Les Dieux de New York
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Un dernier verre avant de rentrer [Terminé]

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Merwyn CaerwynMerwyn Caerwyn


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MessageSujet: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptySam 29 Déc - 10:44

Détenir les clés de la ville n'avait pas changé les habitudes de Merwyn. Loin de s'éloigner du peuple, cette responsabilité nouvelle l'incitait même à s'en rapprocher. Certains disaient qu'un bon dirigeant savait se faire respecter. Lui considérait plutôt qu'un bon chef savait se faire aimer. Et nous aimons réellement celui qui nous ressemble, et peut, par conséquent, nous comprendre. Sa position au sommet pouvait laisser à penser qu'il était une personne déconnectée des réalités de la vie ordinaire. Il redoublait donc d'énergie pour convaincre les gens du contraire. C'était un devoir, mais aussi un plaisir qu'il s'octroyait dès qu'il quittait ses bureaux. Il n'était pas rare de le rencontrer dans les petits commerces, restaurants et cafés aux alentours du quartier des affaires à l'heure de la pause repas. Il s'intéressait à toutes les enseignes qui ouvraient, aimait se tenir informé de l'évolution des initiatives de chacun, en privilégiant celles des créatures magiques évidemment, mais il lui arrivait de leur faire des infidélités avec les humains. Il savait apprécier un travail de qualité, une capacité au labeur admirable et la beauté d'un esprit passionné par son activité. L'un de ses restaurant préféré était d'ailleurs tenu par des humains. Il s'y rendait au moins une fois par semaine et le faisait découvrir à des collaborateurs dès qu'il en avait l'occasion.

Le soir, il ne rentrait jamais directement chez lui. Merwyn avait aussi ses pubs fétiches. Il aimait s'installer au comptoir avec une bière fraîche pour prendre des nouvelles du barman, écouter tranquillement les conversations autour de lui, discuter avec les habitués de passage. Tous étaient des personnages à part entière, avec leurs petits surnoms, leurs drames du quotidien ou leur bonne humeur pleine de simplicité. Se faire tenir la jambe par des piliers de bar ne le dérangeait absolument pas, au contraire, il les trouvait distrayants. Tragiquement distrayants, et donc attachants à leur manière. C'étaient de braves gars, ou femmes, qui cherchaient un peu de chaleur et de compréhension dans leur vie sans grande ambition, ou traversée d'échecs. Tous n'étaient pas misérables à se rouler par terre, mais on se doutait bien qu'ils ne viendraient pas chaque soir au bar s'ils ne cachaient pas quelques blessures internes, sur lesquelles ils finissaient par s'épandre après un verre ou deux, quand la conversation ne tournait pas en débats politiques enflammés. Merwyn ne se mêlait pas directement aux groupes. Il se faisait régulièrement intégrer à la bande sans jamais quitter son tabouret fétiche. Puisqu'il était le maire, on finissait pas l'interpeller. Son opinion avait son importance, qu'elle entre dans son domaine de spécialisation ou non. On pouvait tout aussi bien l'interroger sur les choix économiques de la ville que lui demander s'il trouvait untel trop sévère avec l'attitude de sa dernière copine. Et peu importait sa réponse, il était très rare qu'on lui donnât tort. Qui oserait se dresser contre le maire d'une aussi grande citée ? Il devait forcément incarner la sagesse et, surtout, il était bien plus intéressant de s'en faire un ami que de le contrarier. Les gens étaient comme de petits animaux qui grognaient à distance contre un ennemi plus fort, mais qui montraient le ventre dès qu'il s'approchait. Certains individus cherchaient parfois à en découdre, bien entendu. Mais ils n'étaient jamais agressifs très longtemps devant le sourire agréable de Merwyn et ses mots apaisants, même quand il n'y pensait pas un seul mot. Et puis, sa présence signifiait souvent l'offre d'une tournée. Alors comment ne pas l'apprécier ?

Parfois, il devait aussi composer avec les admirateurs zélés, notamment les femmes qui auraient bien pris la place de sa compagne, ou même celle de maîtresse. Mais Merwyn ne donnait pas dans ce genre de corruption, bien qu'il ne se montrât pas décourageant pour autant. N'importe qui avait discuté une fois au demi-faune était convaincu de s'être lié d'amitié avec, de l'avoir intéressé entre tous les autres, pour un peu qu'il souhaitait s'en convaincre. Son pouvoir de séduction tranquille couplé à son tempérament étaient diablement efficaces. Qui désirait de l'attention en recevait autant qu'il le désirait, mais les sentiments profonds de Merwyn restaient impénétrables. Il existait entre lui et les autres une barrière tacite que personne n'osait réellement franchir. Il fallait se contenter de ce qu'il voulait bien offrir, car c'était déjà quelque chose. Tout n'était pas toujours parfait, il avait ses questionnements, ses doutes aussi, mais il estimait que s'attarder sur les problèmes ne faisait que les aggraver. Et qu'avec de la bonne volonté, une capacité à aller de l'avant, tout finissait toujours par s'arranger. Alors, il ne voulait rien compliquer, juste faire ce qui lui plaisait pour éviter ce qui allait moins bien. Se pencher sur les malheurs des autres était d'ailleurs un excellent moyen de juger ses petits problèmes aussi ridicules que secondaires. Etait-il toujours heureux de rentrer chez lui ? Préférait-il raconter sa journée à une inconnue plutôt qu'à Nichole ? Il l'ignorait. Ou, plutôt, il considérait qu'il pouvait bien s'accorder un peu de nouveauté s'il en ressentait l'envie. Après tout, il ne faisait rien de répréhensible. Et, ce soir comme à son habitude, il se tenait au bar. Le patron venait de recevoir une nouvelle bière et s'était empressé de la lui servir pour lui demander son avis.

– J'attends toujours la cuvée spéciale de notre maire ! avait-il ensuite lancé comme s'il s'agissait d'une bonne plaisanterie.
– J'espère vous la proposer au printemps, répondit-il très sérieusement. Mais ça devra rester entre nous et les clients du bar, ce n'est qu'une petite production vous savez.

Merwyn aimait depuis toujours l'idée de vivre de ses propres productions. Même à temps plein dans la politique, il prenait le temps de faire les choses par lui-même, comme élaborer ses propres bières en recherchant des saveurs inédites et intéressantes. Il avait fini par parler de son activité au patron qui avait tout de suite été enthousiaste même s'il avait affirmé ne pas vouloir en faire un commerce. Chose qui était plus ou moins honnête. Il tâtait le terrain sans en avoir l'air. Entre la bière et ses pouvoirs autour des plantes, il avait bien des choses à élaborer pour faire d'un petit projet quelque chose de plus stratégique et sournois, mais il ne voulait rien précipiter. Il tenait juste à garder plusieurs coups d'avance. Si ses boissons plaisaient au point d'être commercialisées, ce qui était prévu, qu'il perde son statut de maire ne serait pas « grave » et, en cas de besoin, il pourrait changer les composants de toute sa production. Il savait que des êtres plus puissants l'avaient à l’œil et lui laissaient le pouvoir simplement parce qu'il semblait sympathique et inoffensif.


Dernière édition par Merwyn Caerwyn le Ven 21 Juin - 4:50, édité 1 fois
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Millicent N. AndersonMillicent N. Anderson


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MessageSujet: Re: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptyJeu 18 Avr - 18:13

Je m'habituais à ma nouvelle existence, ma fusion avec Millicent m'aidant à contourner les obstacles. Les têtes importantes de son peuple se mêlaient régulièrement de ce qui ne les regardait pas et je trouvais toujours comment faire taire leurs soupçons grâce à ce que j'avais gardé de la personnalité de la felidae. Le temps que je passais avec Melany Crowley, héritière d'une famille puissante de notre espèce, avait attiré l'attention de sa tante. Mon amie m'avait précisé que Mme Crowley ne se liait à personne avec des intentions positives et je me montrais particulièrement prudente quand elle me forçait à discuter avec elle lors d'événements moindains. Son mari et le père de Melany me mettaient aussi mal à l'aise, même si je ne le laissais pas paraître, le premier par son attitude irréprochable sous tous les angles et le second par son regard flou. Heureusement, j'avais aussi rencontré des felidae agréables à côtoyer et mon métier me permettait des contacts avec les humains et les autres espèces.

Katherine Salander ne me manquait pas du tout. Me séparer d'elle m'avait libérée, comme quelques fois par le passé avec d'autres identités.  À distance, je voyais mieux ce qui était resté d'elle et que j'avais assimilé malgré moi quand j'habitais son corps. J'avais d'abord remarqué son impatience, qui m'avait aveuglée à son égoïsme, son manque d'empathie et sa superficialité. Je me sentais bizarrement plus réelle en tant que vedette de la télévision devant toujours se montrer sous son meilleur jour qu'en petite artiste cherchant sa voie malgré une famille soi-disant oppressante. J'essayais de ne pas m'en vouloir d'avoir passé des années à m'imprégner de cette existence.

Apple s'était vite habituée à mon changement d'apparence, le deuxième depuis que nous étions amies. Je n'avais pas osé aborder le sujet avec elle, mais je me sentais plus proche d'elle depuis mon changement de corps, un peu comme lorsque nous étions en Grèce il y avait maintenant quelques années. Raph m'avait fait des remarques désagréables sur l'abandon - la trahison! - des proches de Katherine Salander et j'avais mis un peu de temps à accepter la sévérité de son jugement.

J'avais promis à Millicent de prendre soin de son fils - mon fils, maintenant - et je passais pas mal de temps avec Sebastian. Il y avait plusieurs décennies que je n'avais pas assumé le rôle de parent et je retrouvais avec plaisir la célébration béate de chaque réussite de mon rejeton. Je me réjouissais aussi naturellement quand ma fille, installée en France avec son mari, m'envoyait des nouvelles de Paris où elle s'impliquait politiquement. Entre Sebastian, ma carrière, la consolidation de mes liens avec les autres felidae, ma vie sociale forcée de vedette de la télévision et mon envie de passer du temps avec mes amis, les moments de solitude se faisaient rares. Heureusement, mon mari me préférait une maîtresse et demandait peu mon attention. Millicent et lui ne formaient un couple que de manière stratégique, comme beaucoup de felidae. Sebastian étant le second enfant, le corps que j'habitais ne pouvait plus fabriquer d'enfants et les époux n'avaient plus de raison de s'unir s'ils n'en avaient pas envie. Le modèle familial des felidae me déprimait, mais tenir mon mari à distance rendait mon rôle d'usurpatrice beaucoup plus simple.

-Oui, passez une excellente soirée, vous aussi!

Je soupirai doucement en observant le bel acteur passer la porte du bar. Je prenais régulièrement les devants pour recruter certaines stars pour mon talk-show. Cet acteur avait tenu à aller prendre un verre pour discuter plutôt que directement accepter ou refuser mon offre. J'avais contourné son agent avec qui ma boîte avait des différends et je m'en sortais avec une promesse d'entrevue… et beaucoup de sous-entendus sexuels. Cet acteur avait certainement l'habitude de faire tomber toutes les filles et, sous une autre identité, je l'aurais peut-être suivi chez lui, mais je m'étais ce soir contentée de lui faire les yeux doux.

Il aurait été sage que je retourne chez moi pour manger, mais il y avait longtemps que je ne m'étais pas autorisée à déroger à mon horaire, et je décidai de prendre un verre de plus avant de partir.

Appuyée au bar en attendant ma commande, je remarquai notre maire quelques mètres plus loin. Je l'avais rencontré pour la première fois il y avait quelques années. J'eus un petit sourire au souvenir de cette soirée avec Apple, mais je me découvris un étrange malaise en me remémorrant la rudesse avec laquelle j'avais traité le bel homme. Pouvais-je entièrement blâmer mon ancienne identité? Il subistait encore en moi la curiosité que j'avais ressentie ce soir-là au sujet des limites de la patience de Merwyn Caerwyn. Je n'avais à ce jour eu l'occasion ni de les tester ni de m'excuser auprès de lui.

Il était possible que Merwyn ne se souvienne même pas de cette soirée, ni de moi ou, enfin, de Katherine Salander. Une pimbêche insupportable de plus sur son chemin. Héra l'avait peut-être mis au courant de ma réelle identité par la suite et, en tant que maire, peut-être connaissait-il tous les dieux en ville. Je n'avais pas questionné Apple sur les informations que sa mère risquait de partager à notre sujet parce que je considérais pas mon statut comme un important facteur de risque. J'avais l'habitude de me sortir des mauvaises situations ou de les fuir.

-Bonsoir, M. Caerwyn. Millicent Anderson, dis-je en levant mon verre avec un sourire. Je me joins au fandom, si ça ne vous dérange pas.

Je pris place à côté de Merwyn, mais pas trop près. Je préférais éviter une proximité ambiguë. Quelques-unes des personnes atroupées autour de lui me saluèrent vaguement et je remarquai une femme très enthousiaste de me reconnaître. Je lui souris chaleureusement. J'appréciais mes fans.

-Mon mari a fait un article sur vous il y a quelques semaines, dans le Times. Enfin, sur la famille qui a pu se sortir du quartier Grey grâce au financement de leur entreprise de restauration. Ils n'ont dit que du bien de vous, c'était touchant.
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Merwyn CaerwynMerwyn Caerwyn


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MessageSujet: Re: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptyVen 21 Juin - 8:21

- Alors monsieur le maire, comment-allez-vous aujourd’hui ?
Il ne restait jamais seul avec le barman très longtemps. Les habitués du bar le connaissaient bien et n’avaient plus de gêne à l’aborder comme s’il était une bonne connaissance, mais tout en gardant le nom respectueux de sa fonction. Ils ne voulaient pas en faire leur égal. Ils étaient surtout très fiers de bien revendiquer le privilège qu’ils avaient à discuter à une personne si importante sur un ton aussi familier. L’homme qui l’avait appelé s’appelait Tom, la cinquantaine, chauffeur de bus. Une vie normale, pour une personne banale.
- Très bien, répondit-il avec un grand sourire. Avez-vous goûté la nouvelle cuvée du bar ?
- Bof non, je préfère rester à la blonde classique. Toutes ces bières avec des noms bizarres, c’est pour les jeunôts branchés…
- Et pourquoi n’en serais-tu pas un ? lança-t-il aussitôt, amusé par le ton bourru qu’il avait pris pour se donner contenance.
- Bah… Mon âge, et tout…
- Tant qu’on est en vie, tout est dans la tête, ne penses-tu pas ? - Et, se tournant vers le barman, il ajouta : - Apportez donc une boisson de jouvence à ce pauvre Tom.
Tom ronchonna légèrement que ce n’était pas la peine, mais une boisson gratuite ne se refusait pas forcément non plus, surtout lorsqu’elle se révélait bonne, ce qui se traduisit par un “Moui moui, pas mal c’te I.P.A” qui s’efforçait de manquer d’enthousiasme. Merwyn pouvait comprendre la crainte d’aller vers la nouveauté, la volonté de se référer à des valeurs sûres, mais seulement si une modification pouvait apporter des dangers ou avait peu de chances d’améliorer les choses. Or, il ne lui semblait pas que changer de marque de bière un jour pouvait nuire à qui que ce soit, ni que la bière premier prix était une bonne valeur sans possibilité d’amélioration. Evidemment, il pouvait concevoir les problèmes financiers derrière cette rigidité. Pour les plus démunis, se fermer à la nouveauté était un bon moyen de limiter la tentation des dépenses, surtout quand on prévoyait de s’alcooliser en quantité chaque soir. Mais, puisqu’il était là, il pouvait bien offrir une découverte intéressante qui ne représentait rien pour lui. Financièrement en tout cas. D’un autre point de vue, cette générosité lui assurait d’avoir une présence utile aux lieux.

Voyant qu’il trinquait avec Tom, ses compères de boisson approchèrent et suivirent le mouvement, pour boire la même marque de bière sans qu’il fût nécessaire à Merwyn de leur forcer la main ou d’avancer l’argent (il n’avait pas prévu de lancer une tournée générale non plus). La conversation s’en alla rapidement sur le grand sujet du moment, l’approche des fêtes de Noël, les difficultés à trouver des idées de cadeaux, le gouffre financier que cela pouvait représenter, à grand renforts de “vous savez, pour nous, c’est difficile…” et les histoires plus tristes, quand certains disaient ne pas avoir grand monde avec qui célébrer. Merwyn ne s’étendait pas sur sa situation. Les gens avaient tous bien assez d’histoires essentielles à lui partager sur la manière dont ils allaient vivre cette période de fête. Pour se plier aux habitudes culturelles de Nichole, il avait concédé à fêter ce qu’il continuait à appeler Yule le 24 décembre plutôt que le 21. Mais ce n’était plus un moment qu’il appréciait, car chaque année lui rappelait tous les absents à sa table. Son épouse, Macsen, Pryderi, Brynn, et même son père. Ce n’était plus pareil. La première année avec Nichole, il s’était senti d’assez bonne humeur à l’idée de commencer quelque chose avec une “famille nouvelle”. Puis, les années suivantes n’avaient fait que lui rappeler que ce n’était pas pareil, et que le schéma nouveau qui se reproduisait ne parvenait pas à remplacer le bonheur de l’ancien. Tout était trop… artificiel. Même ce changement de date, auquel il avait concédé, pour marquer le changement aussi, mais qui l’ennuyait chaque année un peu plus. Quelque chose n’allait pas. Quelque chose l’empêchait de mener ses plans de restructuration jusqu’au bout. Certainement ce qu’il savait au fond de lui : ça ne serait jamais pareil et ça ne pourrait pas être mieux. Pas ici ni maintenant, en tout cas.

Il y songeait vaguement, en gardant un sourire de façade et en se concentrant sur les histoires peu instructives des autres, quand une femme d’une certaine classe l’aborda. Une autre femme du groupe l’identifia aussitôt comme Millicent Anderson, une célébrité de la télévision. Merwyn n’était pas extrêmement renseigné à ce sujet, pas assez pour retenir les noms en tout cas, mais le visage lui était en effet plutôt familier.

- Bonsoir, Madame Anderson, si j’ai bonne mémoire, dit-il aimablement.

Sa déclaration frisait l’ironie si l’on considérait qu’une personne venait de crier le nom de la jeune femme un instant plus tôt, mais il était plus intéressant de semer le doute que d’avouer à une personne qui l’abordait certainement avec l’assurance d’être reconnue par lui qu’il n’avait une idée très vague de qui elle était et n’y aurait peut-être même pas songé si rien ne l’avait incité à remettre un contexte sur son visage. De plus, la télévision ne donnait pas toutes les informations. En apparence, Millicent Anderson était tout ce qu’il y avait de plus humain. Mais, à côté d’elle, il percevait nettement son origine magique. C’était donc une rencontre intéressante. Aider les créatures dans un état de misère à remonter la pente était une chose, mais s’allier avec celles qui se trouvaient haut placé dans la société restait plus essentiel. Elle voulait d’ailleurs lui être agréable en vantant l’une de ses dernières bonnes actions, offrir une adresse digne de ce nom à ce qui n’avait été qu’un food truck de leprechaun.

- Oh ce n’est rien, fit-il modestement. Vous n’imaginez pas le nombre de courriers que l’on peut recevoir quand nous sommes maire. Les gens pensent que nous avons la solution à tous leurs problèmes et j’aimerais sincèrement que ce soit vrai, mais pour une famille à laquelle je rends service, de nombreuses autres restent ignorées. Les O’Leary proposaient une cuisine réellement excellente. Il existe beaucoup de savoir-faire dans le quartier Grey, qui mérite parfois davantage à être connu que celui de ceux qui ont essentiellement les finances et les contacts pour s’imposer. Je ne doute pas qu’ils auront toutes les chances de prospérer maintenant que les fonds ont été débloqués pour eux. Votre mari a-t-il pu tester leurs spécialités ?

Leur cuisine était-elle divine ? Il n’aurait pas été jusque-là, mais elle était d’assez bonne qualité pour justifier un coup de pouce. De toute manière, une grande partie de la réussite d’un commerce tenait à la présentation. Les leprechaun étaient connus pour créer de l’or, mais même cette qualité n’aidait pas forcément les créatures à survivre dans le monde d’aujourd’hui. Plus rien ne se payait en pièces d’or aujourd’hui, et n’importe quelle expertise pouvait révéler que le métal n’était pas normal. Et même s’il était possible de tromper un bijoutier de temps en temps, comment vouliez-vous tromper suffisamment pour rassembler une fortune en or sans attirer l’attention sur sa provenance et être soupçonnés de magouilles diverses, surtout quand l’or disparaissait ? Ce n’était pas tenable, et, de toute manière, une méthode malhonnête ne devait pas être encouragée par nécessité pour survivre. Mais bien sûr, il n’était pas nécessaire d’avancer ces arguments pour convaincre les êtres qui les entouraient et qui abondaient déjà vivement sur le fait qu’un tas de personnes pleines de talents se démenaient comme elles pouvaient quand d’autres s’achetaient juste le talent pour rencontrer le succès.
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MessageSujet: Re: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptyJeu 5 Sep - 18:06

J'avais été en partie attirée par Millicent grâce à son étrange maladie. Comme j'arrivais à la contenir, je ne la craignais pas. J'avais tout de même procédé à quelques tests avant de fusionner avec la felidae; je n'avais pas envie de me retrouver coincée dans un corps mortel défaillant. Cette magie anormale répondait et se soumettait à mon énergie divine, mais pas aux pouvoirs de guérison de Katherine. Contrairement à mes capacités de déesse, le parasite de Millicent ne réagissait pas, ou presque pas, aux zones neutres. Son origine mystérieuse me fascinait, tout comme les possibilités qu'un nouveau type de magie ouvrait. Je ne savais pas si j'avais affaire à une maladie qui n'attaquait pas les dieux ou plutôt à une sorte de parasite magique qui s'inclinait devant plus fort. Je n'avais révélé mes découvertes à personne et je comptais les approfondir avant de risquer qu'on s'y intéresse de trop près.

Le Grand Conseil des felidae connaissait l'état de santé de Millicent. J'avais inventé des traitements qui stabilisaient la maladie plutôt que révéler la fusion de Millicent avec moi. Aucun de mes semblables n'était au courant de ma réelle nature. En dehors de Raphael, personne en dehors des dieux ne savait que je n'étais pas une felidae. Toutefois, comme les felidae se spécialisaient dans les pouvoirs psychiques, je ne pouvais être certaine de mon anonymat et je restais sur mes gardes. Cette nouvelle existence palpitante me ramenait à la vie après les quelques années à me morfondre en tant que Katherine Salander.

Depuis mon retour à New York, j'avais compté sur Apple pour me divertir. Elle était de toutes les soirées mondaines. Je ne regrettais pas mon choix initial d'identité. Après une période plus mouvementée en Grèce, j'avais eu besoin de calme. Katherine m'avait offert une vie ordinaire sans être complètement assommante, avec ses dons de guérisseuse, sa famille colorée et ses études à l'université, et j'avais complété avec un emploi de maquilleuse qui m'ouvrait un monde de rencontres intéressantes. Comme chaque fois que je me posais dans une vie plus tranquille, je m'étais vite ennuyée. Et j'avais culpabilisé.

Chaque changement de corps me rappelait que j'avais définitivement éliminé une personne de plus pour lui voler temporairement sa place… sans la lui rendre. Je laissais ses proches dans le deuil et j'abandonnais ses projets. Ma liste de cadavres s'allongeait toujours sans que je trouve de corps à habiter éternellement. Officiellement, c'était ce à quoi j'aspirais, mais des dizaines de morts prouvaient mon manque de volonté. J'avais embelli le sujet en négociant avec Millicent qui avait accepté la fusion en imaginant que je ne l'abandonnerais jamais. Je souhaitais croire à mes propres promesses. Mon fils m'en donnait envie, mais je finissais toujours par m'éloigner de mes enfants quand ils n'avaient plus besoin de moi.

Ma nouvelle vie tournoyait à un rythme que Katherine Salander n'aurait pas pu tenir. Les jours qui passaient diminuaient d'ailleurs ma tendance à comparer ma nouvelle identité avec la précédente. Je passais toujours par ce type de comportement quand je prenais une nouvelle existence. Détester ce que j'avais été facilitait la transition. De plus, l'éducation de felidae que j'avais intégrée me poussait plus facilement vers la sévérité envers tout ce qui était moins qu'excellent.

Sachant que je venais rencontrer un acteur charmeur, j'avais choisi de porter une robe rouge foncé assez courte et légèrement décolletée. J'y avais agencé de simples boucles d'oreilles Volcano Designs en or rose et minuscules diamants et des talons hauts noirs.

Le maire répondit tout en finesse à mes compliments. Je reconnaissais bien l'homme plein de retenue que j'avais lourdement dragué avec Apple quelques années plus tôt.

-Mon mari a en effet bien apprécié leur cuisine, et moi aussi.

Je ne précisai pas que nous y étions allés séparément. Nous faisions peu d'activités ensemble, et elles étaient toujours en compagnie de nombreuses autres personnes, ou parfois avec Sebastian, pour lui faire plaisir. J'appréciais toutefois sa compagnie, mais je ne me faisais pas d'idées romantiques: il n'avait jamais été amoureux de Millicent, et il y avait des années qu'il voyait la même maîtresse.

La fiancée de Merwyn n'était pas avec lui. Il ne s'agissait donc pas d'une sortie particulière, ou d'un arrêt après un événement officiel. Notre maire se détendait-il tranquillement ou venait-il cultiver sa réputation? Les gens aimaient Merwyn Caerwyn. On ne lui trouvait aucun scandale, ni rumeurs piquantes, ni fréquentations louches. Après le règne de terreur de Logan Laufey, Elisa Wilde avait été appréciée par le peuple, mais les potins à son sujet se partageaient sans scrupules même avant la vidéo la montrant en action avec son beau-frère. Les journalistes tournaient leurs questions pour lui donner l'air incompétente et les magazines multipliaient les questionnements sur ses fréquentations et sur son apparence. Je n'y avais pas porté attention avant qu'Apple m'en parle. Elle m'avait aussi un peu parlé de leur vie d'avant la brèche. Héra n'avait jamais su se faire aimer des foules. Son ascencion au pouvoir par un autre chemin que la puissance magique n'y avait rien changé.

-C'est bien normal de ne pas pouvoir régler les problèmes de tout le monde. Enfin, les gens vous apprécient et semblent comprendre que vous ne pouvez pas tout arranger par magie.

J'avais soutenu son regard avec un petit sourire au dernier mot. Apple m'avait dit qu'elle s'informerait à sa mère sur la nature de Merwyn, mais elle ne l'avait jamais fait, probablement par désintérêt pour lui après la soirée qu'elle avait passé en sa compagnie. Je ne doutais toutefois pas de sa nature magique, à la fois par instinct et parce qu'il était improbable qu'un humain se soit hissé au sommet de la ville.
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MessageSujet: Re: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptyMer 18 Sep - 18:47

L'espace s'était fait poliment autour de Millicent et lui. Les habitués du bar comprenaient que la conversation ne les concernaient plus. Quand une personne de la vie publique s'adressait à lui, ils comprenaient qu'ils risquaient de devenir déplacés, que la discussion ne pourrait plus en rester aux petits tracas du quotidien. La tenue de la jeune femme imposait aussi. Elle était aguicheuse tout en restant dans un registre très haut de gamme. On se sentait vite intimidé quand on ne pouvait rivaliser avec des vêtements de grande marque ou un statut qui impliquait à lui seul la prestance. Que lui voulait-elle ? Car on ne s'adressait jamais à quelqu'un sans intérêt secret. Le fait qu'elle souligne l'aide qu'il avait apporté à des êtres magiques le mettait peut-être sur la piste. Si elle n'avait probablement pas prévu de le rencontrer ce jour, elle profitait certainement de l'occasion pour en apprendre davantage à son sujet. Face humaine, il n'avait rien à cacher. Il était un politicien près du peuple, que les gens avaient accepté sans trop de difficultés après le départ d’Élisa. Son parcours sans faute et son image de bienfaiteur avaient contribué à le place au sommet sans difficultés et, à dire la vérité, il en avait été le premier surpris. Il n'avait jamais agi avec pour projet de prendre la place de sa collaboratrice, c'était sans doute ce qui faisait de lui le candidat idéal. Le devant de la scène n'avait jamais eu sa préférence mais il accomplissait son devoir afin que le mandat se termine au mieux. Face magique, il ne pouvait que se réjouir du pouvoir que lui conférait son nouveau rôle. Ce n'était pas qu'il y tenait, mais il lui apparaissait de plus en plus complexe d'agir dans l'ombre d’Élisa. La déesse se méfiait beaucoup trop de lui depuis qu'il avait trouvé le moyen de lui dissimuler ses pensées. Et, malgré toutes ses tentatives, il n'avait jamais réussi à trouver un biais acceptable pour lui faire apprécier ses idées. Les humains n'étaient pas ses premiers ennemis. Il combattait surtout la volonté des dieux. Alors son amitié avec Elisa le mettait dans une triste impasse. Elle était vouée à l'échec si les masques tombaient. Beaucoup de créatures avaient compris qu'il agissait dans leur intérêt. Mais ce n'était pas officiel. Tout s'agençait en secret, grâce aux « contacts à la mairie » de certains.

– Vous m'en voyez ravi, répondit-il avec un sourire chaleureux.

Millicent ajouta que les gens l'appréciaient, ce qui impliquait une volonté de le flatter. Elle insista ensuite sur le fait qu'il ne pouvait pas tout résoudre par magie. Son regard se planta dans le sien. Elle lui adressa un sourire de connivence. Aucun signe de nervosité ne passa dans le visage de Merwyn. Il prit une expression amusée pour répondre :

– La magie n'a jamais résolu aucun problème ! Voulez-vous poursuivre la discussion à une table ? Je crains que le comptoir ne soit pas une place idéale pour une dame de votre renommée.

Il se leva de son tabouret et l'invita à le suivre sur les fauteuil en cuir noir d'un petit salon isolé. Ils ne pourraient avoir rien de plus qu'une discussion de façade en restant accoudés au bar. Si Millicent souhaitait parler de magie, il était disposé à la faire, à condition de rester à l'abri des oreilles indiscrètes.

– Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous ou l'un de vos proches ?

Souvent, les gens passaient par de nombreux détours avant de lui demander un service. Puisque la jeune femme avait une aura magique et qu'elle semblait au courant de certaines choses à son sujet, il ne voyait pas l'intérêt de prendre un détour. Il commençait à avoir l'habitude des créatures qui s'adressaient à lui pour obtenir des privilèges. Celles qui avaient été aidées se faisaient passer le mot. A défaut de comprendre ses projets, elles comprenaient au moins que leurs demandes avaient des chances d'aboutir tant qu'il restait au pouvoir. Et, dans tous les cas, il ne connaissait pas Millicent et n'étaient pas doué pour faire la conversation quand les personnes ne se chargeaient pas de déverser un long flot de paroles dans lesquelles il pouvait puiser informations et questions. Merwyn n'appréciait que peu se retrouver avec un simple sous-entendu, un regard insistant, une attente qui ne s'exprimait pas clairement. Il préférait crever l'abcès le plus rapidement possible. Aussi séduisante que soit Millicent, ce n'était pas lui qui était allé vers elle. Ce n'était donc pas à lui de chercher à éveiller son intérêt ou de la séduire, en quelque sorte. Si elle n'attendait rien de lui, il ne pouvait pas attendre quelque chose d'elle.
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MessageSujet: Re: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptyMer 13 Nov - 18:16

Apple me confiait beaucoup d'informations sur sa mère. Je ne lui offrais rien de stratégiquement comparable, mais je lui avais prouvé mon amitié à plusieurs reprises en Grèce, puis je l'avais suivie à New York. En des siècles d'existence, je n'avais pas connu beaucoup de relations durables. Raphael restait malgré mes abandons précipités et mes mensonges. Je revenais toujours vers lui à la fois par affection et parce que j'appréciais la sécurité que me donnait sa présence quand je perdais tous les proches d'une identité que je quittais. Apple commençait à prendre ce type d'importance, elle aussi, en ajoutant notre origine divine en commun. Pour elle comme pour Raphael, j'avais une grande affection, mais je ne les priorisais pas quand je faisais un choix.

Ma nouvelle existence me limitait au niveau des débordements dont j'avais auparavant l'habitude avec Apple. Elle avait d'ailleurs essayé de me dissuader d'abandonner Katherine Salander quand je lui avais fait comprendre que je prévoyais des changements prononcés dans ma manière de vivre. Comme chaque fois que Raphael avait voulu me faire voir des raisons de ne pas concrétiser une décision pour laquelle je ne demandais pas son avis, j'avais décelé derrière les recommandations l'envie de me contrôler, de me mettre dans un rôle arrangeant. Je n'avais jamais écouté les conseils de Raphael. Je ne commencerais à m'incliner devant ceux d'Apple. Soit elle me laissait assez d'air, soit j'allais m'en créer toute seule. Néanmoins, même maintenant que j'étais Millicent à plein temps, nous restions en bons termes. Nous nous étions même amusées à jouer notre première fausse rencontre dans une soirée mondaine.

Je me servais un peu de mon statut de femme mariée pour jouer les tentatrices en feignant l'innocence. Ce soir, je m'étais bien amusée avec l'acteur avec qui j'avais pris un verre, mais sans me laisser aller. Je ne choisissais d'aller plus loin qu'avec des hommes qui ne menaçaient pas ma réputation. Je m'interdisais entre autres les journalistes et les amis de mon mari, même si ceux-ci savaient que notre couple ne s'encombrait pas de fidélité. Je tenais à préserver mon mariage des complications.

Une dame de ma renommée... Merwyn était adorable! Je le suivis avec un sourire. J'appréciais de m'éloigner des curieux. Je m'étais vite habituée à être traitée en célébrité, mais discuter entourés d'oreilles avides ne promettait toujours que des discussions pour satisfaire le public. Je ne m'imaginais pas un échange enrichissant et révélateur avec le maire, mais un relatif isolement nous aiderait peut-être à nous laisser un peu plus aller.

Je restai d'abord muette quand il me proposa de l'aide. Il semblait honnête et ouvert, et non dans une approche volontairement insultante. Après avoir souligné mon statut social, il me mettait au visage la supériorité du sien. Tout le monde n'est pas maire, M. Caerwyn… Peut-être avait-il naturellement cette attitude avec ceux qui l'approchaient. En tant que maire, il devait avoir l'habitude des gens qui voulaient profiter de lui. En me forçant à révéler maintenant si j'attendais quelque chose de lui, il avortait les potentielles techniques de manipulation pour l'entraîner vers une faveur à laquelle il n'était pas prêt à céder.

-Les felidae n'ont pas tendance à rechercher, ni même à apprécier, l'aide extérieure, mais votre bienveillance est notée.

Il ne m'aurait pas offert d'aide s'il avait su que j'étais une déesse. J'en déduisais donc que son alliance avec Héra, qui connaissait mon identité, n'impliquait pas une transparence réciproque.

J'avais décidé de vite lui laisser savoir que j'étais une felidae. Libre à lui de saisir l'occasion pour se dévoiler, mais il verrait que je ne perdais pas de temps avec les mystères. Du moins, j'espérais qu'il le croie et ne cherche pas plus loin.

-Je ne vous ai pas approché pour vous demander quoi que ce soit. J'avoue avoir été surtout curieuse. Je ne vous avais vu que de loin, dans des événements mondains, entouré de personnages officiels.

Je l'avais aussi vu de très près lors d'une de ces soirées, mais en parler maintenant risquait de soulever trop de questions d'un coup.

-Et pour ce qui est de mon allusion à la magie…

J'hésitai. J'avais voulu le tester, je ne pouvais pas le lui dire et attiser sa méfiance. Il avait immédiatement saisi l'occasion pour réagir. Il semblait préparé à rapidement prendre le contrôle si je m'aventurais sur un terrain qu'il avait l'habitude de maîtriser.

-Je suis désolée que vous l'ayez interprété comme un moyen d'abuser de votre générosité. J'avoue avoir impulsivement précipité le sujet, aussi par curiosité, dis-je avec un sourire en baissant les yeux pour feindre la gêne.
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MessageSujet: Re: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptySam 21 Déc - 19:49

Sa question avait pris la jeune femme au dépourvu. Il ne la trouva pas gênée d'être démasquée, comme une personne qui se pensait subtile et se préparait à faire une demande détournée. Elle n'avait aucune requête à formuler. Merwyn avait anticipé la suite de la conversation dans l'espoir d'en garder la maîtrise. Il ne connaissait pas Milicent, il n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle lui voulait et ce flou ne lui plaisait pas vraiment. Elle soutint que seule la curiosité l'avait attirée jusqu'à lui. Il commençait à avoir l'habitude des curieux. Souvent, il les décourageait poliment en leur faisant vite comprendre que son statut de maire ne faisait pas de lui un être incroyable qui allait occuper toute leur soirée avec des histoires passionnantes. Il ne parlait qu'à ceux qui parvenaient à lui faire la conversation, jamais pour se donner en spectacle. Ses discours télévisés étaient préparés à l'avance, prévus pour un rôle qu'il ne souhaitait pas nécessairement tenir dans un bar après ses heures de travail. Alors, peu lui important la renommée de la jeune femme, ni même sa nature de felidae. Si elle s'attendait à ce qu'il fasse il ne savait quoi d'incroyable devant ses yeux ébahis, il risquait de la décevoir. Merwyn reçut d'ailleurs ses premiers aveux sans grande émotion. Il se contenta de boire dans son verre. Que pouvait-il répondre, de toute manière ? Mais, ce soir, quelque chose au fond de lui souhaitait qu'elle réussirait à lui tendre une perche pour entamer une discussion. Il n'avait pas envie de rentrer. La rapidité avec laquelle il l'avait entraîné à l'écart des autres n'était pas dans ses habitudes. Pour être honnête envers lui-même, il ne pouvait nier avoir espéré un prétexte pour s'éterniser au pub avec une personne intéressante. Et il ne fallait pas voir le mal dans sa question. Il aurait été ravi d'avoir une nouvelle mission, un travail supplémentaire pour occuper sa soirée et même justifier un retour à son bureau. Alors, comme elle s'excusait, il eut un sourire amusé et se lança sur un ton plus léger :

– C'est à moi de m'excuser. J'ai tellement l'habitude de répondre à des sollicitations toute la journée que j'en oublie que les gens peuvent m'aborder pour le simple plaisir de discuter. Mais vous n'abuserez jamais de ma générosité. C'est un réel plaisir d'aider un citoyen dans le besoin. Peut-être même que vous venez de me faire une fausse joie.

Il avait ajouté la dernière phrase sur un ton plus malicieux. Ses yeux verts pétillèrent au-dessus de sa chope. Maintenant qu'il savait que ce tête-à-tête n'aurait rien de professionnel, en plus de se dérouler avec une créature magique, il pouvait adopter peu à peu une attitude plus relâchée afin d'en faire naître quelque chose. La jeune femme s'était, pour ainsi dire, jetée sur lui sans avoir la moindre idée de ce qu'elle allait lui dire. Il fallait un certain cran pour le faire, mais ce n'était pas toujours le genre d'audace qu'on appréciait. Elle devenait vite gênante quand la personne ne savait pas tirer parti de la situation. Dans une autre humeur, Merwyn aurait pu se contenter d'une réponse fermée, sans la dernière réplique espiègle, et un silence glaçant se serait probablement installé. On se dévisageait. On finissait par se poser des questions maladroites pour donner des réponses sans intérêt, et trouver n'importe quelle excuse pour se sauver d'une interaction sociale qui n'avait rien de naturel et qui n'avait d'ailleurs aucune raison d'arriver, à faire croire que le scénariste de votre vie s'était trompé de script.

A quoi s'attendait Milicent ? Elle était curieuse de le connaître. Elle avait voulu lui faire savoir qu'elle était une felidae. Bien sûr, ce n'était pas anodin. Sa curiosité n'était probablement pas anodine non plus. Elle voulait parler de magie mais sans demander d'aide. Pour savoir ce qu'il était, peut-être ? Mais elle ne précisait rien. S'il avait été de mauvaise volonté, il aurait pu hocher la tête en attendant la suite de ses propos. Elle avait précipité la sujet de la magie par curiosité, mais encore ? Quand une personne n'était pas claire, elle avait souvent quelque chose à dissimuler et, dans ce cas précis, il pouvait en déduire qu'elle avait déjà certaines informations sur lui, des éléments qu'elle voulait confirmer ou préciser, et l'impression de le connaître suffisamment pour l'aborder sans aucun plan d'action. C'était franchement étrange. Et, puisqu'elle ne savait pas comment s'y prendre, il n'était pas certain de vouloir lui donner de réelle piste. Ce ne serait pas très amusant. Il ne voulait pas non plus prendre le risque de se compromettre.

– Allons, vous savez comment vont les coulisses du pouvoir. Vous avez pu constater depuis longtemps, je suppose, que les humains ont été chassés du jeu des grands. Je crains de ne pas saisir les réels motifs de votre curiosité, fit-il sur un ton faussement navré.

En tant que felidae, elle avait certainement profité du réseau de ses semblables pour se faire une place importante dans la société. Si elle était habituée des soirées mondaines, elle savait aussi qu'on y croisait surtout des sorciers, des créatures et des dieux. Même si tout le monde feignait d'être parfaitement normale, on aurait pu parler de rituels ésotériques dans de nombreux cocktail sans affoler personne. Alors il n'allait pas faire de mystère sur ce sujet en étant seul à seul avec une femme qui venait de lui préciser son espèce et tenait, pour une raison à élucider, à lui parler de magie.
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MessageSujet: Re: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptyLun 17 Fév - 17:14

Les motivations de Merwyn pour aller discuter à l'écart avaient le mérite d'être claires. Il m'offrait la possibilité de lui présenter mes attentes en toute intimité. C'était sans hostilité qu'il m'avait rapidement laissé voir qu'il était ouvert à me fournir de l'aide si j'en avais besoin. À quel point les gens l'assommaient-ils de leurs demandes sans finesse ni politesse à n'importe quel moment? Le naturel avec lequel Merwyn était passé d'une situation de simple socialisation à un retour à son rôle de maire au service de la population me déprimait. Il avait l'habitude de n'être approché que par des profiteurs et il ne s'en offusquait apparemment pas. Était-ce noble de sa part ou stupide? Les souverains moralement supérieurs se faisaient beaucoup plus rares que les imbéciles. Peut-être avait-il plutôt des motivations qui m'échappaient encore. Son attitude calculée lors de notre première rencontre me revenait à l'esprit. Apple disait qu'il ne s'était pas décoincé, mais j'avais surtout remarqué qu'il ne s'était pas incliné devant la pression que lui mettait une déesse pour qu'il l'amuse selon ses préférences.

Il disait avoir oublié qu'on pouvait lui parler par envie de discuter. C'était d'une tristesse. N'avait-il personne dans sa vie pour le distraire? M'entourer des gens inintéressants me réclamant services et  concessions serait ma hantise. Prendre la vie d'une felidae semblait contre-intuitif, puisque ce peuple s'imposait des limites et des devoirs qui à première vue nuisaient à un besoin de vie remplie. Je n'estimais toutefois pas une structure rigide comme un obstacle à ma liberté, mais plutôt comme un garde-fou contenant les potentiels débordements. Une clôture me ralentissait si je perdais le contrôle; elle ne m'empêchait pas d'aller où je voulais si je décidais de l'enjamber.

-Non, ne vous excusez surtout pas pour votre gentillesse.

Je n'avais pas manqué le ton de la fin de sa réplique. Il me laissait une chance de l'amuser. Avec un autre homme, j'en aurais peut-être profité pour demander avec un regard suggestif-mais-pas-trop comment je pouvais me faire pardonner la fausse joie, mais je n'imaginais pas M. le maire du genre à flirter facilement et je n'avais pas envie de jouer à le mettre mal à l'aise. Notre rencontre précédente alors qu'il n'avait pas ce statut avait montré qu'il restait prudent quand on lui faisait des avances. Avec cette apparence, il ne devait pourtant pas imaginer qu'on se fichait de lui. De nombreuses personnes lui laissaient certainement voir leur attirance. Que craignait-il? Mes conclusions sur cet événement étaient peut-être à côté de la plaque. Merwyn pouvait n'avoir forcé le sérieux qu'à cause du statut d'Apple et de son lien avec Héra. C'était cohérent pour un futur politicien de contrôler son image.

-Mon coeur se brise de savoir que je vous ai peut-être fait une fausse joie, dis-je avec une moue espiègle. Je devrai trouver comment me faire pardonner.

Si la conversation se passait bien – et je comptais sur Merwyn pour se montrer parfaitement parfait –, j'avais déjà une excuse pour le recontacter. Avec mes contacts dans tous les domaines, je n'aurais pas de mal à lui concocter un petit cadeau. Étais-je si différente de tous ces gens qui essayaient de s'attirer les faveurs du maire? Je n'agissais pas avec désintérêt; j'avais conscience non seulement du pouvoir que Merwyn détenait mais aussi de ce que tenir les rênes de la ville en étant aimé de tous disait sur sa force mentale.

-Chassés, je ne pense pas. La société continue de fonctionner selon leurs termes, qu'ils y soient à la tête ou non. Même les malheurs de 2007 n'y ont rien changé. Ils ne peuvent pas avoir les plus grandes ambitions à moins d'être exceptionnels, mais leur confort est assuré. À côté, laissez échapper un peu de magie publiquement et un dieu vous le fera payer rapidement.

Je parlais des dieux comme si je n'en faisais pas partie, mais je me voyais dans une catégorie à part. Je ne faisais partie d'aucune mythologie. On ne m'avait ni adorée ni crainte. Je n'avais ni nom ni culte. En moi coulait la puissance de la mort et de la résurrection et la magie de la plus impressionnante civilisation précolombienne, mais je n'existais pas officiellement. Les grands noms en ville me considéraient comme la bâtarde d'un dieu dont ils n'avaient rien à craindre. De ma mère, ils ne savaient rien et l'estimaient probablement mortelle. Et je tenais de moins en moins à la rencontrer. Je n'avais besoin ni d'elle ni de l'attention que notre réunion pouvait soulever.

J'avais gardé un ton léger pour pouvoir rétracter ou atténuer mon avis sur les humains s'il choquait Merwyn. Mais le secret sur la magie n'avantageait pas la majorité, malgré ce qui se disait. Les dieux en tiraient le meilleur. Ils semblaient tous s'entendre sur la conservation de la société telle qu'elle était. Ils gardaient les créatures dans l'ombre. Mon peuple – ça me faisait tout drôle d'y penser de cette manière – s'inclinait devant les normes sociales imposées, mais ne soutenait officiellement aucun dieu. Les divinités nous gênaient. Sans leur présence en grand nombre, les créatures auraient une plus grande influence. Il fallait surveiller chaque action pour ne pas déplaire à un dieu puissant, il fallait accepter les insultes et laisser les divinité tirer les plus grosses ficelles.

-Les motifs de ma curiosité…  dis-je avec un petit sourire avant de laisser échapper un petit rire. Il ne vous arrive jamais d'être curieux sans arrières-pensées?

Je ne le blâmais pas pour sa méfiance. Elle me ravissait même, après son attitude d'abord bienveillante en apparences.

-Je côtoie les grandes personnalités de la ville, je m'intéresse à elles, je les questionne… C'est mon travail. C'est devenu naturel pour moi de me montrer curieuse. J'ai du mal à lâcher mon script, j'imagine. Vous devez savoir ce que c'est, dis-je un peu plus bas avant de prendre une gorgée dans mon verre.
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MessageSujet: Re: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptyDim 15 Mar - 18:03

Merwyn avait plusieurs visages, des visages et attitudes qui s’adaptaient aux situations qu’il avait décidé de créer. Là était peut-être la nuance qui échappait à certains. Son comportement n’était pas aussi fixe qu’il en avait l’air. Il refusait simplement de se plier à la volonté d’un autre, de dévier du plan ou du rôle qu’il s’était donné. Alors, quand il adressait un regard espiègle à la jeune femme, il était assez naturel qu’elle soit incitée à le suivre sur ce ton. Il en aurait été tout autrement si Millicent lui avait adressé la même réplique sans y être « invitée », car elle aurait alors été perturbante et déplacée. La felidae l’ignorait peut-être mais ce qu’elle prenait pour de l’audace n’était qu’une autorisation implicite. Oui, elle avait le droit d’être plus relâchée avec lui. Il lui adressa un sourire tranquille.

– Si c’est une affaire de conscience pour vous, je serai bien curieux de savoir comment vous comptez-vous y prendre.

Il n’y avait aucune invitation salace derrière ces mots, et l’attitude aimable mais toujours distante de Merwyn ne laissait planer aucune ambiguïté à qui prenait le temps de l’observer. C’était plutôt une mise au défi qui n’engageait à rien. Millicent avait déjà des idées derrière la tête. Elle s’était donnée un gage toute seule. Donc, si elle y tenait, il n’allait pas l’en empêcher. Pourquoi décourager quelqu’un qui cherche un prétexte pour vous rendre potentiellement service ? Bien sûr, il pouvait s’agir d’un jeu de séduction de sa part. Mais, une femme de son statut devrait savoir que le maire de New-York n’avait pas la réputation de se laisser séduire par toutes les péronnelles qui lui faisaient la cour et, si elle n’avait pas plus d’imagination pour le « consoler », il comptait sur son attitude fermée pour bien lui faire comprendre qu’elle devrait renoncer à son idée de se faire pardonner.

Dans tous les cas, une part de séduction était souvent essentielle au développement d’une conversation plus personnelle. La manière dont elle répondit à la suite de ses propos était intéressante. Très intéressante même. Ce qu’il avait dit était assez générique et vague, mais assez provocateur aussi pour forcer une réaction, et une réaction qui n’avait pas forcément de rapport avec ce qu’il venait de dire. En effet, les humains n’avaient pas leur part voie dans les hautes sphères du pouvoir, ils était donc exact de dire qu’ils en avaient été chassés. Millicent avait fait une déviation brutale car la question des humains suscitait visiblement d’autres réactions en elle, une certaine dissonance s’était créée dans son esprit entre l’exclusion des humains pour tout ce qui concernait la prise de décisions, et toutes les décisions qui semblaient pourtant se faire par rapport à leur existence. C’était effectivement absurde. Elle n’était pas la seule à le constater. Beaucoup de créature restaient amères de ce constat, obligées de vivre dans l’ombre, dans la crainte des dieux, quand les humains pouvaient vivre leur vie tranquillement sans se douter de rien, tout cela pour satisfaire les divinités qui avaient un pouvoir absolu sur leurs esprits. Qu’elle donne son opinion librement n’était pas dérangeant. Les créatures osaient souvent le faire en sachant qu’il n’était pas un dieu, avec l’espoir tout à fait légitime que sa place au pouvoir pourrait peut-être faire bouger certaines choses pour eux. Cependant, il ne pouvait pas donner trop vite le fond de sa pensée, il ne pouvait montrer trop d’enthousiasme au discours de la jeune femme, au risque de compromettre ses intentions. Elle n’était pas forcément venue pour l’espionner, mais elle pouvait rapporter leur conversation à d’autres sans penser à mal. S’il devait l’approuver, il devait donc le faire avec une très grande mesure.

– La brèche a laissé entrer les dieux dans un monde détruit mais déjà préparé à leur venue. Pourquoi régner avec les sorciers et créatures, comme autrefois, quand les humains se sont si bien appliqués à les chasser ? – Il lui laissa le temps de le réflexion en prenant une gorgée et reprit, pensif : – J’ignore si un monde différent, sans le retour des dieux, aurait été préférable, mais je comprends votre frustration. J’aimerais faire mon possible pour que tout le monde trouve sa place dans ce nouveau monde.

La stratégie était simple : poser des questions rhétoriques pour que le soin des conclusions reviennent à l’autre, montrer de la compréhension pour l’inciter à parler et, éventuellement, continuer à montrer de la compréhension et signifier que l’on suivait le même raisonnement. On disait souvent que l’on pouvait mener un raisonnement similaire sans en venir aux mêmes conclusions. Tant que les affirmations étaient prononcées par Millicent, ni lui ni quiconque ne pourraient lui faire dire avec ses mots propres ce qu’il pensait. Le reste relevait de l’interprétation pure.

Elle essaya ensuite de le rassurer sur le fait qu’elle n’avait pas d’intentions cachées. Pouvait-on être curieux sans arrières-pensées ? Sans doute. Il serait bien mal placé pour lui donner tort, lui qui adorait s’intéresser aux petites histoires de tout le monde. Son attention s’égarait dans toutes les conversations qu’il pouvait saisir, il aimait tout savoir par simple plaisir de savoir, même quand ça n’avait pas la moindre importance. La vie de n’importe qui pouvait l’intéresser, et nombre de ces connaissances ne lui seraient probablement pas de la moindre utilité. Même s’il passait souvent pour une personne sans intérêts propres, il avait une réelle satisfaction à devenir le confident du plus grand nombre de personnes possibles. Il se nourrissait de leurs histoires. Et, cependant, toutes leurs histoires lui donnaient du pouvoir.

– Vous tenez peut-être là un de mes plus grands péchés, dit-il avec un sourire coupable.Cependant… Si je peux vous accorder que la curiosité n’a pas toujours d’arrières-pensées, je crains qu’elle ne finisse toujours par en créer.

Car oui, on associait plus volontiers la curiosité à un « vilain défaut » qu’à une saine qualité. La curiosité scientifique donnait de l’indépendance d’esprit et forçait souvent à se détourner de la moralité, la curiosité du sociale donnait du pouvoir. Quelqu’un qui possédait la capacité de récolter les histoires des uns et des autres avait du pouvoir sur eux, un pouvoir qu’ils pourraient toujours utiliser à un moment, et Millicent, en essayant de se justifier, ne l’ignorait probablement pas.
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MessageSujet: Re: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptyDim 22 Mar - 23:04

J'aurais pu me revendiquer de l'une ou l'autre des mythologies de mes parents. Tous deux y occupaient une place importante. J'y aurais probablement gagné des alliés ou, du moins, un titre pour lancer un culte et faire fleurir ma puissance au maximum. Mais j'aurais aussi dû me choisir un rôle permanent et des obligations impossibles à fuir. Mes parents m'avaient tous deux abandonnée, je ne devais rien ni d'un côté ni de l'autre. Je tirais ma puissance de l'existence de chacune de mes origines, en douceur et à distance. On me laissait tranquille. Quelques dieux m'avaient approchée pour former des alliances avant que je me cache en tant que Millicent, mais on m'avait vite oubliée après quelques refus. Je n'étais personne à leurs yeux, parce que je le décidais. J'avais passé ma vie à me glisser dans différents rôles qui avaient tous le même point commun : je les avais choisis.

J'accueillis avec joie l'ouverture du maire à mon offre de me faire pardonner. S'il s'était montré réticent, je n'aurais pas forcé un contact futur. Ou plutôt, j'aurais dû procéder plus subtilement pour le revoir.

-Habituellement, je prouve ma gentillesse par l'accès à des événements fermés ou par des cadeaux uniques… mais ce sont là des options assez banales pour le maire, j'en ai conscience. Il me faudra un peu de temps pour trouver comment vous impressionner, mais je trouverai.

Sa retenue ne m'étonnait pas, mais j'étais tout de même soulagée qu'il n'ait pas saisi l'occasion pour faire des sous-entendus gênants. Beaucoup d'hommes, surtout ceux en postes d'autorité, profitaient de mon attitude sympathique pour me faire des avances déplacées. Et c'était quand ils ne s'adressaient pas à moi comme à une petite starlette demeurée - mais je cherchais souvent à passer pour inoffensive, et je récoltais trop de réactions utiles pour m'en priver pour quelques hommes gênants. J'avais donné une réponse vague à Merwyn à la fois parce que je voulais me donner du temps pour réfléchir et parce que ne rien promettre en particulier me donnait la possibilité de changer mes plans. S'il se montrait décevant au terme de notre conversation, je n'aurais qu'à oublier de le contacter.

Merwyn semblait croire que je remettais en question le choix des dieux d'écarter les autres êtres magiques du pouvoir. Il s'agissait pourtant de leur seule option sur le long terme. Les ententes entre espèces trop différentes ne duraient que par obligation ou en cas de puissances comparables. Les dieux pouvaient dominer, pourquoi s'en priver? Pourquoi prendre le risque de laisser trop de place à d'autres qui pourraient les dépasser avec le temps? Même entre créatures, il n'avait jamais longuement subsisté d'alliance contre les humains, pourtant un ennemi commun. Même pour une seule espèce, on ne trouvait pas d'esprit de communauté uniforme. Si mettre les différences de côté restait si difficile même en cas de survie, comment espérer s'intégrer en étant déjà à part, en n'étant déjà pas les bienvenus? Les dieux avaient l'habitude de régler les problèmes par la force, et ils avaient remis de l'ordre dans un monde détruit pour se permettre les meilleures places. Ils faisaient chier maintenant qu'ils étaient au sommet, mais on ne pouvait les blâmer de l'avoir atteint.

-Bien sûr, les dieux avaient le champ libre dès leur arrivée, et ils ont une longueur d'avance pour s'intégrer aux humains. Ils leur ressemblent davantage, dis-je avec un sourire acéré.

Apple n'était pas la première divinité que j'avais côtoyée, et j'avais trouvé en commun à la plupart des dieux le besoin de se différencier des humains, de se donner de la hauteur par rapport à eux. Mais outre la puissance et leurs grandes scènes dramatiques traversant les époques, qu'avaient-ils de particulier? Ils… enfin, nous nous pensions et sentions au-dessus des mortels, mais beaucoup d'humains s'imaginaient uniques et supérieurs. Je l'avais observé plusieurs fois en zone neutre : une créature sans magie restait une créature, avec des instincts particuliers et une pensée distincte, mais un dieu était difficilement discernable d'un humain.

Je baissai les yeux sur mon verre pendant que Merwyn me sortait son petit discours de politicien sur comment il souhaitait rendre ce monde meilleur. S'attendait-il à ce que je prenne des notes pour mon émission?

-Je n'ai tout de même pas souhaité un monde sans leur retour, dis-je en ayant conscience qu'il pouvait me couler auprès de ses alliés divins s'il leur rapportait que je semblais vouloir leur nuire. Ils sont là, il faut vivre ensemble, bien sûr.

Je souris, je pris une gorgée. Nous étions sur la même longueur d'ondes pour faire tourner la conversation en rond sur ce sujet. Et apparemment celui de la curiosité aussi. Merwyn me joua, comme je venais de lui faire, le coup d'approuver mon avis comme s'il était d'abord le sien. C'était pratique d'être tous les deux innocents, bien intentionnés et ouverts. Nous nous entendions si bien, n'est-ce pas?

-Mais bien sûr. Les gens prudents se méfient quand on s'intéresse à eux de près, c'est normal. J'imagine d'ailleurs qu'en tant que figure de pouvoir, vous devez attirer nombre de curieux aux intentions floues. Je suis désolée si je vous ai inquiété, dis-je avec douceur. J'ai trop tendance à traiter les nouvelles personnes comme des invités de mon émission. Enfin, je ne me suis pas retrouvée à faire ce travail pour rien. J'aime découvrir les autres.

C'était ma vocation! Merwyn s'appuyait sur son rôle de maire, je choisissais donc de lui renvoyer que je faisais de même avec mon travail d'animatrice.
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MessageSujet: Re: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptyMar 7 Avr - 19:22

Les accès à des événements privées et des cadeaux aussi uniques que spectaculaires n’étaient effectivement pas quelque chose avec lequel il serait à l’aise. Evidemment, en laissant le champ libre à Millicent, il prenait aussi le risque de devoir répondre à une attention qui le « décevrait » peut-être, mais ce n’était pas pour lui jouer un mauvais tour. Une attention restait une attention. Et, à ce titre, même si Millicent décidait de l’inviter à une soirée mondaine où vombrissait la musique électronique sur le toit d’un building, il irait et essayerait même de s’amuser. Si c’était sa manière de lui faire plaisir, il l’accepterait et ne se montrait certainement pas désagréable avec quelqu’un qui pensait bien agir. Il était amusant qu’elle juge ce genre d’idées « banales » pour quelqu’un comme lui. Comment le serait-ce si ce n’était pas dans ses habitudes ? Et comment l’impressionner avec une chose qui n’était pas banale et qui ne tombait pas pour autant dans le spectaculaire ? La jeune femme risquait de se perdre dans son défi. Elle avait en partie analysé ce qui risquait de tomber à plat avec lui, mais elle risquait de se perdre dans le compliqué. Avec un sourire, il ajouta sur un ton qui sonnait presque comme une excuse :

– Le maire est un homme simple, vous savez.

Pour compliqué qu’il pouvait paraître aux autres, Merwyn ne se voyait pas comme une personne réellement difficile à comprendre. Il avait toujours célébré un art de vivre dans la plus grande simplicité et se réjouissait de tout ce qui constituait les plaisirs simples de l’existence, surtout lorsqu’ils pouvaient être partagés. Il vivait en ville par nécessité, mais ne s’était jamais senti à son aise dans ce monde moderne où tout le monde se rendait malade et se ruinait pour de l’inutile en perdant de vue l’essentiel. Il avait été heureux pendant près d’un siècle en vivant au rythme du soleil et des saisons et n’aspirait qu’à retrouver un jour cette tranquillité là, mais un jour où tout le monde pourrait en bénéficier avec lui et s’abandonner à une paix qu’ils avaient oubliée, vivre plus intensément en explorant la nature qu’en se retournant tous les soirs la tête dans des bars avec des amis qui seraient des inconnus dans quelques mois. Les dieux n’étaient pas responsables de cela, mais ils l’étaient, en revanche, de vouloir maintenir ce système-là et même de s’y complaire. Millicent avait tout à fait raison de souligner que les dieux ressemblaient aux humains. Ils étaient revenus, avaient découvert leurs nouveau style de vie, et avaient presque aussitôt trouvé amusant de l’adopter, pour l’essentiel en tout cas. Il était possible que leur candidat le plus montant, Lance Larian, alias Mars selon ses sources, ne partage pas exactement ce point de vue, même s’il se fichait comme les autres de l’existence des créatures et de rendre la magie publique. Il l’approuva avec une douceur pleine de sagesse :

– Ils donnent une certaine idée de ce que seraient les humains avec quelques millénaires d’existence et des pouvoirs presque sans limite, oui. Mais les humains les ont toujours vénérés comme des versions idéalisées d’eux-mêmes, après tout.

Merwyn avait tourné la suite de son discours de sorte à essayer d’obtenir des aveux de la part de Millicent, à lui permettre de s’exprimer si elle avait quelque chose sur le cœur, en lui donnant l’impression qu’il pouvait la comprendre. Mais, comme si la jeune femme avait vu le piège se refermer sur elle, elle raccommoda très vite l’ouverture qu’il avait laissée en affirmant qu’elle n’avait pas été jusqu’à souhaiter un monde sans leur retour. Il allait donc falloir employer une autre méthode. Merwyn hocha doucement la tête.

– Personnellement, je suis heureux de leur retour et je pense même que beaucoup l’attendaient. La fin du polythéisme a été douloureuse pour la magie. Mais vivons-nous à nouveau ensemble comme autrefois ? Les créatures qui furent proches de ces divinités me disent parfois se sentir abandonnées.

L’existence d’un certain nombre de créatures étant le fait d’une magie divine, à commencer par les faunes d’ailleurs, ils avaient été comme les enfants laissés sur terre au départ des dieux, obligés de vivre cachés, dans la honte, pendant près de deux millénaires. Il n’inventait pas de discours, ces propos étaient aussi ceux d’autres créatures qui vivaient dans l’incompréhension un retour d’être aussi puissants qui ne leur permettait toujours pas de se manifester comme l’avaient pu faire leurs très lointains ancêtres. Bien sûr, tout le monde comprenait que le monde avait changé, mais beaucoup comprenaient aussi qu’aucun dieu n’avait l’intention de leur accorder une considération particulière, sauf s’ils développaient assez de puissance pour leur être utiles.

Millicent voulait le « découvrir » mais elle n’était pas prête à se « découvrir » elle. Elle pouvait donc lui répéter par toutes les manières détournées possibles qu’il l’intriguait, cela ne changerait rien au fait que leur conversation n’avançait probablement pas dans le sens qu’elle attendait. Elle en finissait par s’excuser sans raison, et il lui semblait plutôt que ses excuses valaient pour elle-même. Elle était « désolée » d’avoir été maladroite dans son approche, de se retrouvée déroutée parce qu’elle avait probablement utilisé une méthode qui fonctionnait habituellement mais qui ne prenait pas avec lui parce que, effectivement, il avait l’habitude d’être la cible de curiosités, et le fait qu’elle soit une belle femme célèbres ne participait pas à son étonnement et à son envie de parler à tort et à travers pour lui prouver qu’il était aussi digne d’intérêt qu’elle le pensait. Il trouva cependant adorable sa manière de s’excuser et de faire des ronds de jambes pour se tirer d’un mauvais pas.

– Ai-je eu l’air inquiet ? plaisanta-t-il. Si je n’étais pas assis au comptoir d’un bar pour faire de nouvelles rencontres et permettre aux curieux d’approcher, je crois que je serais dans une contradiction assez problématique.

Elle lui donnait envie de parler, d’une certaine façon, même s’il ne le ferait qu’en fonction des éléments qu’elle lui permettait de développer. Alors, pour donner un minimum le change, il décida de s’expliquer un peu plus, même s’il n’allait pas faire de grandes révélations. Après tout, il avait déjà beaucoup dit à force de devoir répondre à des interviews et faire de beaux discours pour séduire le peuple. :

– Je ne viens pas d’une classe politique newyorkaise fermée sur elle-même, et je ne pense pas que mon statut de maire devrait me faire prendre de la hauteur, vis-à-vis du reste de la ville, bien au contraire. Mais, je ne vous apprends peut-être rien. Vous savez, l’un des principaux inconvénients d’être maire d’une aussi grande ville est que la plupart des journalistes font de vos petites confidences ordinaires des affaires publiques.

Il eut un rire léger. Il pouvait parler comme il l’aurait fait dans une vie ordinaire, n’importe qui se serait intéressé à lui, et c’était sans doute le cas de Millicent, penserait qu’il ne faisait que répéter un discours de campagne, même pour des aveux tous simples, des petites choses si simples à dire à la presse parce qu’on les disait si facilement dans toutes ses conversations. Il ne voulait pas donner l’impression à Millicent qu’il ânonnait des choses sans importance parce qu’elle l’ennuyait, parce qu’il ne la considérait pas plus que n’importe qui. En lui faisant comprendre qu’il était bien embarrassé par sa propre situation, et en ironisant sur leurs professions respectives, il espérait lui faire comprendre qu’elle n’avait pas de raison de s’inquiéter de sa démarche, car, là encore, c’était elle et non lui qui était inquiète.
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MessageSujet: Re: Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] Un dernier verre avant de rentrer [Terminé] EmptyDim 10 Mai - 19:22

Je confiais habituellement à un assistant ou à mon agent le soin d'impressionner une vedette à ma place. On me remerciait souvent pour des attentions dont je n'avais pas eu l'idée. Je me tenais au courant des cadeaux faits en mon nom, mais je n'avais pas le temps de courir de tous côtés pour m'investir dans ces détails qui me rendaient spéciale aux yeux de mon cercle social. Millicent l'avait compris toute seule avant notre fusion : le monde du showbusiness ne donnait pas dans le spectacle que pour le public. On bâtissait sa gloire en faisant tourner les illusions dans les coulisses. Je ne m'éloignais pas de cette psychologie en promettant au maire une attention spéciale. Passer par les conventions sociales, même en se permettant un peu de fantaisie, gardait la possibilité de facilement se rétracter avec une excuse qu'il était convenu de tous faire semblant de croire. Je prévoyais tout de même m'investir plus qu'à l'habitude.

Le poste de maire de M. Caerwyn ne m'impressionnait pas en tant que statut ou pour ce qu'il offrait en puissance. Plus que les possibilités qu'il amenait, c'était l'homme qui l'avait atteint qui m'intéressait. Avec autant de dieux en ville, détenir officiellement le pouvoir, même seulement quelques années, demandait une grande force psychologique ou une insouciance monumentale – et Merwyn Caerwyn ne faisait pas partie des innocents, j'en étais certaine. Ce qu'il dégageait était trop irréprochable pour n'être soutenu que par une bête gentillesse. En des siècles d'existence, j'avais vu passer des dirigeants de toutes sortes, j'avais rencontré de petits chefs comme des plus grands, j'avais fait partie de sociétés et de familles aux idéaux éloignés… J'avais appris à reconnaître les êtres d'exception. Je prenais plaisir à les découvrir, mais je les lâchais habituellement bien vite pour revenir à Raphael, Apple et d'autres amis plus faciles à intégrer dans ma vie.

Il disait être un homme simple. Je lui souris. On aimait les gens simples. Les vedettes modernes se décrivaient souvent de cette manière. Ni les projets d'envergure, ni les artifices, ni les villas luxueuses, ni les fans ne les rendaient différentes du citoyen moyen, disaient-elles. Certaines y croyaient, certaines empilaient simplement un mensonge de plus par-dessus les autres. Merwyn Caerwyn me jouait un numéro mille fois apprécié auparavant, mais je décelais un avertissement dans cette courte phrase. Ne pas trop en faire. Il avait l'habitude qu'on veuille l'impressionner, c'était probablement fatigant de devoir fournir des réactions pour tout le monde.

-Exactement, les humains se voient chez les dieux, et justement cela permet de plus facilement les accueillir parmi eux. Les dieux se sont mieux intégrés en un peu plus de dix ans que la plupart des créatures avec une éternité d'avance sur eux, parce qu'ils étaient plus faciles à accepter.

Il se disait heureux du retour des dieux, tout en leur trouvant rapidement des torts. Encore des paroles de politicien. Il m'invitait à me lancer sur une voie ou sur son inverse. Je doutais de l'intérêt réel qu'il portait à mon avis – je n'étais officiellement personne –, mais sa manière habile de tourner son discours me poussait à lui offrir autre chose que quelques mots pour avorter sa tentative de me laisse me couler moi-même en prenant un parti dangereux.

-Le retour des dieux a en effet ouvert des possibilités inattendues. Il reste à les saisir pour avantager tout le monde. Certaines bases ont été posées, mais il y a encore beaucoup à faire, en effet.

Je sous-entendais une critique sur l'inaction des dieux sans la formuler directement. Beaucoup considéraient les dieux comme un ensemble, une pensée unie qui évoluait dans plusieurs incarnations en même temps. Malgré les points communs, les dieux devaient être traités comme des individus si on voulait en tirer quoi que ce soit directement. Mais pour en faire un ennemi commun pour unir les mortels, nul besoin de les traiter autrement que comme une menace uniforme ou une puissance étrangère. Merwyn cachait peut-être des conclusions et des buts dans un sens ou dans l'autre et je ne voulais pas le décourager en affichant une préférence.

Il répondit en blaguant gentiment à mes excuses sur ma curiosité. Je fis mine d'être soulagée.

-Il est vrai qu'un bar n'est pas l'endroit le plus à l'abri des curieux, dis-je avec un court rire.

Il semblait tenir à me convaincre de sa simplicité et de ses bonnes intentions. Pensait-il que j'allais croire que son statut ne le mettait pas à part? Son image d'homme du peuple l'avantageait auprès de la population, mais Merwyn ne pouvait pas lui-même être convaincu d'être si ordinaire et en même temps diriger la ville sous le nez des dieux.

-Pour avoir besoin de se donner de la hauteur avec un statut, il faut d'abord douter de soi ou de sa vision. Ce n'est pas votre problème, en effet.

Sa mention des mauvaises habitudes des journalistes ressemblait à une menace, ou plutôt à un défi de faire mieux, de ne pas reprendre un comportement ordinaire. Peut-être s'attendait-il à ce que j'utilise chaque parcelle d'information obtenue ce soir pour me rendre intéressante à ma prochaine émission en mentionnant que j'avais discuté avec le maire. Je n'en avais non seulement pas besoin pour qu'on ait envie de m'écouter, mais je projetais les mauvaises conséquences de cette attitude. Une personnalité publique qui vous accordait son attention loin des caméras se vexait quand on rapportait ses paroles aux médias, même positivement. Même sans entente officielle, une discussion privée instaurait une confiance minimale qu'il valait mieux ne pas briser.

Mon téléphone vibra, mais je m'adressai à Merwyn avant de baisser les yeux pour voir qui m'appelait.

-Les journalistes sont tellement affamés de drames qu'ils en créent eux-mêmes.

Je m'excusai et pris rapidement l'appel de mon agent. Vu les circonstances, je n'aurais répondu à personne d'autre que lui, ma nounou et mon mari. Je raccrochai après moins d'une minute.

-C'était mon agent, dis-je sur un ton ennuyé. Je dois malheureusement vous quitter pour aller m'occuper d'une urgence. Vous parler a été un véritable plaisir, merci pour la discussion.

Je partis après l'avoir salué poliment, sans lui rappeler ma promesse de l'impressionner, mais avec un sourire chaleureux. Je profitai du trajet en taxi vers le studio pour réfléchir à mon prochain contact avec le maire.
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