrations, mais aussi une conscience plus élevée que l’ignorant. Le chêne centenaire sur le siège avant est redevenu neutre comme à son habitude.

— On ne demande pas à un lion de devenir végétarien. Je ne me suis jamais apitoyé sur les zèbres ou les antilopes qui souffraient en étant, parfois, dévorées pas si refroidis que ça. Et on ne peut pas non plus demander à ce même lion de faire des grimaces de singes. ajouté-je, malicieusement avec un sourire en coin.

Est-ce un soupir que j’entends ?

— Tes actes seraient horribles, s’ils n’étaient dictés que pour le plaisir. Merci de t’être ouvert à ce sujet. Je te laisserai tranquille sur le sujet.

(…)

Nous sommes enfin rentrés. Je m’active à la cuisine, testant encore une recette, entraînant mes gestes.

— Faut que j’achète de vrais couteaux de cuisinier...

Je ne m’occupe pas vraiment de Mascen qui va-et-vient dans l’appartement, c’est quand nous sommes à table devant une truite meunière que nous échangeons à nouveau.

— J’ai raté la mienne : les arêtes ne se détachent pas de la chair... Au fait, tu t’y connais en poulpe ?

Regard d’incompréhension de mon vis-à-vis.

— En calamar géant, genre Kraken… ou Léviathan. Enfin, en moins moche. Y en a un qui m’embête. Ou une...

Je porte la fourchette à ma bouche, mâche avec prudence et récupère deux arêtes que j’ai fait glisser entre mes lèvres avec la langue.

— Pourtant je me suis montré serviable et gentil. Très gentleman. J'ai su par notre voisine de palier qu'un appartement allait se libérer deux étages plus haut dans quelques mois. Tu seras pas trop loin pour déguster ma cuisine. Cela permettra de passer quelque soirées ensemble si ma compagnie ne te dérange pas et tu pourras relâcher les contraintes que tu t'imposes en ma présence.
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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyJeu 19 Mar - 19:53

La remarque de Josh me laisse perplexe un instant. J’ai voulu le complimenter en toute sincérité, mais il semble que ma manière de faire ne lui convienne pas ou qu’il doute de mon appréciation réelle des choses. J’en suis désolé. Si je pouvais ressentir les choses avec plus d’intensité, j’en serais ravi, mais ce n’est pas quelque chose d’inné pour moi, et j’ignore si je pourrais l’apprendre un jour. Est-ce un problème lié à mon espèce ? J’aimerais dire que oui, ce serait plus simple. Mais, si le problème venait de là, je n’aurais aucune difficulté à vivre parmi mes semblables, je me sentirai plus à mon aise avec eux, je n’aurais aucune raison de chercher plus intéressant ailleurs. Les faunes sont très connectés au présent. Ils savent apprécier les choses simples, savourer chaque jour les mêmes plaisirs de la vie. Ce n’est pas mon cas. Les humains… semblent finalement rechercher et envier cet art de vivre que possèdent les faunes et me considèrent comme une curiosité. Mon hybridation me rend étranger à chaque groupe. Quoiqu’il en soit, sa remarque au sujet de la nourriture est plutôt inexacte. Je n’apprécie peut-être pas autant l’instant du repas qu’il le voudrait, mais j’apprécie me sentir en forme, et je fais par conséquent attention à ce que je mange, même si j’apprécie davantage les effets long terme que le moment en lui-même. Je lui réponds donc d’une voix tranquille :

– Nous mangeons tous d’abord par nécessité, mais il est presque aussi nécessaire de veiller à la qualité de nos plats.

Ce n’est certainement pas le genre de répartie qu’il attendait, mais je ne peux pas faire mieux. Au sujet de mon père, je suis plus gêné. Mon père n’a certainement rien contre Josh. Mais je me doute qu’il ne sera pas franchement à l’aise de se retrouver face à lui. Je crains ce qu’il pourrait lui dire pour garder une belle image devant Josh. Sa vérité, sans doute, à savoir, que tout est entièrement ma faute et qu’il n’a rien à voir, au fond, dans cette sale histoire. Mais, je ne pense pas qu’il insisterait. Il n’y aurait aucun intérêt à me nuire, même s’il m’en voudra certainement de lui apporter des « problèmes ». Je compte sur lui pour chercher à écourter une discussion embarrassante de la manière la plus efficace possible, et ça ne sera pas en endormant de nouveau Josh.

– Il n’aurait plus aucune raison de le faire aujourd’hui. Mon père est très soucieux de son image, il t’accordera probablement tout ce que tu demandes pour ne pas avoir à répondre de ses actes et acheter ton pardon. Laisse-lui croire qu’il a une chance de ce côté, et tout ira bien.

Josh l’a probablement compris, mon père n’est pas le genre de personne que l’on peut s’amuser à braquer. Il faut le traiter avec douceur, ne surtout pas le mettre sous la contrainte. S’il a l’impression qu’il peut encore réparer quelque chose, il le fera avec une apparente bienveillance. Il pourra même être adorable tant qu’il pense être coupable mais avoir une possibilité de se racheter. Je compte sur l’intelligence ou la peur du jeune homme pour ne pas le prendre à parti. Il sera très certainement surpris du genre de personne qu’il découvrira, quelqu’un que l’on dirait probablement incapable de faire du mal à un insecte, tant qu’on ne sait pas lire entre les lignes.
J’essaye de rassurer Josh et ce n’est pas évident. Même s’il est endormi depuis près d’un siècle, sa découverte du monde magique est très récente pour lui. La suite de ses propos me donne l’impression qu’il voit les créatures et les dieux sur la même échelle. Nous sommes tous vulnérables face aux caprices des divinités pourtant. Il me fait légèrement perdre patience mais me confirme ensuite à quel point son esprit est troublé et perdu. J’ai conscience de ne pas donner les informations dans l’ordre qu’il le faudrait. Mais il y a tellement d’informations à assimiler pour un humain, venu du passé qui plus est. Je crois, cependant, qu’il est temps de lui avouer plus clairement quelque chose, la raison principale de ma venue ici.

– Le pouvoir de nuisance des dieux existe depuis la nuit des temps sur cette terre. Aujourd’hui, les humains ont décidé de fermer les yeux et d’ignorer leur existence, ce qui ne serait pas très grave si une catastrophe dimensionnelle ne les avait pas renforcé malgré l’incroyance des peuples. Les créatures et les sorciers aussi les craignent. Nos pouvoirs ne sont rien face aux leurs. Cependant… Je suis venu ici pour essayer de changer les choses. Mais comprends bien qu’il est dangereux d’en parler. Personne ne me connaît encore, et je veux garder cet atout le plus longtemps possible. Je ne suis rien de plus qu’un être un peu plus avantagé qu’un humain, je ne suis rien face à une divinité.

Puisque les confidences sont lancées, j’explique plus en détail ce que je suis, ce que je provoque chez les gens qui succombent à mon pouvoir et les difficultés que je rencontre, moi aussi, pour m’adapter dans ce monde. Cette fois, Josh semble satisfait. Mon discours lui semble assez honnête pour ne pas mériter une nouvelle remarque sur mon inexpressivité flegmatique, peut-être parce que mes émotions sont réellement vécues cette fois. Je suis gêné. On pourrait croire que mon espèce devrait aborder l’acte sexuel avec le plus grand naturel, et c’est en effet le cas des autres faunes, mais c’est un sujet qui me dérange. Tout ce qui relève de l’intimité et de la faiblesse me dérange quand je dois l’exprimer. Sans doute un héritage mal placé de mon humanité. Pour le reste, tout se passe bien avec les humains tant qu’il m’est possible de les considérer comme des « outils » distrayants, mais je ne vois pas très bien comment je pourrais garder une relation correcte avec l’un d’eux en lui révélant un comportement que leur morale devrait réprouver. Josh montre cependant de la compréhension, parce que je ne suis pas humain et que, ce qui ne relève pas de mon choix personnel ne peut pas être une perversion. Mais je ne suis pas certain de vouloir de ce genre de compréhension. Je ne suis pas certain de vouloir être perçu comme un prédateur qui ne voit que du bétail dans les êtres humains. C’est pourtant bien le cas. Et je ne nierais pas que beaucoup d’humains sont loin d’attirer mon intérêt. Je n’attaque que les esprits les plus faibles, ceux qui me semblent les plus éloignés de ce que l’on peut attendre d’une humanité à son meilleur potentiel.
Je suis plutôt heureux que Josh décide lui-même de clore ce sujet délicat. Si ma manière de procéder ne le dérange pas, c’est un poids en moins dans notre relation. Je me méfie beaucoup des sensibilités sans aucune logique dont sont capables les humains à cause de leur rapport à la moralité. Mais Josh n’est pas de ceux-là, et c’est la raison pour laquelle j’apprécie autant sa compagnie, c’est, encore une fois, la raison pour laquelle il se retrouve embarqué dans cette époque, dans ce monde de fou, pour avoir un peu trop attisé ma curiosité.

***

De retour à l’appartement, je le laisse à ses fourneaux puisqu’il demande à préparer le dîner. Malgré les événements, il n’est pas décidé à abandonner son projet de cuisiner une truite achetée plus tôt dans la journée. Je m’occupe donc comme je peux, en lisant mollement des articles de presse, la tête encore à moitié ailleurs, jusqu’à ce qu’il m’appelle pour passer à table. Il se montre critique sur la cuisson de son poisson, pas assez parfaite à son goût, puis me demande soudain si je m’y « connais en poulpe ». Je lève un regard surpris sur lui, en me demandant si je suis censé lui donner mon avis sur les plats à base de poulpe, mais il précise son idée. Un poulpe plutôt légendaire, du genre Kraken ou Léviathan. Il s’exprime prudemment, tout en continuant de jouer sur l’absurdité de la situation. Un Léviathan l’embêterait. De l’inquiétude passe sur mon visage. J’ai rencontré le Léviathan et elle ne semble pas se montrer difficile d’accès. Alors, se pourrait-il que Josh ait croisé son chemin aussi ? Comment ? Et pourquoi ? Beaucoup de questions se bousculent dans ma tête et j’entends à peine la suite de son discours, qui change radicalement de sujet, pour me parler d’un appartement qui se libérera bientôt au-dessus. Je ne sais plus très bien quelle information je dois traiter, je ne sais pas quel est l’intérêt de me livrer les deux en simultané. Je note la seconde dans un coin de ma tête, mais je dois surtout revenir sur la première.

– Qui est-ce qui t’embête ? Tu n’as rien passé qui ressemble à un pacte avec, j’espère.

Est-ce que le Léviathan aurait pu s’amuser à me retrouver et me faire un coup détourné pour capturer une personne à laquelle je suis lié ? Il faut que je sache vite. Il serait vraiment terrible que Josh se retrouve dans de nouveaux ennuis par ma faute, et des ennuis qui coûteraient bien plus chers que sa vie. Ma nervosité est palpable. J’appréhende réellement tout ce qu’il pourrait me dire à ce sujet.
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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyVen 27 Mar - 17:05

Je préférerais mourir avec mes secrets


J
e ne suis pas à l’aise pour parler de ce qu’il s’est passé avec Thomasine à bord de sa péniche. C’est pour cela que je mêle cette histoire d’appartement qui se libère au milieu. C’est peut-être aussi un test inconscient pour voir quelle perche Macsen va saisir en premier. De ce qu'il s’est passé sur le Léviathan, je garde un sentiment mitigé entre honte et frustration. Elle m’a piégé dans un jeu où je n’avais ni les règles ni la conscience d’y jouer. Ce contrat ne peut pas être valable ! Seulement mes connaissances en droits divins sont nulles. À tout battre, je peux réciter les dix commandements, si cela a encore un sens aujourd’hui… Hum… N’aurait-elle pas violé le septième : « tu ne voleras pas ton prochain » ? Car dans ses propos, elle dispute « ma garde » avec mon « bienfaiteur ». Si je fais un raccourci, elle me vole au Ficus ! Pas bien ! Je suis dans les ennuis jusqu’au cou !

– Qui est-ce qui t’embête ? Tu n’as rien passé qui ressemble à un pacte avec, j’espère.

Je lève les yeux de mon assiette et regarde mon hôte. Je laisse échapper un bref soupir. Il a choisi de s’inquiéter de mon problème plutôt que de la promesse de me voir lui donner de l’air rapidement. Je modère mon enthousiasme, car il ne saurait y répondre. Mais, je suis heureux de constater qu’il n’a pas l’empathie d’un caillou.

– Je n’ai rien signé, rien accepté oralement. Juste manger un bout de pomme tenu par cette femme sur son bateau du nom « Le Léviathan ». Elle ne faisait que parler par énigme, chacun de ses mots se parait d’un double sens trompeur dans sa bouche. Elle a fait une analogie entre ma situation et celle de Proserpine… En gros : accepter de manger en enfer ferait de moi son dévoué.

Je fais un geste las de la main. J’espère que Macsen est calé en mythologie, car cela me fait suer que de répéter ce qui malgré tout reste encore pour moi une fable.

– Je n’ai rien fait, rien dit de manière consciente, elle m’a piégé. C’est possible ça ? T’es pas censé signer de ton sang les pactes avec un démon ? J’ai toujours pensé… enfin dans ce que je pensais être de l’ordre du conte, qu’un démon ne pouvait pas prendre une âme sans l’accord de son propriétaire.

J’ai reposé mes couverts et mis mes mains sur mes genoux avant de renverser quelque chose. Je regarde un point au centre de la table n’osant plus regarder Macsen dans les yeux. Je suis abattu. Ma seule satisfaction dans cette affaire est de l’avoir laissée en plan sur son lit. Maigre consolation.

– Son nom est Thomasine Océane. Elle demande à te voir. Car tu représentes « la bonne personne » qui s’est occupée de moi, pour partager ma garde. Elle me veut sur sa foutue péniche durant les week-ends pour lui tenir compagnie à elle et son basilic. Et je ne parle pas de la plante aromatique.

Je relève enfin les yeux vers mon ami.

– Dis-moi que son contrat n’est pas valide ! Je lui ai juste cuisiné un repas !

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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyLun 13 Avr - 11:08

Bizarrement, mon inquiétude ne semble pas accentuer la nervosité de Josh, au contraire. Je ne saisis pas très bien cette variation dans son comportement, mais je suis à mon tour rassuré de l’entendre me dire qu’il n’a rien signé ni accepté clairement. La description très exacte de la femme blonde que j’ai moi-même rencontrée sur une péniche ne me détend pas pour autant. Oui, Thomasine aime parler de façon vague et a toutes les peines à clarifier ses propos, même avec des questions direct. C’est un petit jeu que j’ai bien remarqué et dont le but évident est de dérouter en donnant l’impression d’une plus grande maîtrise sur la situation que la réalité. Les démons jouent avec les mots, c’est bien connu, mais leurs pactes ne sont pas aussi flous qu’ils en ont l’air. Quand ils vous troublent l’esprit, c’est pour vous empêcher de considérer des angles essentiels dans l’accord, pour vous décourager à poser trop de questions, pour vous faire négliger les points de détail qui, à terme, deviendront d’immenses problèmes. J’avais aussi partagé un repas avec l’ancienne divinité, sans me méfier car le but d’un repas est de faire baisser la garde, rien de plus. Je comprends que la comparaison avec le mythe de Proserpine ait pu donner du crédit à sa version dans l’esprit de Josh, mais je crois aussi que, malgré l’existence des dieux, la plupart des mythes gardent une dimension hautement symbolique, les humains en ayant retenu ce qui faisaient sens dans leur société. Josh ne me laisse pas le temps de réagir. Évoquer son histoire fait remonter son inquiétude en flèche. Je ne suis pas expert en démons et, comme Josh, j’ai abordé ma rencontre avec Léviathan en me basant sur ce que j’en savais, parce que je pense ce genre de connaissance fiable, faute de mieux pour l’instant. Pour contrebalancer sa panique, j’essaye de lui faire reconsidérer la situation plus raisonnablement :

– Sans affirmer que le pacte avec un démon est une formalité administrative ou implique tout un rituel, les avertissements des humains à l’encontre des démons ont certaines bases indéniables. Ce n’est pas parce que la magie n’est plus officielle que les méthodes pour se préserver des magies les plus dangereuses sont erronées. Autrement, les démons auraient pris le contrôle du monde depuis longtemps. Si tu n’as rien accepté clairement, il est peu probable que tu sois lié au Léviathan. Le réel danger est d’accepter une condition en ne cherchant pas à connaître tout ce qu’elle implique. Le pacte démoniaque est un échange, le démon doit offrir quelque chose qui représente un avantage intéressant à sa cible pour disposer d’une âme. Quant à l’histoire de Proserpine, elle aborde une pratique trop isolée pour en tirer ce genre de conclusion. Je crois qu’il faut plutôt y voir une métaphore, elle ne peut pas rentrer car elle a consenti à son mariage avec Pluton, passant du statut de jeune fille dépendante de sa mère à épouse. Son changement de nom est d’ailleurs assez éloquent.

Une histoire qui expliquait entre autres que les parents devaient se résoudre à laisser un jour partir leur adorable fille aux bras d’un homme qu’ils n’avaient pas toujours choisis pour des terres où ils ne pourraient plus veiller sur elle. Les mythes antiques n’avaient pas la moralité des histoires bibliques qui avaient suivi, ils expliquaient seulement le fonctionnement du monde, et les étapes de la vie, même si l’important était surtout de justifier une peine assez grande chez Cérès pour provoquer la saison froide. D’ailleurs, puisque nous évoquions la version romaine, en tant que Dieu souterrain, Pluton était aussi vénéré pour la richesse minérale de son monde et même en tant que dieu également responsable de la fertilité du sol. Il y avait donc peu à craindre de cette histoire. Ce qui continuait de m’inquiéter en revanche, était le « pourquoi » de ce petit jeu avec Josh. Je me retenais de me laisser aller à la panique en réagissant sous le coup de la colère qui montait en moi à mesure que Josh me rapportait ce qu’elle lui avait dit. J’avais très nettement l’impression qu’elle se fichait de moi. La rencontre pouvait-elle relever du hasard ? Pouvait-elle vraiment ne pas avoir fait le lien entre Josh et moi ? Dis comme ça, c’était assez peu probable. J’avais promis à Thomasine de ne pas lui faire faux bond et de la revoir, c’était le seul « pacte » que j’avais accepté pour l’instant, et une telle attitude impliquait qu’elle préférait prendre certaines initiatives pour me « contourner » car visiblement, elle n’accordait pas de valeurs à ma promesse ou trouvait désagréable que je prenne trop de temps pour réfléchir à ses propositions. Mais ça n’avait aucun sens de m’enflammer là-dessus devant Josh, même si mon visage s’était fermé à mesure de son développement. Avec une certaine impatience et en ignorant cette fois ses demandes à être encore un peu rassuré, je lui demande brusquement :

– Quand est-ce que tu l’as rencontrée exactement ? Comment est-ce arrivé ?

J’espère qu’il ne prendra pas mon attitude contre lui, même s’il serait difficile de faire autrement étant donné qu’il ne connaît pas encore l’autre partie de l’histoire. Tant pis, je veux des réponses, je veux savoir à quoi m’en tenir pour pouvoir m’expliquer plus calmement ensuite au besoin ou plutôt, savoir si je dois vraiment être contrarié ou si je peux me détendre légèrement.
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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyDim 26 Avr - 8:25

Je préférerais mourir avec mes secrets


J
e n’aime pas dépendre d’un autre pour tout un tas de raisons où la fierté est en bonne place. Mais là, il s’agit de bien plus que mon orgueil, il est question de ma liberté au sens général. Macsen s’est arrêté de manger, rien à voir avec une quelconque arrête oubliée dans sa truite. Il prend au sérieux mon histoire, faisant grimper mon angoisse en flèche. Je vois presque les rouages de sa cervelle s’activer et trier les informations. La patience n’a pas été aussi difficile à tenir qu’en ce moment même. Puis la leçon se déverse à mots posés dans une suite logique que j’écoute avec le plus d’attention possible. Le Ficus est avare d’explications ou du moins peu prolixe en la matière. Un trait de caractère de mon ami plus qu’un aspect de sa nature, il me semble.

Il me confirme qu’il existe bien des règles pour qu’un démon asservisse un humain et que le cœur de tout pacte passe par un accord éclairé du contractant. J’imagine bien qu’un démon peut se débrouiller à pousser sa proie dans ses retranchements et limiter ses choix. Je n’ai pas clairement vendu mon âme à Poulpy, je suis certain de ce fait. Elle a joué sur les mots. Mon plombage chauffe méchamment libérant un goût désagréable tant je serre les dents de rage.

Macsen poursuit sur sa lancée, mon problème l’inquiète, il ne m’a jamais sorti une tirade aussi longue. Il mentionne l’échange qui se doit équitable, or contre le repas que j’ai préparé, je n’ai eu qu’une leçon sur la mythologie que je n’avais en fait pas demandé. Je desserre enfin les dents quand le Ficus parle de métaphores, plus qu’une transposition pure et dure du mythe de Proserpine. Je me souviens du parler alambiqué de Thomasine. Je voyais dans ses polysémies une manière pédante de paraître au-dessus du commun, un peu comme la bourgeoisie de mon époque qui soignait ses tournures de phrase. Quand l’habit ne fait plus le moine reste le verbe plus difficile à s’approprier qu’un vêtement. Mais au final, cela ne serait qu’une entourloupe démoniaque. Le Léviathan vient de perdre un bon tonnage dans mon esprit. À quoi sert donc la puissance, si à la fin c’est par le verbe que le combat se passe ?

J’écarte mon assiette et me contente d’émietter mon trognon de pain. J’ai perdu l’appétit. Macsen éclaire la scène sous un angle nouveau, un point de vue qui me rassure quant à ma place dans cette ville. Les démons sont puissants, mais pas libres d’user de cette puissance sans enfreindre des règles établies. J’extrapole aux dieux qui sont aussi coincés dans cette dimension restreinte où le moindre cataclysme signifie la fin pour tout le monde. Rasséréné sur mon devenir, je savoure une gorgée du blanc que j’ai débouché pour aller avec le poisson. Toutefois, connaître les règles du jeu n’élimine pas les risques.

– Quand est-ce que tu l’as rencontrée exactement ? Comment est-ce arrivé ?

Plongé sur ma personne, je n’avais pas creusé sur le verbiage inhabituel de mon compagnon, pourtant c’est assez notable pour cacher quelque chose. Sa question qui claque comme un coup de fouet me met en alerte. Inutile que je lui pose la question sur ce qui le tracasse réellement, il éludera si pour lui je n’ai pas à être mis au parfum. Je note ma question dans un coin de mémoire et joue à l’humain obéissant. Je n’ai guère le choix de toute manière.

– Il y a deux jours. Je buvais un verre au Golden Snake. Peu de monde au bar, une blonde montée sur échasses au comptoir. Je lui ai offert un verre. Mon idée première était de passer un moment agréable tout en élargissant mon cercle de connaissance. Même pas une pensée graveleuse, si tu veux tout savoir.

J’explique que de fil en aiguille nous en sommes venus à discuter cuisine, que je l’ai invitée à dîner et que cela s’est terminé sur sa péniche où je lui ai préparé un repas.

– Bon là, j’admets que s’est un peu parti sur une pente licencieuse, mais son tour de passe-passe m’a coupé le…. Enfin je ne vais pas te faire un dessin. Et comme elle ne m’avait pas mal mis en rogne sur cette histoire de vente d’âme, j’ai simulé pour lui coller un vent à la dernière minute. C’était puéril j’en conviens, mais dieu que ça m’a fait un bien fou. Elle n’a pas semblé fâchée… presque amusée.

Je me lève et commence à débarrasser laissant la coupe de fruits au centre de la table.

– Tu ne crois pas qu’elle s’est jouée de moi ? Pourquoi se donner toute cette peine pour ne rien gagner au final ? Je me fais un café, tu en veux ou tu préfères un thé ?

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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyLun 18 Mai - 17:18

Je n’ai pas souvent l’occasion de sortir des rôles que je me donne, j’ai pris l’habitude de faire ce que je voulais des faunes et des humains. Mes interactions sociales se passent comme elles devraient l’être depuis un siècle. Je ne m’attache pas, je ne m’inquiète jamais. Si quelque chose échoue, je change d’idée, je prends un autre chemin en estimant que ça ne devait sans doute pas fonctionner. J’ai traversé le XXe siècle avec cette mentalité que l’on dirait désinvolte mais, en réveillant Josh, en l’acceptant dans ma vie, je me retrouve mêlé à des choses qui me dépassent. Ce soir, je crois que je passe par à peu près toutes les émotions, de l’embarras à la colère, à la peur même, et que sais-je encore ? Un instant, je me demande si tout cela ne ferait pas partie d’un plan sournois de mon père. Que serait-il arrivé s’il n’avait pas plongé Josh dans le comas ? Aurions-nous continué à nous voir, ou m’aurait-il amusé quelques semaines avant que je m’en détourne pour d’autres aventures ? J’y pense souvent. Je regrette souvent de l’avoir entraîné dans cette histoire. Je ne cesserai jamais de le regretter, je le crois. Mais je le regrette en partie parce que je ne comprends toujours pas ce qui m’a pris. J’agis souvent pas coups de tête, mais je suis capable de trouver une logique à mon attitude à froid. Concernant la décision étrange d’amener Josh sur mes terres, je n’arrive toujours pas à le raisonner. J’ai beau me répéter que j’étais jeune à l’époque, de la même jeunesse que n’importe quel humain de vingt ans, ça ne me semble pas une justification suffisante pour résoudre cette énigme, pour répondre aux impressions confuses qui bataillent dans ma tête tandis que je m’étends plus que je ne le devrais sur l’histoire de Proserpine. Je finis par choisir de me concentrer sur ma colère à l’égard de Thomasine et de sa potentielle trahison. Mais, en réalité, je crois que ce qui me contrarie le plus, c’est l’idée que les choses auraient pu être plus graves et que Josh aurait pu disparaître sans que je n’en sache jamais rien. Comme je le vois se servir un verre de blanc, je remplis mon verre à mon tour. Comme on dit, dans le doute, l’alcool aide toujours.

Je l’écoute avec attention me raconter sa rencontre fortuite avec la démone. Comment il lui a offert un verre, en me précisant qu’il n’avait pas d’intentions particulières à ce moment. Je m’interroge un instant sur le pourquoi de cette précision, mais je réalise aussi qu’elle me rassure inexplicablement. Il a l’air embarrassé d’aborder cette partie, et il est vrai que nous ne nous sommes jamais étendu sur ce qui touchait au privé, pour la simple raison que c’est un élément que je préférais éviter jusqu’à ce soir, justement. Quand on reste discret sur soi, il est difficile de pouvoir s’intéresser réellement à ce que vit l’autre et de lui imposer de vous en parler. J’esquisse un sourire quand il me raconte le genre de tour qu’il lui a joué pour se « venger » d’avoir essayé de le piéger. Je crois que c’est une réaction appropriée. Je crois que c’est plutôt amusant aussi. Je me figure bien également l’expression presque amusée de Thomasine face à l’échec, il me semble bien que c’est sa manière de s’enfermer en elle, dans sa fierté, de s’acharner à refuser le mauvais rôle, à le nier complètement. C’est une chose qui n’est pas rassurant chez elle, une sorte de vide impénétrable, pour une entité qui n’accepte pas la possibilité d’être mis en défaut ou en difficulté. Quand il me demande si je pense qu’elle s’est jouée de lui et, plus particulièrement, pourquoi elle se donne tout ce mal. Je lève un instant les yeux au plafond en soupirant l’air pensif. Puis je finis d’une traite mon verre quand il me demande si je veux un thé ou un café, avant de réaliser que le vin m’allait très bien. Josh en avait peut-être terminé avec les révélations compliquées mais j’étais encore loin d’être tiré d’affaire en ce qui me concernait. Il fallait bien que je lui révèle à mon tour ce que je savais du Léviathan.

– Merci, je crois que je vais juste me resservir encore un peu de ce blanc. – Je reprends la bouteille. Puis, je pose mon regard sur Josh en souriant. – Je me suis exactement posé la même question que toi quand je l’ai rencontrée « pourquoi rendre les choses si compliquées ».
Je n’ai pas cherché à faire de l’ironie, même si je réalise que cette attitude désinvolte pourrait prêter à confusion. J’avais vraiment envie de dire à Josh que nous partagions le même genre d’analyse. Mais ce n’était pas exactement le bon moment pour le faire. J’essaye de me remettre les choses dans l’ordre :
– Enfin oui, je suis désolé, je suis tombé sur elle il y a quelques jours aussi, mais je ne pensais pas qu’il était utile de t’en parler, je ne savais pas quoi en penser non plus. J’avais vu sa carte de visite dans un lieu où se rassemblent des créatures magiques. J’ai été intrigué car elle prétendait avoir des millénaire d’expérience et… – Faute d’inspiration pour continuer à me justifier, je reprends tout naturellement les interrogations de Josh : – Je crois juste qu’elle se sent seule mais n’est pas assez honnête avec elle-même pour l’admettre et se distrait de cette manière, sans doute au dépend de nombreuses autres personnes. Quand tu m’en as parlé, j’étais inquiet qu’elle ait pu remonter ma piste pour venir te nuire par simple esprit de malice. Si c’est le cas, si j’ai manqué de jugement et de prudence, je suis désolé.

Se perdre dans des excuses est plus facile que développer le contenu de ma conversation avec Thomasine. J’aurais beau donner tous les prétextes du monde, c’était mentir de prétendre que j’attendais le bon moment pour lui en parler. J’avais proposé à la démone de séduire des humains pour contourner les règles des contrats infernaux qui, précisément, les protégeaient. Je n’étais pas vraiment certain que Josh puisse me suivre dans ce genre de combines, ni qu’elles le concernaient. Enfin, je n’en savais rien. Il avait voulu s’engager auprès de ma famille alors, je lui devais une certaine transparence, pour lui permettre de se désolidariser s’il le souhaitait. Je ne voulais pas me jouer de lui, mais je détestais cette impression de devoir soumettre toutes mes actions au jugement d’un autre. Je l’ai bien vu ce soir, les secrets finissent par tomber quand on doit partager la vie de quelqu’un et les faire durer aggrave tout. Fatigué, et sans doute aidé par le vin, je laisse tomber sans plus chercher à fuir :

– Autant te le dire tout de suite, je sais qu’elle cherche des âmes parce que j’en ai discuté avec elle. Elle m’a proposé une alliance. Mais je ne suis pas certain de lui faire confiance.
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Josh R. de RoncevauxJosh R. de Roncevaux


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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyMar 2 Juin - 9:57

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M
es gestes semblent dépourvus de stress, pourtant la normalité dans mon attitude n’est qu’une méthode pour endiguer mon appréhension. C’est quand Macsen me fait part préférer poursuivre au blanc plutôt que de basculer sur du café que je réalise que je ne suis peut-être pas le seul à me trouver dans l’inconfortable.

– Je me suis exactement posé la même question que toi quand je l’ai rencontrée « pourquoi rendre les choses si compliquées.

Je lève un sourcil étonné. Mon colocataire a déjà rencontré Poulpy ! Assez longtemps pour savoir que la jolie blonde ne sait pas parler simplement, ou du moins tenir une conduite non équivoque. Il m’explique le chemin qui l’a conduit à elle et le pourquoi il n’avait pas vu l’intérêt de me parler de cette rencontre. Jusque-là, je suis son raisonnement et suis d’accord avec ce fait : il n’est pas tenu de me raconter la teneur de ses activités, tant que cela ne m’implique pas.

– Je crois juste qu’elle se sent seule, mais n’est pas assez honnête avec elle-même pour l’admettre et se distrait de cette manière, sans doute aux dépens de nombreuses autres personnes.
- C’est vexant d’être résumé à une distraction… Et c’est peut-être bien ce qu’il y a de pire à craindre chez les puissants de cette ville, n’être que des jouets à leurs yeux.
- Quand tu m’en as parlé, j’étais inquiet qu’elle ait pu remonter ma piste pour venir te nuire par simple esprit de malice. Si c’est le cas, si j’ai manqué de jugement et de prudence, je suis désolé.
- Hum…


Je ne sais que penser de cela, sinon que je fais le raisonnement inverse : remonter ma piste pour nuire à Macsen. Dans cette ville, je suis bien forcé d’admettre qu’il a plus de « valeur » que moi, simple mortel. Certes, les « puissants » ne sont qu’une poignée et la majorité des humains vivent leur vie sans avoir conscience de leur présence et sans en subir des conséquences notables. Un pion ne sait pas qu’il n’est qu’un pion, ignorant bienheureux. Serais-je mieux dans ma tête si je ne savais rien de tout cela : oui. Seulement, entre vivre dans les affres de se savoir manipulé ou demeurer un mouton paisible… Le simple fait d’avoir conscience du problème raye tout choix possible vers l’ignorance, du moins pour moi. Macsen termine de m’achever en allant droit au but sur la teneur de leur rencontre.

– Autant te le dire tout de suite, je sais qu’elle cherche des âmes parce que j’en ai discuté avec elle. Elle m’a proposé une alliance. Mais je ne suis pas certain de lui faire confiance.

Il parlerait d’un business commercial ordinaire, il emploierait le même ton. L’âme réduite à une marchandise… Je laisse la préparation du café là où elle en est pour attraper une bouteille de whisky et me servir une double dose dans un verre. Je me contente de hocher la tête. Libre à Macsen d’interpréter cela à sa guise : oui, il est préférable de ne pas faire confiance à Poulpy, ou oui je prends note que le trafic d’âme peut être lucratif ou d’un intérêt stratégique.

L’alcool se réchauffe dans le ballon au pied court que je tiens au creux de ma main. Je ne regarde pas mon hôte, sa désinvolture me révolte, si tant est que c’en soit une et pas simplement le reflet de sa vraie nature. La première gorgée d’alcool explose sur ma langue et brûle mon gosier pour une anesthésie des sens qui est la bienvenue. Jusque-là, je me suis arrangé avec la nature du demi-faune et mis ses travers sur l’élémentaire nécessité de survie. On ne demande pas à un lion de devenir végétarien parce que la mort d’une antilope nous émeut.

Mon palais étant préparé, la deuxième gorgée est plus douce, je savoure la force du malt et les arômes de céréales. Je n’ai jamais versé une larme pour une antilope ni pour les rhinocéros dont les cornes m’ont rapporté une petite fortune. J’ai importé bien des produits illégaux ou qui le sont devenus après ma mise en sommeil. Dans les bouquins que Macsen avait mis à ma disposition, j’avais lu des traités d’économie et pris conscience de l’impact de mon activité, pas seulement sur la faune, mais sur toute une catégorie de population que je considérais comme des pions. L’éloignement géographique de ces pays tropicaux était un confort pour l’âme, celle dont le Léviathan fait commerce. Cette situation est presque une mise en abîme. Je soupire, avale une nouvelle lampée du breuvage doré et regarde enfin le faune.

Ma position est simple, soit je fais partie du troupeau de moutons, soit j’intègre le système qui les dirige. Je ne peux pas me prévaloir d’un business exemplaire et jouer les scandalisés. La différence entre avant et maintenant, c’est que les moutons sont sous mon nez, dans l’appartement d’à côté, dans la rue. S’arranger avec sa conscience devient plus délicat. Un néophyte pourrait penser que tout cela viole les préceptes de la longue lignée de chevaliers dont je suis issu. Seulement l’histoire ne retient que les faits héroïques, mais jamais la vie ordinaire de ces soldats qui n’ont toujours été que des hommes.

J’affectionne un certain mode de vie qui se pare d’élégance, de raffinement et de noblesse, un écran de fumée qui cache tout un jeu opportuniste et intéressé : la face cachée de Josh Roland de Roncevaux que seuls mes principaux adversaires en affaires connaissent pour s'y être piqués. Je n’ai jamais été un patron qui ordonne, mais plutôt celui qui convainc ou à défaut, qui négocie.

Une contracture sur ma joue trahit ma profonde réflexion. Macsen a fini par arrêter de tourner autour du pot pour se montrer direct. Et c’est la meilleure des solutions, même si elle me renvoie à mes propres contradictions. Le faune ne connaît de moi que ce qu’il a vu, notre épopée dans son pays, ma réaction après un sommeil forcé et un monde bouleversé. J’ai conservé en partie mon sang-froid grâce à mon éducation de mondain et laissé échapper un désarroi modéré. Si j’ai encore du mal à cerner quel type de lien le faune voit entre nous, je crois qu’il me voit plutôt comme une victime. C’est l’idée que j’en avais jusqu’à aujourd’hui. Mon réveil n’était peut-être pas à cent pour cent philanthropique. Toutefois, je ne lui jetterai pas la pierre, j’ai toujours calculé mes retours sur investissement, même sur mes actions caritatives. Argent, influence, notoriété, il y a toujours quelque chose à gagner. Seulement, Macsen ne sait rien de l’homme d’affaires que j’étais. Mais il sait que je ne suis pas sans ressources et que tel un chat, je sais retomber sur mes pattes en cas de situation instable.

Ma conscience des créatures et divinités qui nous entourent m’écarte de facto du troupeau des ignorants bienheureux. Je n’ai jamais été un contemplatif. Rester à l’écart tout en m’assurant une vie paisible avec un restaurant ne m’apparaît plus suffisant. Sans le vouloir, ou si peut-être, Macsen a mis les points sur les i, et m’ouvre les yeux sur ma condition : je ne suis pas un humain lambda, je suis un humain qui sait. Autant en tirer profit et faire coïncider tout cela avec une once de moralité. Je pose mon verre doucement sur la table.

- Quel genre d’affaires pensais-tu pouvoir nouer avec cette entité en échange d’âmes ? Et je suis d’accord que Thomasine Océane possède un esprit particulièrement tordu pour ne pas dire alambiqué qui demande de la prudence. Nonobstant, elle peut être une partenaire commerciale intéressante, si tant est que l’on évite ses pièges.

Qu’ai-je à y gagner ? De l’influence ? Une publicité ? Une assurance-vie ? Je crois qu’il faut bien nos deux cervelles pour nous déjouer des tours et détours de Poulpy.

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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyMar 14 Juil - 18:10

L’explication que je donne à Josh concernant le comportement de Thomasine ne semble pas le satisfaire. Ce n’était probablement pas celle qu’il voulait entendre en demandant mon point de vue. Mais, quand on me demande un avis, je ne vois pas l’intérêt de mentir ou d’atténuer la vérité. La réalité n’est pas toujours amusante ni flatteuse. Il faut cependant composer avec pour garder un certain contrôle dessus. Ne pas l’accepter, c’est aussi choisir l’aveuglement, et laisser donc le pouvoir aux autres. Josh a sa fierté. Il ne supporte pas l’idée de ne pas être celui qui tient les rênes du jeu. Sa contrariété m’amuse un peu. Il prend les choses trop personnellement. Si j’ai cette analyse, c’est parce que j’estime n’avoir été, moi aussi, qu’une distraction pour la déesse. Et alors ? L’ai-je moi-même considérée comme autre chose ?

– Si c’est ce que tu crains le plus, alors accorde moins d’importance à ce qu’ils pourraient penser de toi. Ils peuvent ne voir qu’une distraction en toi, tu peux aussi ne voir que des êtres désœuvrés dont la grande époque est terminée.

Il n’y a pas à être vexé de l’opinion d’une personne dont nous n’attendons rien. Et Josh n’attendait probablement rien de sa rencontre avec Thomasine, si ce n’était, lui aussi, une forme de distraction. Son raisonnement tient plus de l’ego blessé que de la logique. J’aimerais lui en faire prendre la mesure, lui permettre d’envisager la situation différemment, autrement qu’à travers la seule puissance des divinités. Bien sûr, elles sont dangereuses, et il serait vain de se dresser de manière frontale contre elles. Mais nourrir de la rancœur à l’égard de leur force n’avance à rien. Poser un regard plus dédaigneux sur elles, en revanche, serait d’une meilleure utilité pour survivre dans ce monde. Il faut savoir les oublier, leur accorder une importance toute relative. Faire l’inverse leur donne déjà un impact indirect dans nos vies. Faire l’inverse laisse prostré et convaincu de ne rien pouvoir faire pour lutter contre leur règne. C’est pourtant à force de dédain que ces entités ancestrales ont sombré au fil des siècles dans la faiblesse et l’oubli. J’ai laissé Josh se débrouiller seul ces dernières semaines. J’ai espéré qu’il s’adapterait de lui-même à la vie moderne en rejoignant les rangs des humains, en cessant de considérer avec inquiétude l’existence d’être magiques mais sa rencontre avec Leviathan nous laisse au même stade, à cette même impression pour lui de ne pas réussir à trouver une place digne de lui dans un monde où rien ne semble lui donner un avantage. J’ai une petite idée de sa vie d’avant. J’ai rencontré un homme orgueilleux, un riche héritier avec le monde à portée de main. La victime de ma famille n’est pas un individu lambda des années 30. Je l’ai privé de ses projets, de son destin, pour le transporter dans une époque où tous ses avantages ont disparu. Nous en parlons peu. Je me sens toujours aussi démuni et incapable de l’aider sans m’impliquer vraiment dans son existence.

Je n’ai plus le choix, je dois me montrer franc avec lui. En peu de mots, je lui révèle tout, sans chercher à embellir quoique ce soit. Je lui laisse la possibilité de déduire ce qu’il en voudra, de se faire son opinion, et, peut-être grâce à l’alcool, je me sens assez serein et tranquille de le faire. J’accepte de lâcher prise sur cette histoire. J’accepte de me faire insulter et traiter de monstre. Après tout, il a déjà eu une première occasion de le faire en voiture, mais s’est abstenu. Le fera-t-il avec cette nouvelle information ? Une curiosité étrange, presque masochiste, me traverse. Je me demande jusqu’à où je pourrais aller avant de le faire vraiment céder, avant de me faire jeter. Il ne fait aucun doute pour moi qu’il devrait le faire. Je le vois renoncer au café et opter pour un verre de whisky. Oui, je dois le désespérer. Il est probablement en train d’admettre qu’il n’y a rien à sauver chez moi, finalement. Je ne suis pas humain. Je suis une créature cornue, un monstre à fuir et dont on aurait réclamé la traque à raison un ou deux siècles plus tôt. Ça n’a plus d’importance. Puisque j’ai parlé, il est trop tard pour m’inquiéter des conséquences. Je continue de boire, comme hors de la scène, en attendant les reproches et les insultes. Mais elles ne viennent pas. Après une réflexion dont j’ignore les tenants, Josh me demande, très calme le genre de marché que je comptais exactement passer avec Thomasine. Il me parle soudain comme un égal. Il adopte presque la même attitude que celle que j’ai choisi face à la déesse, après m’être révolté en moi contre le marché d’âme, mais avoir considéré que je n’avais pas de raisons de tant m’en offusquer. Je pose mon verre. Je le considère d’un regard nouveau et surpris. J’avais raison de considérer que Josh était différent des autres. Lui-même refuse de ne pas se démarquer des autres. Il a su puiser dans ses ressources pour sortir de ce rôle de victime impuissante dans lequel il s’enfonçait et à cause du quel nous ne pouvions pas vraiment communiquer. Il s’implique de force et donc, m’oblige à m’impliquer aussi. Je le fixe, un peu hébété, sans trouver les mots tout de suite. Il y a quelque chose de très attirant dans son attitude, dans sa force mentale et sa volonté, un genre d’attirance que je ne comprends pas vraiment mais qui m’inquiète puisque j’en connais les conséquences. Je ne peux pas m’y laisser aller et tout détruire. Un peu nerveux, j’attrape la carafe d’eau et je m’en sers un verre pour retrouver mes esprits avant de lui répondre.

– Il faut pouvoir nous assurer de sa loyauté. Ce qui m’ennuie, comme je le lui ai d’ailleurs fait observer, avec ce commerce d’âmes, c’est que je ne ferais que lui donner de la puissance, et la puissance l’intéresse. Ce n’est pas mon cas ou, plutôt, ça ne l’était pas mais, aujourd’hui, je crois qu’il me faudra compter sur d’autres alliés. Je n’avais pas envie de te charger de secrets difficiles à porter, car très dangereux pour toi, mais aussi pour moi et ma famille. Si tu te sens prêt à les entendre, je vais te révéler le vrai projet de mon père… – J’attends de m’assurer de l’assentiment de Josh pour poursuivre. – Merwyn Caerwyn veut détruire les humains. Pour lui, leur existence empêche aux créatures magiques de vivre librement et elle renforce également les dieux, ce qui donne raison à tes craintes, d’une certaine façon. Dans son projet, il compte épargner les sorciers. La magie serait alors connue de tous, ceux qui la pratiquent n’auraient plus à se cacher et ne pourraient plus en abuser. Sur ce dernier point, tu t’imagines bien que beaucoup, et en particulier les dieux, ne soutiennent pas du tout ce genre de projet et c’est une des raisons pour lesquelles je le trouve intéressant. – Il y a bien d’autres raisons bien sûr. Je ne crois pas dans le monde idéaliste que mon père voudrait, mais j’y trouve un avantage, à condition de m’en mêler et de retravailler certaines choses derrière son dos. Je serais heureux de rendre mon père heureux, mais je le serai plus encore de lui permettre de réaliser ses rêves selon ma vision. – Les divinités démoniaques comme Thomasine apprécient le chaos et peuvent nous être utiles, dans un premier temps. – Ou même après ? C’est encore à voir. Je suis sûr que nous pouvons aussi réformer quelques points aux enfers. Dans un monde où les démons seraient acceptés, ils auraient aussi moins de raisons d’utiliser des ruses inventées pour composer avec leur rejet. – Ce qu’elle m’a proposé, c’est d’accélérer ce changement non pas en sacrifiant des vies humaines, mais en leur donnant des pouvoirs en échange de leurs âmes. Je n’aurai bien sûr pas de contrôle sur le devenir de ces âmes mais, au bout du compte, ceux qui meurent, magiques ou non, finissent tous un jour à la merci d’une divinité de l’outre-monde.

Je me tais, je pense avoir assez parlé et je dois laisser le temps à Josh d’analyser ce nouvel afflux d’informations, peut-être de m’apporter des angles de réflexions neufs et intéressants. Je me rends bien compte que je ne peux plus agir en solitaire comme je l’ai toujours fait. Ce projet dépasse tous les autres. Je n’en suis plus à assurer ma survie en m’amusant à influer à mon petit niveau sur le cours de l’Histoire. Nous parlons de changer le monde sous le nez des dieux.
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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyDim 23 Aoû - 8:29

Je préférerais mourir avec mes secrets


M
acsen change de breuvage. De l’eau à la place du blanc. Sa nonchalance feinte se craquelle. Sans le vouloir, il me montre la faiblesse des puissants de quelque nature qu’ils soient. Cela me réconforte dans mon idée d’attraper le taureau par les cornes… ou d’agiter habilement une muleta sous son nez. La faune a raison sur un point : il ne sert à rien de s’appesantir sur son sort. En quelques vérités énoncées dans une neutralité complète, il a redistribué mes priorités et ma préhension de ce monde. Sa brusque préférence pour l’eau plate me prouve que je l’ai surpris dans ma réaction. Il m’a parlé de vente d’âme. Il s’attendait à me voir scandalisé et m’entendre déverser sur lui ma colère et mon dégoût. Je l’ai fait.
Mentalement.
L’alcool qui a explosé dans ma bouche était une bonne diversion à mes émotions. C’est bien pourquoi il y a souvent une bonne bouteille d’alcool fort dans les bureaux des dirigeants. L’alcool aide. L’alcool perd aussi. Macsen vient de passer à l’eau.
Je suis arrivé à un point donné. Est-ce là où il voulait m'amener ? J’ai le sentiment que c’était une manœuvre, la raison de mon réveil peut-être. Je ne prête pas à Macsen l’arrogance d’avoir été certain de parvenir à ses fins. Je l'ai intrigué sur le toit du British Museum. Avec le recul, je sais qu’il aurait pu me forcer à lui donner cette dague que je conserve toujours sur moi. Il aurait pu user plus en profondeur de son don qui le rend si attirant. Une capacité qui m’avait joué des tours. J’avais été jusqu’à rapprocher mon lit de camp près du sien en Angleterre. Inutile de me leurrer, ce n’était pas que pour la crainte de mon nouvel environnement.
Là encore, face à moi, il dégage toujours cette aura sensuelle. J’ai une pensée pour Poulpy. Est-elle sensible aux charmes non naturels de mon hôte ? Cela pourrait-il être une arme à notre avantage. J’ai ma grande épée, Durendal, quant à Macsen, il a la sienne, plus subtile. J’esquisse un fin sourire alors que le faune se lance dans des explications plus détaillées.

— Il faut pouvoir nous assurer de sa loyauté. Ce qui m’ennuie, comme je le lui ai d’ailleurs fait observer, avec ce commerce d’âmes, c’est que je ne ferais que lui donner de la puissance, et la puissance l’intéresse. Ce n’est pas mon cas où, plutôt, ça ne l’était pas, mais, aujourd’hui, je crois qu’il me faudra compter sur d’autres alliés. Je n’avais pas envie de te charger de secrets difficiles à porter, car très dangereux pour toi, mais aussi pour moi et ma famille. Si tu te sens prêt à les entendre, je vais te révéler le vrai projet de mon père…

Je décale ma chaise de façon à pouvoir étendre mes jambes. Je prends mon temps pour lui répondre, non par jeu, mais parce que ce moment est un point de non-retour. Merwyn est pour moi un mélange de noirceur un peu indéchiffrable, un atout potentiel tout en étant une épée de Damoclès. On n’échappe pas à une attaque de ces gens-là, on se débrouille à ce qu’il n’y ait pas d’attaque du tout. Caerwyn senior s’est lancé dans la politique, car il fait exactement le même raisonnement. Du moins, c’est que je suppose ce que Macsen s’apprête à me dévoiler. Je connais les ficelles de ce monde-là, où les guerres se livrent dans des conseils d’administration ou un bureau municipal.

— Explique !

Bref et concis. Aux échecs, je n’ai jamais pris de temps pour bouger une pièce.

— Merwyn Caerwyn veut détruire les humains.

Nous avons le nombre, nous sommes les bras. L’affirmation est effrayante, mais sa mise en œuvre utopique en première analyse. Et si Mascen m’en parle, c’est forcément qu’il a un autre plan moins mégalomane.

— Pour lui, leur existence empêche aux créatures magiques de vivre librement et elle renforce également les dieux, ce qui donne raison à tes craintes, d’une certaine façon.
— L’être humain vénère les dieux et brûle les créatures. Son raisonnement est juste.
— Dans son projet, il compte épargner les sorciers. La magie serait alors connue de tous, ceux qui la pratiquent n’auraient plus à se cacher et ne pourraient plus en abuser. Sur ce dernier point, tu t’imagines bien que beaucoup, et en particulier les dieux, ne soutiennent pas du tout ce genre de projet et c’est une des raisons pour lesquelles je le trouve intéressant.


Je bois une nouvelle gorgée de mon verre. Ce que m’annonce Macsen correspond à l’une de mes analyses en arrivant à New York : pourquoi les dieux et les créatures restaient dans l’ombre alors qu’ils ont le pouvoir ? Avec leur capacité, une révolte humaine aurait vite été neutralisée. Il leur était si facile de revenir à un système féodal, pourquoi ne l’ont-ils pas fait ?

— Les divinités démoniaques comme Thomasine apprécient le chaos et peuvent nous être utiles, dans un premier temps.
— Et devenir incontrôlable dans un deuxième temps, non ?
— Ce qu’elle m’a proposé, c’est d’accélérer ce changement, non pas en sacrifiant des vies humaines.


Voilà une bonne nouvelle.

— Mais en leur donnant des pouvoirs en échange de leurs âmes.

Rien n’a jamais été gratuit…

— Je n’aurai bien sûr pas de contrôle sur le devenir de ces âmes, mais, au bout du compte, ceux qui meurent, magiques ou non, finissent tous un jour à la merci d’une divinité de l’outre-monde.

Je soupire. J’entends bien que notre finalité soit déjà décidée, mais j’aimerais bien savoir ce que mon âme subira à ma mort, que je l’aie vendue ou non. Comme tout un chacun, j’aspire à un certain confort dans l’au-delà. Je délaisse mon verre et me lève pour terminer la préparation du café que j’avais laissé en plan. Macsen s’est tu. La balle est dans mon camp. Mon premier choix se limite à deux possibilités : ne pas en être et subir une réforme qui arrivera tôt ou tard, d’un camp ou de l’autre, ou être acteur du changement avec le risque de perdre plus rapidement.

Cette première décision est plutôt aisée à prendre, je n’ai pas l’âme d’un passif. Ensuite, quant à vendre mon âme pour un pouvoir… Je possède déjà une épée particulièrement puissante. Avantage : je n’ai eu aucun tribut à payer. Inconvénient : c’est une arme offensive, loin du combat que Macsen s’apprête à mener à l’insu de son père. Quant à savoir quel pouvoir je souhaiterai en échange de mon âme… Je me suis plain du pouvoir des dieux, pourtant je ne le leur envie pas. Quelle noblesse y a-t-il à vaincre d’un claquement de doigts ? Par contre, si on pose la même question à notre voisin de palier, je suis certain que sa réponse sera une longue liste colorée de ses frustrations actuelles. Je vois une faille dans le plan de Macsen. S’il n’aura pas de mal à trouver du monde pour vendre son âme, les humains « augmentés » qui en résulteraient pourraient être bien pires que les dieux qu’il souhaite contrer.

Je sers le café avec des gestes précis, presque affectés. Le paraître n’est pas à mes yeux qu’une vulgaire tromperie, mais tout un jeu de maîtrise et contrôle de soi. C’est rare que je laisse exploser la violence qui sommeille en moi comme dans tout homme, mais comme toute énergie contenue, l’entropie doit pouvoir s’exprimer d’une manière ou d’une autre. Je délaisse le sucre, mais n’en remue pas moins le liquide sombre et odorant.

Le faune ne semble pas s’alarmer de mon silence, conscient du poids des informations que je dois digérer. Je l’observe, comme depuis notre première rencontre. Son herméticité avait éveillé ma curiosité, raison pour laquelle je l’avais suivi au pays de Galles. Pour son charme, également. Mes lectures présentes m’ont appris que j’avais, dans les années trente, effleuré du bout des doigts une remise en cause du genre absolu. Mes expériences scandaleuses n’auraient aujourd’hui que l’adjectif sulfureux. Et l’autre, là, en bout-de-table qui dégage une sensualité comme une rose un parfum capiteux ! Rose néanmoins empoisonnée, dommage. Je bois une gorgée de café, la fais passer par une lampée d’alcool. Les deux font un excellent mélange.

— Le nerf de toute guerre est l’information et les alliances solides. De celles que l’on ne peut pas dévoyer.

Mon but à cet instant précis se résume à sauver ma peau, avec l’idée concomitante que si je survis à ça, d’autres le pourront aussi. Contrecarrer le plan, que ce soit celui des dieux satisfaits de leur sort, ou celui des Caerwyn père ou fils me semble utopique. Il faudrait pour cela dévoiler la réalité aux hommes, ce qui aiderait le clan Caerwyn. De plus, les New-Yorkais n’ont rien du résistant courageux. Ils ne sont que des survivants malgré eux, juste parce qu’ils se sont trouvés au bon endroit au bon moment. Ils survivent dans l’illusion d’un monde moderne et civilisé alors que tout s’est effondré autour. Tôt ou tard un grain de sable ou un poulpe fervent de chaos provoquera l’effondrement de ce qui n’est au final qu’une mascarade.

— Rome ne s’est pas bâtie en un jour. Je veux bien prendre place à tes côtés sur l’échiquier. En cavalier si possible. Ne sommes-nous pas liés depuis des siècles déjà ?

J'ai posé la dague à côté de mon verre. Coudes sur la table, le menton posé sur mes mains jointes, j’assortis ma réplique d’un clin d’œil. Maintenant que j’ai un but, toutes mes origines remontent à la surface, reléguant le « simple humain » au placard. Car je compte bien, ne pas être qu’un simple pion dans cette affaire. Et pour le faire comprendre au faune, mais aussi pour le mettre mal à l’aise :

— En échange de mon âme, je testerais bien un pouvoir qui me prémunit contre les turpitudes négatives de ton pouvoir. Et il faudrait s’assurer de la fiabilité de Poulpy. Autre question : si ton père veut exterminer les humains, cela va être coton de lui demander un coup de pouce pour mon restaurant, surtout que mon projet prend de l’ampleur avec ce que tu viens de me dévoiler.

Pour gagner en influence, je ne dois pas me contenter d’un simple restaurant, mais viser une institution vouée à la gastronome où je pourrais croiser les influents et les décideurs. Atteindre les cercles restreints et confidentiels des puissants.




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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyDim 13 Sep - 17:41

Parler honnêtement à quelqu’un est une chose que je n’ai pas l’habitude de faire. J’ai appris la dissimulation toute ma vie. J’ai appris à être un monstre infiltré parmi les humains, et je ne sais même pas si j’en ai souffert, si je peux considérer que cette attitude m’a demandé beaucoup d’efforts. J’ai toujours pensé qu’atteindre ses buts était plus intéressant que chercher à être authentique. Je n’ai pas le temps pour m’interroger sur moi, j’ai d’autres choses à faire avant que ce soit envisageable. Alors, devoir m’exprimer franchement ne me libère pas d’un poids, au contraire. Je le fais parce que nous arrivons à un point où cela devient nécessaire, mais c’est une forme de communication que je maîtrise moins qu’une autre. On pourrait même dire que je ne suis pas certain de la personne que je suis vraiment lorsque je dois m’exprimer sans artifices, sans rôle et discours prédéterminé. C’est pourquoi passer du vin à l’eau est devenu une évidence. Que fera Josh des informations brutes que je lui donnerai ? Je ne m’égare pas dans les détails et lui donne les grandes lignes en attendant ses questions ou son agacement. Il ne m’était pas possible de lui dire ce que je comptais faire juste après mon réveil. Lui révéler les intentions de mon père trop tôt l’aurait trop inquiété, surtout avec l’opinion qu’il s’en est déjà faite. En un sens, j’ai attendu de gagner sa confiance par d’autres biais pour pouvoir lui apprendre des choses qu’il aurait refusé de bloc trop tôt. Je sais que je ne prends pas un risque énorme aujourd’hui. Il a beaucoup moins la liberté de me rejeter qu’avant, il est déjà trop impliqué, surtout en ayant de lui-même rencontré le Léviathan. Mais il reste toujours un risque que les choses ne se passent pas comme elles le devraient, et je préfère rester prudent.

Josh approuve le raisonnement de mon père en résumant très bien le fond du problème. Je suis heureux qu’il ne soit pas nécessaire de partir dans de longues explications à ce sujet. Les humains ont contraints les créatures à se dissimuler aux yeux du monde. Ils ont effacé tout ce qu’ils ne pouvaient pas contrôler. Mon père en garde une sorte de rancune ancestrale mais, pour moi, ce n’est pas l’essentiel du problème et je ne vois pas l’intérêt de fonder mes justifications sur des querelles qui remontent au Moyen Age. La suite est bien entendu plus délicate. Je ne pense pas que Josh s’attendait un jour dans sa vie à être impliqué dans des histoires de commerce d’âmes. Maintenant, il doit savoir que les choses pourront aussi se faire sans lui. Le monde a changé et, mon père étant placé à la mairie, j’ai une assez grande possibilité de mettre en application mes plans. Pire, si nous n’agissons pas, mon père pourrait mettre en application les siens et les choses risqueraient de devenir plus complexes pour Josh tout court. En lui révélant ses vrais objectifs, je lui accorde une certaine confiance. Il a accepté ma révélation et les dangers qu’elle impliquait. Il fait aujourd’hui partie du très petit cercles de personnes qui connaissent les projets de Merwyn Caerwyn et cela pourrait lui coûter très cher s’il s’avisait de l’ébruiter. J’ai piqué sa curiosité, il ne peut plus reculer. Il accepte donc d’entrer dans la partie, en cavalier me dit-il, ce que je consens d’un sourire amusé. Je crois qu’il essaye de relativiser son implication un peu forcée avec cette histoire de dague. Il n’est pas faux que nos destins sont liés. S’ils ne l’étaient pas, nous n’aurions jamais été amenés à nous rencontrer, même s’il existe une part évidente de hasard dans cette étrange aventure. J’appuie tout de même cette semi-vérité :

– Il était écrit que nos familles sont faites pour nous entendre. Qui sommes-nous pour contredire la volonté de nos ancêtres ?

La suite me fait cependant perdre mon sourire. Pour moi, il n’a jamais été question que Josh vende son âme au Leviathan. Je suis surpris qu’il ait réussi à accepter mon discours en allant jusqu’à supposer que je m’attendais à ce qu’il passe ce genre de marché avec la démone. En un sens, il pousse la logique à son maximum, mais il me met à un degré de cynisme un peu trop élevé pour moi. L’autre point transforme l’étonnement en déception, ou quelque chose approchant. La seule chose à laquelle il pense avec la possibilité d’avoir un pouvoir est de se protéger de moi et moi seul, non du monde, non des autres et de ces dieux qu’il craint tant, comme si j’étais le plus grand des problèmes, et cela malgré tous mes efforts pour lui prouver que je n’ai pas l’intention d’utiliser mon pouvoir sur lui, même alors que j’aurais pu le faire. Je me sens soudain très las, comme si toute la confiance que j’avais cru instaurer avec lui n’avait servie à rien. Je reste toujours cette désagréable créature qui diffuse quelque chose d’anormalement captieux quoiqu’elle fasse, une attirance dont on ne veut plus dès qu’on en connaît l’origine. Je savais qu’être honnête ne serait d’aucun soulagement. Au moins, les gens qui n’ont pas conscience du mécanisme qui les attire vers moi ne se sentent pas emportés dans des « turpitudes négatives ». Je n’ai pas de mots pour exprimer le pincement d’orgueil que j’éprouve. Je crois que j’ai besoin de prendre du recul et que mes capacités d’analyse ont été troublées. Peut-être que Josh considère juste qu’il est plus important d’être mon égal et me fait confiance pour « le reste » mais même cette réponse raisonnable ne me satisfait pas. Je préfère me concentrer sur la question au sujet de mon père, très simple quant à elle :

– Comme je te l’ai dit, mon père a une dette envers toi et tient à dissimuler ses plans. Par conséquent, il a tout intérêt à aider un humain surtout si je lui en fais la demande. On ne refuse rien à son fils préféré revenu d’entre les morts.

J’essaye de reprendre de la contenance avec un léger sourire, mais qui n’a pas la malice des précédents. Il faut que je dise quelque chose. Autre chose. Je me redresse doucement.

– Il n’a jamais été question pour moi de te laisser vendre ton âme à « Poulpy », comme tu l’appelles. Si tu veux acquérir des compétences magiques, je suis sûr que nous pourrons trouver d’autres moyens, et qu’il y a sans doute des choix plus intéressants que te préserver des pouvoirs passifs d’un faune.

Je crois que j’ai prononcé ces derniers mots un peu plus froidement que je l’aurais voulu, trop pour dissimuler que ça ne m’affecte et ne me contrarie pas un peu. J’ai été trop souvent contrarié ce soir, à un niveau dont je ne me pensais pas capable. Le mensonge et l’imposture me sont décidément des comportements plus confortables.
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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyDim 25 Oct - 11:13

Je préférerais mourir avec mes secrets


M
a malice fait mouche, lorsque je parle du pouvoir que je souhaiterai en échange de mon âme. L’humour et Macsen… une longue histoire d’incompréhension. À ses côtés, j’ai pris l’habitude de le voir rester stoïque devant mes arlequinades. Son peu de sensibilité à la plaisanterie humaine est en soit amusant. Aujourd’hui ne fait pas défaut, quand il plisse les lèvres d’amertume.

Il reste silencieux un long moment, à digérer le corollaire de mes propos. Je me demande si je n’ai pas poussé le bouchon un peu loin. J’ai vu l’état de cette femme, droguée de lui à un point où sa propre existence n’avait plus de valeur. Je l’observe. Au-delà de son pouvoir hypnotique, le faune est un bel homme. Posé et cultivé, sa compagnie est agréable, plaisante. Je sais depuis peu les efforts que lui demande notre cohabitation.

Il reprend vie, affirmant que son père reste mon obligé et qu’il est en mesure d’avoir un poids conséquent pour intercéder en ma faveur. J’entends là toute l’amitié que le faune me porte, malgré les circonstances de notre rencontre, celles de nos retrouvailles et nos natures antagonistes. Notre lien a un goût d’interdit qui me ravit. Je ne suis pas certain que Macsen voit l’affaire sous cet angle. S’il était allé au bout de son charme sur le toit du British Museum, il m’aurait ravi la dague sans difficulté. J’aurais repris mes esprits bien plus tard. Et jamais je ne l’aurais retrouvé. Ma vie n’en aurait pas été tant bouleversée, une simple frustration d’avoir égaré un objet ancestral. Est-ce cela qu’il se reproche ?

Il est adorable, quand il éprouve le besoin de préciser qu’il n’a jamais eu l’intention que je vende mon âme au calamar blond. Il me parle d’autres moyens pour acquérir des compétences magiques. Je n’y avais jamais songé jusque-là, trop centré sur mon humanité. Maintenant que j’ai entériné le déclin de ma race, l’idée de me prémunir contre les turpitudes de ceux qui nous remplacent devient, en effet, une préoccupation majeure. Me doter d’outils pour louvoyer dans ce monde dont je suis encore loin de voir toutes les ramifications et tous les pouvoirs. Rester maître de ma vie, de mes pensées et de mes actions. La fin de sa tirade laisse transparaître toute son amertume sur ce qu’il pense que j’éprouve à son égard : une défiance à cause de ses pouvoirs intrinsèques.

Macsen a beaucoup parlé, lui qui d’ordinaire ne dit pas plus que le strict besoin. Il a joué cartes sur table, un exercice qui ne lui est pas familier, qui le dérange. Je souris, pose mon verre sur la table, repousse ma serviette et me lève.

Je ne sais pas à quel point je joue un jeu dangereux, mais de mon côté si nous devenons alliés et à minima amis comme je l’espère, on doit pouvoir se faire confiance. Je contourne la table, passe derrière sa chaise puis me baisse en l’entourant de mes bras, mes lèvres non loin de son oreille.

- Il serait temps que tu te fasses à mon humour cabochard français. T’es coincé comme une vieille Anglaise !

Je resserre légèrement mon étreinte.

- Je sais l’effort que te coûte ma présence constante. Cela me chagrine. Je ne nierai pas l’attraction que tu provoques en moi et…

Je retire mes bras de ses épaules et attrape la chaise à côté pour m’y asseoir à califourchon.

- Tu vas me traiter de grand naïf, mais l’époque se prête aux changements. Pourquoi devrais-je être le seul à devoir évoluer ? Tu te reposes sur un dogme séculaire qui fait de toi ce que tu es : un faune avec des besoins vitaux qu’on ne retira pas. Mais, pourquoi ne pas biaiser cette règle qui nous sépare ? L’exemple est maladroit, je n’en ai pas d’autres en tête. Tu vas me trouver cynique. Mais de la même façon que l’homme est carnivore, il ne mange pas ses amis, qu’ils soient humains ou une boule de poils à quatre pattes. Tous les hommes ne s’en sortiront pas. Je ne suis pas un traître à ma race, et je ferais tout pour que nous ne disparaissions pas. Seulement, nous sommes confrontés à une sélection divine contre laquelle on ne peut rien. Il nous faut nous adapter, évoluer. Toi aussi, mon ami.

Je tends le bras pour récupérer mon verre à l’autre bout de la table et le terminer d’une lampée.

- Dès que l’appartement d’à côté se libère : je déménage pour te laisser de l’espace. Qu’on soit d’accord : je ne te fuis pas, je te laisse de l’espace tout en n’allant pas très loin. Je ne me considère pas comme de la bouffe sur patte et je te fais confiance. Accorde-moi la tienne. Je n’ai pas envie que tu me fuies « pour mon bien ». Les amis, ça prend des risques l’un pour l’autre. Je t’ai vu sans filtre quand on marchait pour rejoindre la civilisation. Quand nous sommes tous les deux, tu peux être celui que tu es au naturel.

Je retourne m’asseoir à ma place.

- Promis, je ne te chambrerai pas sur tes cornes.

Mon sourire dément mes propos. J’aimerais qu’il se décoince avec moi. Ça ne se fera pas en un jour. Macsen vit caché depuis sa naissance et cela ne me semble pas pour demain que le monde surnaturel se révèle aux hommes. Il a besoin de cette distanciation envers ses proies. Mais je n’en suis pas une.

- Quelle est la priorité pour les prochains jours ? Tu me parlais de compétences magiques, tu as une idée de ce qui est faisable, où, et à quel prix ? Ma priorité serait de me protéger pour ne pas devenir le jouet de quelqu’un.


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Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Vide
MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyMer 25 Nov - 18:45

Josh se lève et, un instant, je me demande si ma réponse un peu sèche lui a signifié que la conversation était terminée pour ce soir. Ce serait étrange, je ne pense pas m’être montré à ce point agacé par lui, mais je n’ai pas l’habitude de sortir des rôles que je me fixe et je ne sais pas évaluer les conséquences des attitudes qui échappent à mon contrôle. Je ne vois pas non plus d’autres explications à son mouvement soudain et, clairement, je ne comprends pas ce qui peut bien lui passer par la tête lorsque, après toute cette discussion, il décide de se pencher derrière moi en croisant ses bras autour de ma taille. Je me crispe instantanément et sans doute que je ne semble pas en mener plus large qu’une personne qui n’a pas l’habitude d’être approchée en général. Le sang me monte rapidement aux oreilles et m’écrase la poitrine. C’était beaucoup trop inattendu. Je l’entends me murmurer avec une ambiguïté volontaire dans la voix que je devrais m’habituer à son humour ? Dois-je trouver cette situation drôle ? Je ne crois pas que je pourrais rire à quelque chose qui se joue à mes dépends, mais un pan de la culture humaine, ou française, doit encore m’échapper. Il resserre encore son emprise sur moi. Est-ce un test ? Un moyen tout à fait inconséquent de vérifier si je suis bien capable de me contrôler avec lui, une « chance » qu’il me donnerait de le lui prouver ? Je ferme les yeux pour reprendre mon souffle. Je n’ai pas eu mon shot avec mon humaine ce soir, j’ai même dû m’en séparer, donc je suis plus susceptible de perdre le contrôle. Mais Josh se trompe en estimant que sa présence est un effort constant, j’ai pris l’habitude de vivre au contact des humains. Avec ceux que je garde en réserve et en secret, je peux me mêler à eux sans ressentir la nécessité de sauter sur tout le monde. Certains humains sont des proies, d’autres ne le sont pas. Je sais faire la distinction, même s’il est vrai que cette distinction est parfois moins évidente avec Josh qu’avec un autre. Je n’ai jamais construit une relation aussi honnête avec un humain. Ma main se pose sur la sienne sans que j’y réfléchisse quand il me parle de l’attraction que je provoque en lui mais s’éloigne au même moment. J’espère qu’il n’a rien remarqué. Je crains de n’avoir pas été loin de déroger à mes principes. J’aurais pu considérer que les conséquences étaient entièrement sa faute, qu’il avait été bien assez averti, mais l’idée de peut-être détruire une partie de son esprit m’ennuyait. Je n’avais rien à gagner à céder.

Il s’assoit face à moi, toujours dans une attitude provocante, et je le regarde légèrement hébété. Le discours de Josh me ramène à la réalité. Il est borné et ne veut apparemment rien comprendre… Ou alors je m’explique mal. Je ne suis pas comme un lion. Je ne suis pas comme un humain qui fera évidemment le choix de ne pas coucher avec toutes les personnes qu’il trouve attirantes. Les faunes ne sont pas faits pour se contrôler et il ne leur faut pas longtemps avant de se sentir affamés et de perdre l’esprit comme un chien famélique devant lequel on ferait couler du sang. Un soupir las m’échappe. J’ai envie de dire quelque chose, de le corriger, mais il poursuit sur sa lancée avant que j’aie le temps de faire le tri dans mes pensées pour me rappeler qu’il ira bientôt vivre dans l’appartement à côté. Je n’avais pas su quoi penser de la nouvelle tout à l’heure mais je crois qu’elle me déplaît, mais qu’elle est raisonnable. Le but n’avait jamais été de resté soudé l’un à l’autre, il est temps qu’il fasse sa vie plus indépendamment de moi et je suis cependant rassuré qu’il me jure ne pas le faire par envie de me fuir, même si je ne sais pas quelles seront les occasions de nous voir quand nous ne vivrons plus ensemble. J’aimerais lui dire que ça ne me dérange réellement pas qu’il soit là, mais je ne dois pas interférer dans sa décision, elle ne m’appartient pas et d’ailleurs, sa vie non plus ne m’appartient pas et je crois que c’est une chose que j’ai tendance à oublier si j’en crois la contrariété que son départ me cause en mon for intérieur. Je le regarde reprendre sa place. Avant qu’il ne reprenne la parole, je persiste à vouloir clarifier certaines choses.

– Je vis au quotidien avec les humains depuis près d’un siècle, Josh. Et si nous pouvons cohabiter aujourd’hui, c’est parce que je ne ressens pas le besoin de prendre pour partenaire tous ceux qui m’approchent. Quand je fréquentais l’élite anglaise dans les années 30, je passais même pour le bon ami de jeunes filles qui me prenaient parfois le bras sans se douter un instant de ce que j’étais. Je connaissais mon rôle, je savais ce que j’avais à faire, cependant, je ne les voyais que sur des périodes limités et publics. Je n’ai pas l’habitude d’avoir un… ami – J’ai légèrement hésité avant de prononcer ce mot tant il me semble étrange de mettre un mot sur cette relation – j’avance à l’aveugle, et je ne sais toujours pas si c’est une bonne idée.

Je mets un doute pour ne pas être vexant, mais j’ai déjà la réponse. Ce n’est pas une bonne idée et c’est pour cette raison que je suis toujours resté dans des rapports assez impersonnels avec les humains. On ne sait pas ce que peut devenir ce qui commence comme un rapport amical, pour l’autre, comme pour soi et si l’amitié devient une attirance, que faut-il faire ? Le simple fait que j’en vienne à me poser cette question me convainc que Josh a raison de partir. J’ai encore la sensation de son souffle sur mon oreille, même sans avoir eu de « proie » ce soir, je ne crois pas que je devrais me sentir aussi troublé. Mes pensées dévient à moitié avec la question qu’il me pose. A moitié parce qu’une partie de mes priorités reste effectivement de trouver un moyen de m’émanciper de ma nature de faune, et c’est aussi une chose dont je suis convaincu ce soir mais, avant cela, je dois retrouver ma famille.

– Je me disais qu’il était temps que je fasse savoir à mon frère et à mon père que je suis toujours vivant et puis, j'ai un petit service à demander à Monsieur le Maire pour toi. – Je retrouve un petit sourire. – J’espère qu’ils auront un réseau d’êtres magiques dont je pourrais profiter. « Poulpy » peut vraisemblablement nous donner des pouvoirs, mais je compte bien le négocier intelligemment et m’assurer que ni toi ni moi n’aurons quelque chose à lui sacrifier. Il faut donc que je prépare des armes pour ce genre de négociation.
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Josh R. de RoncevauxJosh R. de Roncevaux


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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptyMar 1 Déc - 8:57

Je préférerais mourir avec mes secrets


J
e suis conscient de ma naïveté dans ce nouveau monde. L’impression d’être né de la dernière pluie est fortement désagréable sinon déstabilisant. Macsen est le seul en qui j’ai assez confiance pour me fournir les outils qui me permettront de retrouver mon acuité d’antan. J’ai eu l’audace de croire, qu’à mon époque, je possédais un recul et une vision globale de comment tournait le monde pour y cheminer sans en subir ses turbulences, ou à défaut les prévenir, les atténuer. Toutefois, nul n’est censé prévoir l’imprévisible. Et face aux pouvoirs colossaux de ceux qui règnent presque sans partage sur cette ville, je n’ai qu’un seul atout, le seul de la race humaine : sa capacité à s’adapter à son environnement.

J’avais des hommes une vision majoritairement glorieuse : notre intellect à décortiquer les mécanismes de la vie, notre capacité d’invention si exceptionnelle. Le seul animal sans ailes capable de voler grâce à l’ingéniosité de sa cervelle. D’aller dans l’espace aussi, une utopie en mon temps. Le nouveau défi est colossal, divin… De mes lectures depuis mon réveil, j’ai relevé la dérive de l’humanité sur un simulacre de vie. Dans mes réflexions, j’ai retrouvé les graines de ce consumérisme à mon époque, « les années folles » en étaient le plus bel exemple. Je tente de voir dans cette nouvelle quête, une mise à l’épreuve de la vie. Tout à mes pensées, je n’en écoute pas moins Macsen qui me rappelle que cela fait longtemps qu’il côtoie les humains et qu’il gagne de plus en plus de contrôle sur sa nature. La seule nouveauté pour lui : moi et cette place particulière, voire incongrue d’ami. Je hoche la tête pour lui montrer que je comprends son propos. Je suis touché de découvrir être un lien un peu unique pour lui et m’en veux un peu de l’avoir charrié et poussé sur ses limites ou celles que je lui imagine.

J’encaisse son doute quand il critique la pertinence de notre amitié. La mienne lui est acquise, la preuve en est dans ce que j’accepte de ses besoins primaires, le risque inhérent à notre proximité et qu’il soit né en territoire ennemi pour le Roncevaux que je suis. Il ne sera pas la première amitié qui pourrait mettre ma vie en danger ou celle de mes affaires. Ce sont les plus fortes, les plus fidèles, les plus vraies. Je me console avec la pensée d’un Macsen habitué au contrôle, et que sans être incontrôlable, je suis force de surprises déstabilisantes pour lui. Ma décision de m’éloigner sans trop le faire, puisqu’il n’y aura qu’un étage entre nous me paraît un bon consensus. Je me projette sur ce nouveau fonctionnement, des idées germent, comme des repas pris ensemble, par forcément chaque jour, mais assez pour cultiver cette amitié particulière. Il dégage un charme indéniable auquel je suis sensible. Il sera toujours délicat de faire la part des choses entre un effet du faune et une réelle attirance indépendante de sa magie.

Je souris quand il évoque sa famille à retrouver, l’appui à demander à celui qui avait figé ma vie sur un temps bien trop long pour ne pas être sans conséquences majeures. Il mentionne la magie. Je suis un néophyte sur ce point et ma crédulité reflète mon ignorance. J’appréhende les conditions. Je ne suis pas idiot au point de penser qu’il n’y a pas de compensation à payer et je ne pense pas à l’argent. Je souffle par le nez quand Macsen reprend le surnom que j’ai donné au Léviathan. Un alias qui la rend moins effrayante. En effet, nous devons prendre nos précautions pour ne pas y perdre des plumes à négocier avec elle. Toutefois, je ne suis pas assez désespéré pour lui vendre mon âme. Ma vie ne vaut pas ce prix. Pourtant, survivre, ou plutôt vivre, va me demander des sacrifices.

- Je suis impatient et en même temps anxieux de revoir ton père. Il m’avait fait bonne impression avant de…

J’esquisse une simili bénédiction avec un vague signe de croix devant moi, pour illustrer la sentence qu’il avait posée sans même que j’ai eu conscience d’être au cœur d’un procès. Celui de mes ancêtres qui plus est. Seulement, le faune qui m’a condamné sans une once d’émotion est le même qui peut me remettre le pied à l’étrier.

- Je peux dire ce que je veux ou pas, ce que je peux concéder ou pas, mais je vais devoir te faire confiance pour analyser le bien-fondé de ce qu’il nous sera proposé. J’apprends vite, mais j’ai encore la pertinence d’un adolescent…

Je fais une grimace explicite : cet état de fait me pèse. Seulement la réalité est là : il me faudra plusieurs mois avant de prétendre à une stricte autonomie. La conscience que cela me conduira à des choix, et à une ligne de conduite contrainte par des conditions que je ne maîtrise pas, ni Macsen non plus et dont ma vie sociale future dépend au travers de sa famille et des alliances que je pourrais conclure avec son aide.

- Compte sur moi pour aller dans ton sens. Je rallie mon épée à ta cause.

L’image peut prêter à sourire, pourtant mes mots sont solennels. Je suis de la race des chevaliers, pas des rois. Un coin de mes lèvres remonte légèrement, Macsen est crédible en prince faune. Je garde ma remarque pour moi, il pourrait en prendre ombrage ou je ne sais quoi d’autre.


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MessageSujet: Re: Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] Je préfèrerais mourir avec mes secrets [Josh] EmptySam 9 Jan - 17:27

Mes explications semblent assez claires pour Josh, même si je ne doute pas qu’il en faudra encore quelques unes pour réellement faire comprendre les raisons de mes réticences. En un sens, elles sont contre-intuitives. On devrait pouvoir se sentir en sécurité et en confiance avec une personne dont on se rapproche, et non trouver plus pertinent de la fuir. Et qu’elle idée de réveiller quelqu’un d’un long sommeil pour sans cesse lui rappeler que sa présence est un problème potentiel ? Mais je n’y peux rien et je suis désolé de me montrer frustrant : à lien inédit, conséquences imprévisibles aussi. Et, de ce côté, je persiste en avoir déjà trop fait subir au jeune homme. L’ombre de mon père reste très présente entre nous. Trop, même. Je clos le chapitre gênant de la mise au point sur ma gestion de la vie en société pour aborder le sujet épineux de ma famille. Nous n’arriverons à rien tant qu’une paix relative ne sera pas établie. Josh me confie avoir autant de curiosité que d’inquiétude à revoir Merwyn Caerwyn. Je ne le comprends que trop bien. Quand il me précise avoir pourtant eu une première impression de lui au début avant de mimer sa perte, je ne peux m’empêcher d’éclater de rire. Le souvenir de mon père a quelque chose d’assez apaisant.

– C’est l’effet qu’il produit sur tout le monde. Je ne sais pas si j’ai la chance ou le malheur de connaître des astuces.

Je crois que, d’une certaine façon, mon père restera une énigme pour moi aussi. Il sait allier gentillesse et fermeté comme peu de personnes le peuvent. Tous les paradoxes semblent cohabiter en lui. Je l’ai vu passer d’une extrême bienveillance à la plus vile des cruautés, mais sans que son humeur n’en soit jamais affectée et, pourtant, je le sais plus sensible que moi, la larme à l’œil facile devant la beauté d’un paysage ou les vieux airs de son pays. Enfants, nous l’avons redouté comme admiré, car l’admiration comme la peur viennent souvent de ce qu’on ne peut expliquer, de ce qui semble irréel. Je ne suis toujours pas capable de comprendre en profondeur mon père, mais j’ai appris à analyser ses mécanismes. J’ai désacralisé son image et, même si ses motivations restent obscures, je le trouve aujourd’hui prévisible et beaucoup plus influençable qu’il ne le pense. Je hoche donc la tête quand Josh dit devoir me faire confiance pour la suite de nos alliances. C’est une responsabilité que j’accepte, et je m’assurerais de mener les négociations au mieux. Cependant, je ne suis pas infaillible, et ma peur de me tromper peut me faire hésiter. Josh, contrairement à ce qu’il affirme, m’a souvent surpris dans la pertinence de ses jugements. Je le trouve plutôt vif pour cerner les gens en général, même s’il se trouve face à un mur avec moi. Mais ce n’est pas parce que j’échappe à ses modèles de référence qu’ils sont mauvais.

– Ne te sous-estime pas, j’ai déjà pu remarquer que tes analyses tombaient souvent juste, alors tes interventions seront toujours bienvenues.

Dans une relation équilibrée, il faut pouvoir compter l’un sur l’autre, après tout. Je ne proposerais pas à Josh mon amitié si je ne pensais pas ce genre d’équilibre possible. S’il avait multiplié les bourdes, j’aurais trouvé depuis longtemps un moyen de m’éloigner de lui, qu’il soit tolérant ou non à ma nature de faune. Je souris quand il prend un ton chevaleresque pour me promettre une alliance sûre avec lui. J’ai toujours mené mes affaires seul. Un peu de changement sera le bienvenu. Il se pourrait peut-être même que ce soit amusant et plus stimulant.

[Fin]
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