âge •• 22 anspouvoirs •• immortalité (ne pas vieillir), animorphisme (se transformer en toutes sortes d'animaux), qualités •• intelligente, organisée, perfectionniste, sérieusedéfauts •• obsessive, contrôlante, a tendance à faire des crises, difficile d'approche, menteuse, timidehabitudes •• étudier, étudier, étudier... travailler le piano, étudier encore, se priver de manger, manger comme une dingue, vomirapparence •• longs cheveux blond doré, teint clair, yeux pairs (verts, dans le meilleur des cas), silhouette rachitique, pas particulièrement jolie, de grandeur moyenne_________________________________________
QUI ES-TU?
Courir. Courir comme si rien d’autre n’existait que la route, le sol dur, ses jambes, sa respiration profonde et saccadée. Courir comme si tout le reste disparaissait derrière elle, à chaque pas qu’elle faisait. Comme si les mètres avalaient tout ce qui lui faisait du mal.
Il lui manquait, aujourd’hui. Encore plus que les autres jours. Elle revoyait encore son sourire bienveillant lorsqu’il la regardait. Et c’était son anniversaire aujourd’hui. Où était-il ? Probablement en Allemagne. Que faisait-il et de quoi sa vie pouvait-elle avoir l’air ? Elle n’en avait aucune idée. Elle espérait seulement qu’il pensait encore à elle parfois. Elle avait bien compris qu’ils ne pourraient plus se revoir, des années plus tôt, en interceptant l’espèce de folie qui s’était emparée de ses yeux après avoir compris qui était vraiment la femme qu’il avait aimée. Avait-elle fini par disparaître, cette lueur inquiétante qui hantait encore certains de ses cauchemars ?
Nicky avait toujours aimé courir. Toute petite, quand elle était en colère, elle s’enfuyait le plus vite et le plus loin possibles. Cet exercice lui nettoyait l’esprit. Encore maintenant, elle devait courir régulièrement si elle voulait conserver une santé mentale de base. Quelques jours à s’en passer et elle sentait sa cage thoracique se comprimer. De plus, elle aimait se tenir en forme. L’exercice physique était sa drogue. Elle joggait, dansait, boxait…Elle n’était spécialement douée pour aucun sport en particulier, mais elle se donnait toujours à fond. Se faire mal ou s’épuiser ne lui faisaient pas peur du tout.
Elle tourna un coin sans remarquer où elle se dirigeait. Elle courait sans but, les yeux mi-clos, concentrée sur l’effet créé par l’activité. Il lui semblait que la boule dans sa gorge réduisait doucement, à chaque mètre de plus. Peut-être que courir à tous les jours, pendant des centaines d’années, finirait par l’effacer de sa mémoire.
La mère de Nichole était immortelle. Éternellement jeune, elle avait arrêté de vieillir bien des années avant de donner naissance à sa fille, laquelle avait hérité du don. Une personne de confiance avait testé la petite durant son enfance pour découvrir en elle le même pouvoir magique que sa mère : une vie sans vieillissement, sans fin déjà écrite. Nicky ne savait pas quand exactement son corps allait se fixer dans une forme qui serait à jamais la même, mais il lui arrivait fréquemment de se regarder dans le miroir, scrutant chaque détail de son visage à la recherche d’un signe. Elle n’aurait jamais de rides ou de cheveux gris. Sa silhouette serait toujours dressée vers le ciel. Ses yeux ne se décoloreraient pas avec le temps. Elle savait avoir maintenant, à quelques minimes détails près, le visage qui serait le sien pour toute sa vie. Il lui allait…Il n’était certes pas magnifique, loin d’être parfait, mais sa banalité lui évitait de trop attirer l’attention. Et Nicky se plaisait à se répéter qu’elle n’aimait pas être le centre de l’attention. Pour ce qui était de son corps, elle préférait ne pas y penser.
Le visage de Nichole Harvelle n’avait pas toujours été aussi ordinaire. Au début de son adolescence, il était facile à remarquer. Trop grand front, yeux cernés, regard terne et fuyant, dents croches, il avait été la cible de nombreuses remarques blessantes. Avec le temps et l’âge, il s’était amélioré pour devenir simplement conforme à la masse. Toutefois, pendant des années, on s’était moqué de la petite laide de la classe. On la parodiait en faisant les plus horribles grimaces, on lui trouvait des surnoms de monstres (comme Quasinicky, car on la disait aussi difforme que le Quasimodo de Victor Hugo, ou encore Nickyzilla…), on la bousculait dans les couloirs, on lançait des boulettes de papier dans ses cheveux... Les jeunes savent être créatifs quand il s’agit de rejeter une personne qui ne répond pas aux standards.
Tout ceci n’était maintenant qu’un lot de mauvais souvenirs. Ce genre de choses ne s’efface pas tout seul, mais Nicky connaissait ses forces et, si elle ne se trouvait ni séduisante ni même seulement jolie, elle s’accordait d’autres qualités et elle misait sur celles-là. Elle avait toujours fait de son mieux à l’école et le temps qu’elle mettait à étudier lui permettait généralement d’obtenir de très bons résultats scolaires. Elle voulait être médecin. L’idée de sauver des vies, pour toujours, lui plaisait énormément. Elle faisait d’ailleurs confiance à sa mère pour lui enseigner à la perfection comment changer d’identité pour cacher sa jeunesse sans fin.
Il lui semblait que l’air était plus lourd que quelques minutes plus tôt. Et plus pollué. Nicky continua à courir, sans ralentir, mais elle porta un peu plus attention au paysage autour d’elle. Maisons délabrées, rue fissurée, trottoirs sales…Grey. Elle se trouvait dans le quartier Grey. Sa mâchoire se serra et la jeune femme s’arrêta, se retourna et repartit dans la direction inverse. Aucune fille intelligente ne choisissait de se promener seule dans le quartier le plus dangereux de la ville, même en plein jour. En regardant bien autour d’elle, Nichole remarqua d’ailleurs qu’elle s’était tout de même enfoncé assez loin avant de se rendre compte d’où elle était. Elle accéléra.
Harvelle était un nom choisi par sa mère lorsqu’elles avaient toutes deux déménagé en Angleterre, alors que Nicky avait dix ans. À l’époque, la jeune fille n’avait pas tout compris, mais elle savait maintenant que sa mère n’avait pas eu d’autre choix. Son mari avait découvert quel emploi elle exerçait et il avait paniqué en réalisant à quel point sa femme mettait sa famille en danger. De plus, à ses yeux, une espionne pouvait, sur un coup tête ou à cause d’une mission, lui enlever sa fille et disparaître à jamais. Il avait donc décidé de prendre de l’avance sur son épouse et avait embarqué Nichole pour la traîner dans un village perdu en Pologne. Naïf… Son épouse les avaient facilement retrouvé et, le cœur brisé, consciente que son mari allait certainement récidiver dès qu’il en aurait l’occasion, elle avait dû partir avec sa fille et recommencer une nouvelle vie, loin de lui.
Nicky n’avait plus jamais revu son père après ce jour-là. La dernière image qu’elle avait de lui était celle d’un homme pathétiquement allongé sur le sol après qu’une espionne avec des années d’expérience l’ait assommé pour lui reprendre sa fille et partir sans être retrouvée. Quelques jours plus tard, mère et fille s’étaient rendues en Angleterre sous de nouvelles identités. Nicky savait déjà parler l’anglais, mais son accent allemand était assez facilement perceptible. Avec le temps, il a complètement disparu pour céder la place à un anglais purement britannique.
Du coin de l’œil, Nicky vit un type. Plutôt grand, un air neutre plaqué au visage, il avançait d’un pas décidé vers elle. Il semblait très en forme, et ses grandes jambes lui permettaient de gagner du terrain sans faire autant d’efforts que la jeune femme assez épuisée qui s’était aventurée en territoire ennemi.
Nichole aimait New York pour son énergie et les possibilités qu’elle offrait. Ici, elle n’était plus Quasinicky, ou encore la fille qui n’avait plus de père. Elle était adulte et elle n’avait pas besoin de traîner un passé et de le justifier à tout le monde. En Angleterre, elle avait dû expliquer à ses rares amis où était passé son père –elle le faisait passer pour mort – quand ils venaient chez elle assez souvent pour remarquer son absence. Maintenant, à 22 ans, personne ne s’inquiétait du sort de ses parents ou de sa laideur de jeunesse. Elle n’existait qu’au présent pour ceux qu’elle rencontrait et c’était parfait ainsi. Elle restait la timide Nicky, la studieuse, celle qui a de bonnes notes et qui ne sort que de temps en temps pour décompresser quand les examens sont passés.
De son passé, il lui restait tout de même sa mère. Nichole l’aimait énormément et elle l’admirait. Elle était toutefois plutôt secrète avec elle, lui cachant ses faiblesses et, surtout, ses sentiments à l’égard de ce père dont elle avait été privée. Il lui arrivait parfois de s’imaginer ce qu’aurait été sa vie si sa mère avait eu un emploi normal, mais elle ne lui en voulait pas directement. Elle était fière de ce que sa mère avait accompli dans sa vie et c’était sans hésitation qu’elle l’avait suivie à New York. Depuis, elle étudiait et travaillait fort pour se montrer à la hauteur du sacrifice qu’elle n’avait pas compris à l’époque : sa mère avait choisi de partir avec elle, faisant une croix sur un homme qu’elle aimait profondément, dans le but de la protéger de ce que la peur avait fait de cet homme.
Le grand type entra dans la ruelle où il avait vu la fille tourner précipitamment quand il s’était mis à courir. Il fut étonné de ne pas l’y voir, car il s’agissait d’un cul-de-sac et aucune cachette ne lui semblait accessible. Sa surprise augmenta de manière exponentielle lorsqu’il découvrit, sur le sol, des vêtements abandonnés qui semblaient identiques à ceux de la jeune femme qu’il avait poursuivie. En les touchant, il constata qu’ils étaient encore chauds.
Le cri d’une corneille aussi noire que la nuit le fit sursauter. Comment une fille – vraisemblablement nue – pouvait-elle avoir ainsi disparu dans une ruelle sans issue? Le truand inspecta les lieux du regard encore une fois avant de laisser tomber les vêtements et rebrousser chemin.
Au loin, le cri de la corneille résonna encore. Après courir, voler était certainement ce que Nicky préférait faire.