ESPRIT RENARD

QUE PEUT-ON DIRE DE TOI ?

Que je suis bien un Kitsune.
Ça ne répond pas à la question ?
Justement !

La première chose que l’on peut dire de moi est donc que je suis amoral. En effet, je ne partage pas la morale humaine et agis comme je l’entends, ce qui peut varier fonction du temps ; aussi bien dimensionnel que météorologique. Pour certains, je suis bienveillant. Pour d’autres, je suis malveillant. Pour moi, je suis égal à moi-même. Vous jugerez par vous-même quand on se croisera.
La seconde chose que l’on peut dire de moi, c’est que je suis espiègle, malicieux, farceur, etc. Après, c’est surtout sur les défauts des gens que j’aime les embêter. J’admets, parfois j’ai humilié des humains… mais c’était pas prémédité. Même dans le cas de possessions.
C’est un gros morceau mais je vais tacher de faire court : si je suis pas trop sexiste et que je fais vivre des mésaventures à des humains des deux sexes, je possède quasi-exclusivement des femmes. On peut donc dire de moi que je suis pervers sachant que, une fois installé, je fais comme chez moi : séducteur pour le meilleur et le pire, fêtard avec un fort penchant pour l’ivresse… certains hôtes n’ont pas forcément apprécié. Mais le ridicule ne tue pas, la preuve je suis toujours vivant !

Cela étant, évidemment que tout n’est pas "négatif" dans ce qu’on dit de moi.
Je suis incontestablement intelligent ; je mérite donc mon titre de yōkai, dans le sens que je dispose d’un excellent état de connaissance et d’une belle lumière au plafond. J’admets sans problème cependant que ma sagesse est inférieure à celle des membres plus âgés de mon peuple, quoi que je me considère tout de même assez sage ; au sens intellectuel.
Ces deux particularités se combinent avec deux autres : ma fidélité et ma loyauté. Il m’arrive de m’attacher à des gens et de les aider sincèrement, même s’ils ne sont pas toujours contents de la manière dont cela est fait. Je tiens toujours parole et honore mes promesses, quoiqu’étant un peu mauvais payeur par incompréhension de la valeur attribuée par les humains aux choses.
Enfin, si l’on peut considérer mon aspect séducteur comme un défaut, je le considère également comme une qualité lorsque je ne l’utilise pas pour des farces. Car il s’accompagne de romantisme, pouvant être d’une grande pureté… quand il n’est pas pervers.

En conclusion, on peut dire de moi que je suis bien un Kitsune.
Cela étant, je ne suis pas un monstre de malveillance même si je suis très farceur et n’ai parfois pas la bonne notion d’où s’arrêter.
Après, je reste un serviteur d’Inari. Cependant, comme il a disparu, je suis disponible sur le marché de l’emploi !

QUI ES-TU ?

Moi qui voulait brancher en boite, je risque de finir branché devant. Ce n’est pas ma première ivresse sur la voie publique, la faute au videur qui m’y a expédié, mais c’est mon premier policier avec taser. On l’appellera Ken, ça va à tout le monde et je lui survivrai. Reste à savoir si c’est plus approprié pour le mec ou son arme. Qu’importe : n’étant ni agressif ni noir, je devrais bien m’en sortir. Surtout que nous sommes encore à deux heures du couvre-feu de trois donc ça m’en laisse au moins une d’avance, si mes calculs sont bons. Evidemment, je peux gagner une chambre à l’hôtel de police malgré tout, puisqu’après ledit tout la loi interdit d’agir contre un officier de police. Est-ce qu’une rap battle compte ?

Je prends une grande inspiration histoire de me redresser et m’abstiens de toute parole. L’officier a une main tendue vers moi et l’autre sur la crosse de son arme de poing ainsi, étant un habitué des tours de magie, je ne regarde pas là où il montre. C’est ce petit détail qui me permet d’en voir un autre et mon instinct de survie se rappel à mon bon souvenir : ce n’est pas un pistolet électrique, c’est un pistolet magique. Je n’ai déjà pas envie de me faire électriser, plus de crainte que cela ne grille ma couverture dans les deux sens du terme que parce que je ne suis pas curieux de la sensation, alors me faire ainsi paralyser… remarquez, il y a moins de risque que je parte en vrille si je ne peux plus bouger. Cependant, le risque n’en vaut pas la chandelle donc je ne vais pas jouer avec le feu.

Je lève donc les mains en espérant qu’elles ne finissent pas dans des bracelets qui me forceraient à rester sur place jusqu’à la fin de la gueule de bois. Pas que je n’ai pas l’habitude d’avoir mal au pelage mais j’ai parfois mieux à faire que de profiter d’un inconfort bien mérité. Chose qui vaut pour la nuit en dégrisement, d’ailleurs. L’une des motivations pour la dizaine d’années de voyage qui m’a mené du Japon jusqu’à New York City était d’éviter l’inconfort de la reconstruction du monde ; ainsi n’ai-je guère d’intérêt à connaitre celui du monde d’avant. Surtout que j’ai eu mon lot, le confort humain n’étant arrivé que récemment et n’ayant pas duré aussi longtemps que mon existence.

La discussion commence alors à se faire, moins pour prouver que je ne suis pas bourré que pour le faire du fait que je reste capable de rentrer chez "moi" malgré tout. Dire qu’il m’a été donné de vivre des situations plus tendues qu’un officier de police craignant que mon alcoolémie ne me fasse faire des conneries est un euphémisme. Cela étant, il faut reconnaitre que j’étais sobre pour la plupart d’entre elles. L’ivresse m’a néanmoins manqué depuis la Brèche, les destructions qu’elle a entrainées ayant rendu les occasions de festivités alcoolisées plus rares. Cela étant, ce n’est qu’en 2011 que je me suis réellement décidé à abandonner ma terre natale en quête d’horizon moins en chantier.

"En chantier, je m’appelle Teuse" est peut-être une présentation que je n’aurais pas dû faire lorsque l’officier s’est présenté d’ailleurs. Je ne suis ni sure qu’il ait compris ni que ça soit drôle, qu’il n’ait pas compris comme la blague en elle-même, mais je m’amuse très bien tout seul et ça ne m’aide pas. Tant que cela n’énerve pas, ça me va. Sinon viennent les complications. J’ai déjà eu mon lot de celles-ci pour arriver ici. Difficile d’être dupe quand aux raisons poussant les démons à répandre les rumeurs concernant New York City et le fait qu’ils pouvaient y offrir passage, reste que je n’ai pas envie d’être mené par le bout du nez par une créature que je ne peux pas piffrer. C’est donc avec l’immigration humaine que j’ai tenté ma chance, ayant le choix entre prendre un grand bateau porte-conteneur passant par le sud, faisant escale à ce qui fut autrefois Taïwan, les Philippines et Hawaï dans sa route vers la côte ouest des Etats-Unis, et un autre passant par le nord, via la Russie et le détroit de Béring direction l’Alaska et le Canada. Entre avoir le choix de risquer de mourir noyer au chaud ou au froid, j’ai pris la solution la plus confortable et ai toujours visé les proches des capitaines ou de membres d’équipage pour rentabiliser au mieux.

La banquette est étonnamment confortable une fois avachit dedans. Cependant, les barreaux qui séparent des sièges avant le sont encore plus, la fraicheur faisant du bien. Considérant les conditions de transport maritime dans les conteneurs aménagés et les quartiers d’équipage surchargés, la voiture de police s’en sort très bien. Peut-être mieux que moi, même si cette arrestation ne saurait remonter jusqu’à Akira Tokinosu. Les possessions pour venir jusqu’aux Amériques étaient généralement plus dures que celles des newyorkaises, l’instinct de survie et la méfiance étant à l’ordre du jour de tous les compagnons de voyage avec qui j’ai séjourné. Compréhensible lorsqu’on a survécu à la fin du monde et que l’on doit traverser celui-ci dans l’espoir d’un avenir meilleur qui sera probablement broyé par ceux qui en profite déjà dans une négligence aussi innocente qu’indifférente. Je n’ai pas grande foi en l’être humain, ne comprenant rien à la noblesse qu’il se trouve, si ce n’est de la vanité. Après, je n’ai jamais rien compris à la noblesse, chose problématique pour un serviteur d’Inari. Plus que n’avoir été le seul, je pense que mon efficacité compensait. Je crains fort qu’elle m’ait permis de survivre à mon maître, tout comme je l’ai fait à un trop grand nombre des miens.

Mon silence semble laisser à penser que j’ai perdu conscience, chose à quoi je réponds à mon chauffeur que j’ai perdu autre chose. Je n’ai pas l’intention d’en parler plus. Tout le monde de plus de treize ans a perdu quelque chose. Certains ont même tout perdu. C’est toujours comme cela que ça finit alors à quoi bon construire quelque chose ? Il faut que je fasse attention sinon je vais avoir l’alcool triste. Comme tout le monde, je ne bois pas pour trouver des solutions mais je ne crache pas sur oublier les problèmes non plus. Mon hôte du soir était déjà chargée lorsque nous nous sommes croisés et j’ai doublé la mise après l’avoir mise sur elle, la mise toujours. Le calcul doit être aussi performant que mon précédent. Qu’importe, elle n’allait se souvenir de rien de toute façon. Parfois, je l’envie. Souvent, je la rejoins.

Je ne suis pas vraiment intéressé par discuter avec les policiers. Je les remercierai bien pour l’économie du taxi mais ça risque de mal être pris alors je me tais. Je me laisse porter jusqu’à la terre, conscient par expérience qu’il ne s’agit-là que de la partie la plus courte et la moins difficile, toute déplaisante qu’elle puisse être. Pour les humains, traverser les Etats-Unis pour essayer d’émigrer à New York City ne doit guère moins problématique. Pour ma part, j’ai évité bien des problèmes en le faisant sous forme animale. Cela m’a pris des années, mon sens de l’orientation n’étant pas aussi fiable que celui d’un pigeon et le contournement d’obstacles tels des déserts ayant pas mal rallongé le tout. Finalement, j’ai bénéficié de l’accueil de tout immigrant à la ville lumière : ses ombres et la misère de l’autre côté d’un mur que même un être surnaturel comme moi ne pouvait franchir.

Ce souffle occidental me fait sourire alors que je me redresse pour contempler les éclairages et les buildings de la première ville mondiale. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, à travers l’histoire ce sont toujours des populations similaires qui ont eu chaque rôle. Certaines ont pris le pouvoir et d’autres l’ont perdu, mes souvenirs de Shiroyama étant vivace malgré les ans, tandis que les derniers ne l’ont jamais vraiment eu. Je ne comprends pas que l’on puisse parler de méchant ou de gentil dans ces histoires, ou dans l’Histoire, car nous n’agissons tous qu’envers ce qui nous intéresse. Je préfère faire parti des créatures qui l’assume, j’ai suffisamment d’autres points pour être hypocrite afin de m’épargner celui-ci.

Sourire toujours présent sur les lèvres, c’est le dos au mur que je retrouve la position assise. L’endroit est bien moins entretenu que le précédent mais cela ne me gêne pas le moins du monde. Pour tout dire, j’hésite même à laisser ma marque. Dommage, personne n’est en état de me tenir les cheveux. Si j’avais présenté cela sur mon dossier lorsque j’ai découvert qu’il y avait des facilités d’immigration pour les créatures magiques, je ne serais probablement jamais entré au sein de New York City. J’avais d’autres arguments cependant, au premier rang desquels ma condition de serviteur. Sans Inari, je n’ai plus de maitre. Sans Inari, je cherche un nouveau maitre. Avec des capacités et une expérience comme les miennes, ce n’est qu’une question de temps avant que je ne trouve preneur et ce sera surement quelqu’un d’influent. Les services d’immigration de "créatures" m’ont déjà ouvert les adresses de plusieurs de mes "homologues" afin de trouver employeur.

DEVANT L'ECRAN