Les Dieux de New York
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S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ]

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Lance M. LarianLance M. Larian


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S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] Vide
MessageSujet: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyVen 13 Sep - 18:01

– Tu as lu le dossier que je t'ai donné pour le débat télévisé de demain ?
La douce voix de Bellone traverse l'ouverture de ma porte. Je suspens ma main armée d'une fléchette dans l'air. Mes yeux passent de la belle cible que j'ai accrochée au mur (elle est géniale, elle fait des petites lumières bleues quand je la touche et me crie de sa voie monocorde de machine que je suis un winner) au dernier dossier de la pile qui menace de glisser de mon bureau.
– C'était lequel déjà ?
– Les plans économiques de ta campagne.
– On en a déjà parlé, je vais improviser, comme un dieu, tu sais bien.
– C'est ça.
Je lance la fléchette, en plein dans le mile. La cible clignote en déclenchant une petite musique aigre tapageuse et en chantonnant « You are the best ! »
– Je sais Martha, merci Martha.
Je m'ennuie. Je cherche une autre fléchette dans mon tiroir, mais elles sont toutes plantées dans la cible ou à terre. J'attrape le dossier, je feuillette trois pages en soupirant. Je compte moins de dix secondes pour avoir mal à la tête. Ceci n'est guère distrayant. Pour faire le malin devant les médias, il est important de sortir des chiffres. En tout cas, c'est ce qu'on prétend. Je crois connaître l'essentiel et je n'ai jamais estimé que les encyclopédies sur pattes faisaient de bons orateurs. Faire l'intelligent n'a jamais rendu personne proche des gens. En fait, les gens pensent surtout que vous êtes intelligent parce qu'ils ne comprennent rien de ce que vous racontez sur un air profond de personne qui connaît tous les mystères de la vie. Mais vous savez, personne n'aime ces gens. Et si je me retrouve confronté à l'un d'eux, je sais que je n'en ferai qu'une bouchée, car tout le monde n'attend que de les voir ridiculiser. Je ne suis pas là pour faire en sorte que les gens se sentent minables à côté de moi, je suis là pour être leur vengeur, l'esprit habile qui triomphera des escrocs qui ont un logiciel informatique à la place d'un cerveau aguerri par des millénaires d'expérience pratique. Je suis venu pour la guerre, pas pour la paperasse. Et, de toute façon, je connais mon programme, il est essentiellement de moi. Je ne vois pas de ce que Bellone veut que je fasse… Je regarde le chiffre au bas de la dernière page. 40. 40 pages. Je suis sûr qu'elle ne les a pas plus lues que moi, cette gourgandine. Je vais en avoir pour la journée. Et je n'ai pas que ça à faire. Je dois… J'hésite entre battre mon record au casse-brique ou faire un footing. Non, je plaisante, j'ai mieux. En retournant le bazar de mon tiroir, j'extirpe triomphalement un revolver pour jeu vidéo. Je n'ai pas compris tout de suite l'intérêt des jeux vidéo, mais, après une année dans ce monde où on ne peut plus défier personne dans un combat mortel et loyal à l'épée, surtout quand on doit tenir une image politique saine, c'est une activité tristement indispensable. Mon nouveau stagiaire pousse justement la porte. Je le pointe avec le viseur.

– Plus un geste, Jimbo ! Tu es à ma merci ! Je parie un cheesburger que c'est Crystal qui t'envoie. Et comme j'ai gagné, tu me dois un cheesburger.

J'avais bien compris au « c'est ça » de Bellone qu'elle allait contre-attaquer avec le technique spéciale « délégation du travail ». Elle avait donc demandé au nouveau de récupérer le dossier. C'était elle qui l'avait choisi d'ailleurs, sous le prétexte que mes critères de sélection concernant les assistants laissaient à désirer. La plupart étaient de faibles esprits qui me mangeaient dans la main et angoissaient dès que je prenais un ton autoritaire. Je les trouvais très distrayants mais il était vrai que je devais souvent repasser derrière leur travail en leur expliquant avec un ton paternaliste pourquoi ils étaient stupides et comment, grâce à moi, ils étaient heureusement sur la voie du progrès. Peut-être que Bellone en avait assez de me voir traumatiser des petits jeunes, mais ils constituaient 60 % de mon loisir ici. Et, sans ce loisir, je n'étais qu'un pauvre hère sans but. En effet, Jim avait deux défauts, que l'autre folle envisageait comme des qualités : il ne devenait pas tout suintant dès que je le chambrais, et je n'avais pas à repasser sur son travail la plupart du temps. Quand je lui tendais un dossier comme c'était présentement le cas en lui disant :

– Tu peux me réduire cette chose venue du tréfonds des enfers en une seule page, en privilégiant les informations pointues qui feront polémique.

Je sais qu'il le fera et qu'il ne reviendra pas, comme les autres en général, avec 10 pages en me disant qu'il n'avait pas pu faire plus court tant il y avait de choses soi disant essentielles dans ce fatras indigeste d'informations. Ce qui signifiait que, si je voulais critiquer ses choix, je devais moi-même me taper les 40 pages, ce qui n'avait rien de très amusant. En plus, je n'étais même pas sûr d'avoir un cheesburger, malgré ma victoire indéniable à mon pari.

– Tu as une heure. – Je souris. Je suis très sérieux. – Après, je t'attends sur le ring pour jouer à Mortal Kombat dans à la cafétaria. Et je te préviens, Johnny Cage est à moi !

Car oui, j'avais fait installer un grand écran avec des consoles dans la cafétéria de mon étage. Je ne pouvais pas m'amuser avec Jim tant qu'il restait dans son rôle de stagiaire parfait, donc, il était de mon devoir, pour mon propre bien au travail, de trouver une parade.


Dernière édition par Lance M. Larian le Sam 4 Jan - 19:37, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyDim 3 Nov - 17:49

Jim avait compris depuis son enfance que contourner les règles offrait beaucoup plus de chances de réussite que leur résister de front. Il lui avait tout de même fallu des années avant de maîtriser les bonnes techniques et développer la confiance nécessaire pour s'opposer à ses parents sur les sujets importants. Il était parvenu à les convaincre de le laisser vivre seul plus d'un an plus tôt et plus récemment en brisant calmement leur opposition à une carrière hors du milieu des affaires. Son père lui offrait toujours la résistance la plus rude, mais sa mère lui faisait longuement payer chaque victoire. Tous deux étaient très attachés à leurs idéaux, mais M. Crowley acceptait plus facilement un changement de plan bien justifié, tant qu'il restait mineur. Jim livrait petite bataille après petite bataille en laissant croire qu'il n'y avait pas de guerre réelle. Mais il avait de plus en plus de mal à poursuivre les buts de sa famille. Le monde avait plus à offrir que des négociations budgétaires et des soirées mondaines où tout le monde se hait avec le sourire.

Officiellement, les études en politique étaient un ajout à son programme scolaire centré sur les affaires. Une éducation diversifiée était difficile à refuser de la part de ses parents. Il aurait ensuite amplement le temps de subtilement orienter sa carrière plutôt vers ce domaine que vers celui des affaires. Il souhaitait avant tout s'offrir une voie plus stimulante, mais s'éloigner de ses parents et de leur entreprise le motivait aussi. Était-ce de l'ingratitude de vouloir avoir sa propre vie? Il ne voulait ni les blesser ni leur faire honte, et il agissait lentement en s'assurant qu'ils approuvaient chacun de ses choix, mais il avait besoin d'autre chose que ce qu'ils lui promettaient et imposaient depuis son enfance.

Parmi les meilleurs étudiants de son programme, Jim n'avait pas eu de mal à décrocher des entretiens pour des stages. On l'avait d'ailleurs sélectionné pour un poste à la mairie. Il l'avait caché à ses parents, car l'offre pour le parti politique de Lance Larian l'intéressait davantage. Merwyn Caerwyn était l'une des rares célébrités non divines en politique. De tous les partis, il était le bon choix pour une créature qui désirait bâtir un réseau solide dans ce domaine. Mais pour une fois, Jim n'avait pas envie de prendre la décision évidente. Il voulait de vrais défis.

M. Crowley avait récolté des informations sur plusieurs dieux et les avait partagées avec son fils. Lance Larian était le dieu romain Mars. Il n'utilisait pas de dispositif pour cacher son identité aux autres êtres magiques, ce qui avait fait conclure à M. Crowley qu'il faisait partie des dieux les moins subtils et les plus inconscients. Jim pensait plutôt qu'un dieu de la guerre ne fonctionnait pas sur un système de peur et de protection comme le faisaient la majorité des felidae. Il ne craignait certainement pas les affrontements.

Jim avait temporairement laissé tomber l'entreprise de ses parents pour se concentrer sur son stage en parallèle de ses études. Après maintenant trois semaines à travailler pour Larian, il s'était familiarisé avec ses nouveaux collègues, mais aussi avec un patron plus coloré que prévu. Mars agissait le plus souvent en grand enfant, mais Jim ne se faisait pas d'illusions : le chef du parti montrait une vivacité d'esprit redoutable.

Jim passa la porte entrouverte du bureau de son patron pour aller chercher un dossier à revoir et réécrire – il en avait déjà fait quelques-uns et s'en sortait plutôt bien – sans frapper. Se retrouvant menacé d'un pistolet de jeu vidéo, il s'immobilisa avec amusement et leva les mains.

-Pari gagné ou non, je suis sous la menace. Je n'ai pas le choix d'accepter les conditions.

Il lui avait demandé trois fois de laisser tomber le surnom Jimbo, mais c'était peine perdue. Comme avec Frederik. Certains combats ne valaient pas la peine d'être menés. Melany s'était bien moquée de lui quand il le lui avait raconté et elle utilisait maintenant elle aussi ce surnom pour l'ennuyer. Ce qui fonctionnait.

Quarante pages en une page, la tâche semblait impossible, mais c'était sans compter deux aspects : la transformation de l'information en schémas et listes et l'utilisation fourbe du recto-verso.

-En supposant que j'arrive à lire une page par minute, ça me laisse vingt minutes pour me déplacer, accomplir le travail, l'imprimer et le faire approuver par Mme Wise. C'est une demande malhonnête, dit-il avec un petit sourire.

En prenant le dossier, il ajouta :

-Il me faut du temps aussi pour aller chercher le cheeseburger. À plus tard, M. Larian.

***

En un peu moins de trois heures, Jim fut de retour auprès de son patron avec un cheeseburger et une seule feuille pour remplacer l'épais dossier qui lui avait été confié.

-Est-ce que ma prochaine tâche est réellement une partie de Mortal Kombat?
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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyVen 29 Nov - 13:24

En trois semaines, j'ai eu du progrès avec Jimbo, de réelles améliorations. Puisque son travail est tristement correct, je me suis penché sur son intégration sociale, chose que je n'ai jamais eu le temps de faire avec les précédents stagiaires. Impossible d'instaurer un genre de complicité avec une personne qu'il fallait corriger tous les jours et dont le travail n'avait de cesse de vous décevoir. Ils arrivaient dans mon bureau en tremblant, et repartaient en tremblant. Il m'est arrivé de faire couler quelques larmes, bien involontairement. Mais je ne suis pas un monstre, face à ces situations extrêmes, j'essaye toujours de faire un geste bienveillant en offrant un donut ou un chocolat chaud en compensation, et de bien expliquer que mon but n'a jamais été d'être méchant. Cependant, les stagiaires revenaient toujours en tremblant. Ils voulaient me faire passer pour un tortionnaire quand j'essayais juste de les faire progresser. Était-ce ma faute si les universités offraient des diplômes à n'importe qui pour des raisons de quota ? J'étais bien obligé de compléter leur formation, et, afin de ne pas leur faire perdre trop de temps, de leur signifier que le fait qu'ils puissent travailler chez moi était certainement dû à un trop grand laxisme de l'enseignement moderne qui valorisait la connaissance avant la compétence, qu'ils ne seraient sans doute jamais bon à rien dans ce genre de poste et devaient sérieusement envisager une reconversion dans une voie moins exigeante mais tout aussi stimulante, comme la plomberie. Il n'y avait rien de tragique à être ouvrier, le véritable drame, c'était de faire perdre son temps aux autres et de passer sa vie à briller par son inutilité en touchant un salaire non-mérité. Je n'appelais pas ça une attitude responsable de leur part.

Jim, comme je le disais, n'avait pas l'occasion d'être déstabilisé par mes reproches. Il avait une certaine confiance en ses capacités, un ego à l'évidence plus élevé que la moyenne, et, malgré mes tentatives, je n'avais pas réussi à le faire douter. Au contraire, il n'hésitait pas à contester mes ordres s'il les trouvait irréalistes, chose qui n'était pas acceptable dans les codes du travail. La plupart des patrons avaient des exigences exagérées. Le rôle de l'employé était de hocher la tête et de s'angoisser pour respecter au mieux les objectifs, puis de s'excuser de ne pas avoir pu terminer à temps et expliquer, à ce moment seulement, que la tâche demanderait peut-être quelques jours supplémentaires. Bien sûr, j'avais tendance à augmenter considérablement la difficulté en donnant des délais délirants. Et alors ? C'était la règle communément acceptée. Aucun stagiaire n'aurait dû revenir dessus. Mais Jim se le permettait, et, s'il le faisait avec un autre patron, il aurait pu se faire sévèrement remonter. Je le lui avais déjà exprimé pour lui signifier à quel point il avait de la chance d'avoir un tuteur comme moi, qui valorisait la réflexion indépendante plutôt que l'exécution irréfléchie, tout en précisant que je pouvais changer d'avis à tout moment.

A son entrée, il ne se laissa pas surprendre par mon arme menaçante et joua assez rapidement le jeu imprévu en levant les mains. Pas de protestation au sujet de son surnom cette fois. Je lui avais bien assez expliqué qu'il n'était pas autorisé à discuter les décisions de son supérieur, qui l'appelait comme il l'estimait pertinent. Jimbo était-il plus pertinent que Jim ? Sans doute. Ce n'était pas discutable, il n'avait pas mon expérience ni mon poste, il comprendrait un jour, s'il y avait quelque chose à comprendre. Oui, le petit stagiaire résistait un peu plus que les autres, mais il restait amusant de le contrarier et de voir, peu à peu, l'évolution de son comportement pour trouver une solution. J'étais l'ennemi, il devait trouver un moyen de me contourner. La soumission simple ne fonctionnait pas. La contestation ne fonctionnait pas. J'étais curieux, de manière cruelle, certainement, de sa capacité à trouver des parades pour sauver sa fierté. Et, quoiqu'en disent de fâcheux bien-pensants, il s'agissait d'une partie essentielle de la formation. La guerre n'avait pas disparue, on faisait la guerre tous les jours, mais sous d'autres apparences. Il fallait apprendre à faire face, il fallait être stratège et mener à son tour la guerre. Et Jim avait décidé de mener le combat en me contestant calmement et en osant dire, après une petite démonstration mathématique que j'étais un individu malhonnête. Je ricane légèrement.

– Attention, Jimbo. Je te propose de travailler 1h, tu demandes à faire 3h. Je ménage ton temps de travail, je t'accordes même du temps de loisir et d'improductivité, et tu demandes à en faire plus. Et je serais, moi, malhonnête ?

Je lève les sourcils d'un air consterné. Il n'y a pas de piège. Il n'y a aucun piège. Si je donne 1h, c'est que j'attends un travail d'1h. Jim aurait pu revenir avec un travail bâclé en me disant qu'il ne pouvait mieux faire en si peu de temps, mais il craignait sans doute que je l'accuse d'être mauvais. Mais, d'un autre côté, peut-être avais-je besoin de lui pour des sujets plus importants, peut-être avais-je réellement calculé et décidé qu'un travail d'1h me conviendrait. Qu'en savait-il ? Ce stagiaire était un sujet étrange, posé entre deux profils. D'un côté, il gardait la volonté du travail bien fait du lèche-botte qui pensait briller en étant perçu toute sa carrière comme un brave exécutant. De l'autre, il cherchait à se rebeller, à prendre un statut de petit chef, sans le je m'en foutisme habituel que l'on pouvait attendre d'un esprit indépendant. Ceux-là m'auraient vraiment rendu un travail bâclé en 1h en me disant avec un grand sourire hypocrite que c'était terminé. Ceux-là, par ailleurs, avaient tendance à garder un beau sourire et à claquer la porte très vite sans revenir. Il n'y avait pas de place pour plusieurs chefs. J'étais le chef. En plus, il acceptait de me faire plaisir avec un cheeseburger ! N'était-ce pas merveilleux ? Curieux, mais merveilleux. C'était un cas intéressant, tellement contradictoire qu'il y avait certainement quelque chose d'amusant à en tirer.

**

Il revint, comme promis, selon le temps de travail qu'il s'était fixé, à quelques minutes près. J'en étais vaguement ennuyé car il m'avait fallu trouver comment occuper deux heures de temps libre imprévues. En trois heures, j'avais reçu plusieurs personnes, ce qui avait impliqué l'ouverture de quelques bouteilles. Jim pose la feuille sur mon bureau avec le cheeseburger et me demande très sérieusement si nous allons vraiment jouer à Mortal Kombat.

– Tout dépend, as-tu toujours envie d'y jouer ? Ou as-tu un autre jeu à proposer ?

J'attrape le cheeseburger et l'ouvre, puis je le tends à Jim.

– Tu as faim, non ? Les mâles chassent pour leurs petits ou leurs femelles. Sauf erreur, je ne pense pas être l'un des deux.

C'était bien gentil à Jim de vouloir se plier à mes caprices du moment, mais ce n'était pas la réponse exacte au genre de problème social que je lui avais posé. D'un point de vue social, manger seul devant lui me rendrait impoli. En réalité, j'aurais surtout l'image moi-même d'un être faible en acceptant sa nourriture et en mangeant seul devant lui. Même si, dans les lois humaines, je serais le profiteur, et lui l'exploité. Or, ce n'était pas bon pour lui d'avoir l'air d'un exploité. En bref, cette situation n'était bonne pour aucun d'entre nous. Il aurait fallu apporter deux cheeseburger, un pour lui, un pour moi, pour créer une vraie relation virile et égale.
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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyLun 20 Jan - 19:49

Les parents de Jim réussissaient. Leurs carrières respectives, leur réputation et leur intégration sociale suscitaient envie et respect, autant auprès des felidae que dans la société officiellement humaine. Jim ne pouvait leur reprocher de souhaiter pour lui une existence lancée dans la même direction, même s’ils étaient étouffants et qu’ils manquaient d’ouverture. Il était parvenu à les convaincre de le laisser toucher à la politique, mais il avait dû user de subtilité et, surtout, leur garantir qu’il n’abandonnait pas complètement le chemin tracé pour lui. Il ne servait à rien de les brusquer avec des projets avant qu’ils se concrétisent.

La place de Jim dans l’entreprise de ses parents était en retrait. Il ne s’avançait que lorsque son père le lui indiquait et ne le contredisait jamais publiquement. Il devait le soutenir même quand il avait tort, ce qu’il faisait toujours, mais avec très peu d’enthousiasme. Former une équipe importait davantage que prendre chaque fois la meilleure décision, parce qu’on camouflait plus facilement une erreur que le manque de cohésion. M. Crowley le laissait briller sur des projets choisis, mais Jim n’avait, comme dans toute sphère de sa vie, qu’une liberté mesurée.

Le nouvel emploi de Jim lui permettait d’évoluer loin du regard pesant de ses parents. Il avait pris goût à son autonomie depuis son départ du nid familial et cernait davantage les entraves de sa famille avec un peu de distance. Il se comportait avec professionnalisme et respect envers ses patrons et collègues, mais il s’autorisait plus de mordant qu’en tant que bras droit de son père. Il avait attendu la deuxième semaine de son stage pour contredire son patron après une demande irréaliste. Jim agissait toujours avec finesse, l’expérience lui ayant appris à marcher sur des œufs en tout temps pour contrer la mauvaise foi de ses parents dès qu’il leur tenait tête. Risquer un conflit avec son patron l’angoissait, mais il n’explorait pas cette carrière pour y reproduire les mêmes limitations qu’en travaillant avec son père. S’il vexait M. Larian, il n’aurait qu’à chercher un autre stage. Avec la réputation que les stagiaires précédents de Larian lui avaient faite auprès des autres étudiants, Jim n’aurait pas besoin de grandes explications pour justifier son départ auprès de ses professeurs. Mme Crowley, qui s’était inquiétée de sa proximité avec un puissant dieu romain, se réjouirait probablement même assez pour le laisser tranquille. Ses résultats scolaires et son nom lui assuraient encore plusieurs options de stages.

En plus des bizarreries de M. Larian, Jim devait satisfaite les attentes de Mme Wise, beaucoup plus sérieuse. S’il n’avait eu à gérer que le premier, il aurait probablement ajusté sa manière de travailler, de la même manière qu’il ravalait ses objections quand son père exigeait une apparente soumission devant les clients. Pris entre des attentes contradictoires, Jim devait trouver des compromis et adapter ses solutions. Son patron jouait les bouffons, mais il essayait surtout de le piéger. Jim le devinait trop intelligent pour ignorer à ce point les besoins de son parti et les capacités des gens. Il le faisait donc exprès. Les raisons de son attitude n’étaient pas claires, mais Jim restait sur ses gardes tout en essayant de jouer le jeu aussi.

-Je m’y connais peu en jeux vidéo, donc je n’ai pas d’autres suggestions.

Les passe-temps non productifs n’avait jamais été encouragés chez les Crowley. Jim était donc passé à côté des jeux vidéo durant son enfance et son adolescence. Frederik lui avait fait essayer quelques jeux, mais il était d’un niveau beaucoup plus avancé que lui et Jim était gêné de le ralentir. Avec toutes ses occupations, il avait peu de temps pour s’engager dans un domaine qu’il ne maîtrisait pas. Il avait toutefois téléchargé quelques applis sur son téléphone, pour les moments de fatigue.

Jim ne fit aucun mouvement vers le cheeseburger. Il ne mangeait pas ces trucs. Trop d’aliments gras ensemble, trop de morceaux dégoulinants… Pourquoi les gens s’imposaient-ils ce type de nourriture? S’il avait envie de manger quelque chose d’interdit – ses parents l’avaient habitué à une alimentation saine à coups de culpabilisation –, il préférait de loin une petite pâtisserie hors de prix.

-Non, merci.

Il dut réprimer un soupir à ce délire de mâles et de femelles. On parlait tout de même simplement d’aller acheter à manger.

-Je ne suis pas allé chasser pour plus faible, j’ai honoré un pari. Si vous ne vouliez pas recevoir de nourriture, vous n’aviez qu’à choisir autre chose.

Cette discussion était-elle un test? M. Larian avait demandé le cheeseburger, et maintenant il le faisait chier avec. Discuter les caprices d’un politicien faisait-il partie de ses tâches? Il envisagea de lui dire de le jeter, mais il se méfiait du type de discours qui pourrait suivre, que ce soit sur le gaspillage ou sur une chose inattendue, sans aucun rapport à première vue.

-Voulez-vous que je vous laisse quelques minutes pour lire la feuille ou on passe à ma tâche suivante?
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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyMer 19 Fév - 19:49

Il disait ne pas s’y connaître en jeux vidéos. Mais, avais-je parlé de jeux vidéo ? Non, je n’avais certainement pas été si précis. N’importe quel « jeu » aurait fait l’affaire, n’importe quelle activité amusante pouvait, même, devenir un jeu. Ce pauvre Jim manquait cruellement de fantaisie. J’observais sa froideur rigide avec un sourire en coin. Il était inutile d’insister pour un jeu de combat sur écran, j’étais passé à autre chose, je m’étais ennuyé trop longtemps, j’avais bu et, de toute façon, mon adversaire serait probablement mauvais. Il me fallait trouver une source de divertissement plus intense mais je ne m’inquiétais pas pour moi, je trouvais toujours. Cependant, Jim m’avait pas répondu à l’une de mes questions. Il ne m’avait pas dit s’il avait envie de jouer à Mortal Kombat. Encore de la soumission, toujours de la soumission. Je lui avais pourtant posé gentiment la question, il aurait pu estimer que son avis comptait ou, dans le doute, me retourner la question avant d’y répondre, pour savoir quelle était mon opinion sur l’activité. Je croise mes bras derrière la tête et me balance en arrière l’air pensif, après lui avoir tendu le cheesburger. Mon expression devient plus profondément songeuse quand il refuse beaucoup plus directement la nourriture que je lui offre, cela avec une petite moue de dédain envers le pauvre pain brioché qui ne m’échappe pas. Donc, les snobismes et les préjugés avaient plus d’importance que ses goûts propres et méritaient, en revanche, que l’on froissât son patron. C’était intrigant, et révélateur, bien entendu. La réponse de ce garçon me confirma qu’il comprenait décidément tout de travers. « Vous n’aviez qu’à choisir autre chose », me dit-il. Je lève un sourcil.

– Te demander autre chose ? Mais pourquoi partir du principe que tu me devais forcément autre chose ? Si je ne voulais pas de nourriture, j’aurais pu ne rien te demander, mais je te remercie de tenir à ce point à faire des courses pour moi, quoique ça n’ait rien à voir avec tes objectifs de stage.

J’avais au moins vu ses lèvres se crisper légèrement en entendant mon discours sur les lois de la nature concernant la chasse. Il avait saisi l’absurdité de mon discours mais n’avait pas su rebondir dessus. Non, il avait préféré me faire une réponse sérieuse à quelque chose qui n’aurait jamais dû l’être et qui, il le savait, ne l’était pas. Et oui, il s’y était tellement perdu qu’il tenait maintenant un discours de parfait esclave, sans doute sans le savoir. Je ne retins pas un éclat de rire joyeusement moqueur. Non, je n’allais certainement pas lire ma feuille maintenant. Je repris mon sérieux en joignant mes mains sur mon bureau et en fixant intensément Jim.

– Non, je ne peux pas lire cette feuille maintenant, nous avons beaucoup trop de problèmes à régler, Jim. Vois-tu, je suis ton responsable, et je ne peux vraiment pas te laisser te conduire de cette manière. Tu n’es pas capable de me dire si tu as envie de jouer à un jeu de bagarre, mais tu sais t’affirmer pour refuser spontanément la nourriture que je t’offre et, je crains que ce ne soit pas normal. J’aime Mortal Kombat et j’aime ce cheesburger. Si tu ne souhaites pas exprimer ton opinion sur une chose, pourquoi le faire sur une autre, et accepter soudain de me vexer ? L’aversion que tu as envers le repas de l’américain moyen vaut-il de mettre en péril tous tes efforts ?

J’aime quand les imbécilités que je lance sur des coups de tête semblent dérouler un plan parfaitement élaboré. Et je sais toujours m’en sortir pour que ce soit le cas. Je sais rendre utile chaque chose, car n’importe quel élément nouveau entraîne de nouvelles informations, c’est ce qui est tout à fait fascinant avec les êtres dotés d’un minimum d’intelligence, et, plus encore, avec les êtres supérieurement intelligents, car je ne pensais pas avoir devant moi un QI tout juste dans la moyenne, donc plutôt lent, en vérité, ce qui le rendait logiquement supérieur. J’avais inventé « le test du cheesburger » ! Il y avait probablement toute une étude sociologique à écrire sur le sujet. Mais, comme je n’avais certainement pas que ça à faire, je poursuivis dans mon élan en levant le sourcil avec une sorte de pitié consternée.

– Mais enfin, que fais-tu, Jim ? Tu ne peux pas me demander de te traiter en parfait esclave d’un côté et me signifier quelle haute estime de toi tu as de l’autre. Cette attitude n’a absolument aucun sens et ce qui n’a pas de sens, relève de la folie. Tu ne réussiras rien en tenant un rôle seulement à moitié, Jim, il faut choisir, sinon tu te perdras dans tes incohérences. Est-ce qu’une chose incohérente a une chance de survivre ?

Ce monde rendait les gens fous, d’où une certaine hystérie ambiante. Les gens essayaient d’être tout en même temps, des esclaves avec une fierté supérieure et ils souffraient, bien sûr, ils finissaient dépossédés d’eux-même, à ne plus savoir qui ils étaient, à se prendre pour n’importe quoi, à s’inventer n’importe quelles maladies pour justifier une chose très claire, le sentiment de ne plus exister, d’avoir été coupé en deux, en refusant de diagnostiquer les causes. J’avais conscience, évidemment, que la société moderne était souvent comme une prison invisible, et qu’on se heurtait à des murs quand on essayait de vivre en dehors, puisqu’elle ne donnait alors plus ni toit ni nourriture et vous rendait encore pire qu’esclave. Mais, alors, il fallait choisir son parti, accepter son rôle, ne pas chercher à être quelqu’un d’autre. La cohérence était la clé. Et Jim en était loin, même s’il estimait devoir feindre la soumission un temps, il n’était même pas capable de le faire à 100 %. Il n’en était donc pas capable tout court, et le constater m’angoissait pour lui, d’une certaine façon car c’était évident, ça ne servait donc à rien d’insister et de rendre cette situation oppressante pour tout le monde, ou, en tout cas, pour moi si les autres étaient capables de s’aveugler ou de s’en fiche.


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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyLun 6 Avr - 20:49

Même en ayant d'autres options de stage, Jim préférait arriver à conserver celui du parti Larian. Réussir où tellement d'autres avant lui avaient échoué lui promettait une certaine satisfaction ainsi qu'un argument devant les incertitudes de ses parents sur ses capacités en dehors du cocon qu'ils lui avaient tissé. Jim serait déçu de devoir envisager ses plans de secours autrement que comme un filet de sécurité. Il faisait donc de son mieux pour conserver son poste malgré le comportement bizarre de M. Larian, tout en se faisant apprécier de Mme Wise. La tâche n'était pas tellement plus délicate que se plier en apparences aux exigences de ses parents tout en se permettant des écarts dans leur dos.

Jim ne répondit rien au délire sur la nourriture que son patron tenait à étirer, et son air blasé laissait deviner qu'il en avait marre de tourner en rond sur des conneries. Qu'est-ce que Larian essayait de prouver ou de lui faire dire? Y avait-il une bonne réponse pour en finir avec ce sujet? Jim avait-il manqué une sortie? S'il n'était pas allé cherché ce fichu cheeseburger, est-ce que son patron aurait trouvé une autre manière de le faire chier sur le sujet? Ah non, Jim, tu n'honores pas tes paris, c'est très bas! Comment puis-je avoir foi en ta parole maintenant?

Son acharnement à essayer d'obtenir une réaction de sa part était fatigant. Avait-il fait fuir les anciens stagiaires en les assommant de questions sans bonne réponse jusqu'à ce qu'ils perdent patience? Ils n'avaient pas eu Mme Crowley comme mère. Jim avait l'habitude des interrogatoires et des pièges. Et qu'on ignore le bon sens. Il gagnait désormais toujours contre ses parents. Il était facile à ennuyer, mais presque impossible à décourager ou mettre en colère. Si M. Larian souhaitait le pousser à bout, il devrait se montrer très patient. Et si son but était de faire partir son stagiaire, il devrait le mettre à la porte lui-même.

L'air subitement sérieux de M. Larian donna envie à Jim de se jeter par la fenêtre. Une autre vague de folie arrivait. Jim conserva un air neutre, en se demandant à quel point son patron devait s'ennuyer pour se lancer dans ce type de jeu avec lui.

La nourriture qu'il lui offrait! On parlait ici d'un cheeseburger acheté par Jim, il était tout de même libre de ne pas le manger. Il n'était pas vraiment question d'insulte ou de goûts, Larian essayait simplement de l'embrouiller davantage maintenant qu'il tenait un sujet absurde à pousser encore et encore. Mettre en péril tous ses efforts! Il forçait la théâtralité. Si Jim avait douté de sa supériorité aux autres candidats, il aurait probablement été ébranlé. Les anciens stagiaires avaient peut-être couru à la porte pour se donner le beau jeu de celui qui part en évitant d'être celui qu'on jette.

-Je n'ai exprimé aucune aversion envers les habitudes des gens moyens, dit-il avec une étincelle de malice en prononçant les derniers mots, je n'y peux rien si vous vous êtes senti jugé. J'en suis tout de même désolé. Pour ce qui est des jeux de bagarre, je n'ai pas exprimé de préférence parce que je ne compte pas faire de caprices en demandant à être diverti sur mes heures de travail.

Lui aussi pouvait faire le con, il venait de le sous-entendre avec ses petites piques, surtout la dernière sur les habitudes infantiles de son patron, mais il choisissait de se comporter de manière professionnelle. Il ne se pliait pas aux règles, inventées à mesure pour le mettre en mauvaise position, parce qu'il ne voulait pas participer au jeu. Il comprenait qu'un dieu de la guerre transformait forcément  toute situation en compétition, mais il n'avait pas pris ce poste pour se mesurer à lui, et il ne comprenait pas l'intérêt de provoquer quelqu'un limité par sa position hiérarchique. C'était un comportement de faible, comme ces petites dames qui hurlaient sur les caissiers qui ne pouvaient pas les fuir ni se défendre sans risquer leur emploi.

-Mes capacités sont hautement supérieures à la moyenne, c'est un fait, pas une question d'estime. Mon poste est au bas de l'échelle, et la meilleure option pour avancer est de vous laisser en profiter temporairement en me prenant pour un con. Un rôle nuancé, est-ce que c'est ce qui vous apparaît comme incohérent, M. Larian?

Il n'y avait pas eu de conséquences les quelques autres fois qu'il avait tenu tête à son patron, entre autres un peu plus tôt quand il avait mis plus longtemps que demandé pour produire le résumé. Il était donc peu probable que son attitude plus brusque maintenant lui fasse perdre son poste. Il voyait mal Larian le congédier pour lui avoir offert exactement ce qu'il lui demandait : choisir une attitude. Il appréhendait toutefois un nouvel angle tordu pour le piéger dans une conversation insupportable.
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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyVen 1 Mai - 17:39

Quand je faisais fuir mes stagiaires ou employé, je considérais que j’avais gagné un combat qui n’était absolument pas contre la personne qui pensait me fuir, mais contre cette société absurde. Je détestais les lois de ce « nouveau monde » et je voulais les détruire. En les retournant à outrance contre ceux qui pensaient pouvoir se faire une place, je leur signifiais qu’ils n’avaient rien à espérer ou attendre de cette attitude, que rien, ici bas, n’était pensé pour eux, et surtout pas pour les valoriser. Ils pouvaient rester et accepter. Ils pouvaient n’être rien de plus que des données négligeables que l’on mépriserait, mais ils pouvaient aussi claquer la porte. En attaquant directement le problème, je réduisais leur seuil de tolérance. Quand un autre patron les prendrait pour des sous-être selon les méthodes habituelles de la société, ils le verraient, ils ne pourraient plus s’aveugler. Et, sachez une chose, il n’existe pas plus féroce ennemi à un système, à un camp, à une Nation, qu’un esclave déçu. Ils pouvaient m’en vouloir un temps. Mais je savais aussi que la plupart de ceux qui avaient su partir prendraient du recul et sauraient lire entre les lignes pas si cachées de mes discours. Je ne voulais pas un monde d’outils obéissants.

Je voulais des hommes et des femmes capables de choisir leur asservissement, ou de le refuser, pas ces petites choses craintives prêtes à manger à tous les râteliers pour un salaire de misère et les miettes d’attention qu’on leur jetait parfois s’ils faisaient bravement leur travail. Pour avoir vécu la grande époque de l’esclavage à Rome, je sais que certains êtres aspirent à ce genre de vie, mais je sais aussi qu’il est bon de ne pas mettre d’ambiguïté sur ce en quoi elle consiste et qu’un maître qui ne témoigne pas de respect mérite de se faire mettre en pièce par ses servants. Il est des gens qui ne seront jamais rien, et qui doivent le savoir, car on ne fait qu’utiliser leurs espoirs de promotion pour les faire travailler davantage en créant peu à peu de la frustration. Ce qui est fascinant, c’est de constater à quel point ils sont nombreux à y croire. Chaque nouveau stagiaire est un nouveau sujet d’expérimentation. J’ai dû me montrer horrible. Mais il est difficile de ne pas l’être quand on ne vous signifie pas que c’en est trop.

Jim appartenait à une troisième catégorie de stagiaire. Il pouvait signifier ses limites, mais voyait en moi un ennemi qui l’empêchait de bien faire son travail. Il avait l’orgueil de celui qui s’imaginait monter des échelons en jouant selon les règles. Il perdait évidemment son temps, comme il s’en rendrait compte à force de mauvaises expériences. Je n’étais qu’un ennemi qui se dressait sur son chemin parmi d’autres. Il y aura toujours quelqu’un d’injuste à qui se soumettre et la façon avec laquelle il prenait la mouche, en essayant finalement de m’insulter, prouvait qu’il n’était pas de ces esprits résistants et troubles, qui contournaient les difficultés comme des serpents pour vous poignarder par derrière. Son orgueil ne lui permettait pas ce genre de stratégie. Donc, sa stratégie était tout à fait mauvaise et inefficace. Je persiste à le croire. Mais je suis plutôt ennuyé que toutes les pistes de réflexion que je lui donne glissent sur lui, comme si je n’avais absolument rien prononcé. Il se défend en m’approuvant, ce qui rend plutôt inutile de répliquer. Je ne suis pas cruel au point d’apprécier voir quelqu’un s’enfoncer en se débattant. Visiblement, je suis encore trop subtile pour casser les certitudes auxquelles il s’accroche. Mais qu’a-t-on mis dans la tête de ce gamin, enfin !

– Tu devrais savoir, Jim, que le divertissement est parfois le meilleur apprentissage. – En haussant les épaules, je déballe le cheesburger et commence à le manger. Je ne gâcherai pas de la nourriture, ce n’est pas correcte pour la merveilleuse vache qui m’offre ce steak haché tout rabougri ! – A vouloir avancer tête baissée, tu te prendras un mur sans avoir vu les autres chemins qui s’offraient à toi. Alors, tu retourneras en arrière encore, et encore.

D’une certaine manière, j’ai obtenu un résultat chez Jim, il me montre son vrai visage, il perd pied en tombant de plus en plus dans l’orgueil, en commençant à déclarer l’évidence de sa supériorité, comme si cela allait changeait quelque chose, comme si ce genre de « fait », qu’un peu trop de personnes revendiquent de nos jours, allait changer la donne. Il avait cependant assez d’assurance en ses capacités pour l’affirmer ? Alors qu’il le prouve dans son comportement. L’attitude de bon élève était une attitude de perdant ou de personne qui s’attendait à tout recevoir grâce à ses origines avantageuses, en tout cas. Je commençais à me fatiguer aussi de ce petit jeu qui n’arrivait pas à briser ses certitudes. J’avais essayé la manière douce, il aurait même pu s’en tirer en étant précisément ce qu’il voulait être, quelqu’un qui feignait d’obéir pour suivre son propre chemin. Mais il n’était pas ce genre de personne, car ce genre de personne n’attendait pas la validation et la reconnaissance. Elle agissait avec indépendance pour exploiter ce pour quoi elle était là. Elle était… certainement plus proche de moi ! D’une voix plus tranchée, je lui réponds sans ambiguïté :

– Ton rôle n’est pas nuancé, et c’est pour cette raison que tu échoueras.
J’espère retenir vraiment son attention cette fois, car il n’y avait pas de malice dans ma voix ni dans mon regard. Je lève les yeux au ciel et poursuit plus nonchalamment après un petit soupir :
– Oui, je comprends le projet. Mais tu n’es pas fait pour ça. Laisse ce genre de stratégie à d’autres. Les personnes capables de louvoyer comme tu voudrais le faire savent mettre leur orgueil de côté. Sais-tu pourquoi ? – Un sourire espiègle glisse sur le bord de mes lèvres : – Parce qu’elles ne s’investissent pas. Parce qu’elles se fichent des autres et du reste du monde avec une constance que tu ne t’imaginerais même pas. Parce qu’elles ne croient pas un instant aux règles du jeu et n’exploitent que ce qui les intéresse. – Après un court silence, je reprends : – Je ne suis pas différent des autres patrons. Je t’aide juste à percevoir tes limites plus vite. Et, quand tu tiendrais bon, crois-tu vraiment que tes efforts seraient récompensés ? As-tu vraiment des preuves que la soumission mène au succès ? – Je hausse un sourcil. – A qui a-t-on tout intérêt de faire croire ça, si ce n’est aux personnes que l’on veut exploiter ? Il n’y a pas de réussite en ligne droite, ni au mérite, sauf pour les pistonnés qui veulent s’inventer un beau parcours et refusent de voir qu'ils sont toujours les pantins de quelqu'un.

Je retiens une provocation, mais il n’est pas temps de faire des gamineries. J’espère pouvoir compter sur le QI supérieur de Jim pour qu’il fasse le lien avec ce qu’il doit constater autour de lui, même s’il ne le fait pas tout de suite, même s’il se vexe encore, les faits ne sauraient me donner tort et il devra bien l’admettre, comme il devra comprendre que la partie la plus constructive de son stage est celle que je lui propose maintenant, certainement pas celle qui consiste à faire le bon esclave en résumant des discours.


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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyDim 3 Mai - 16:59

Larian n’était pas le premier taré perché bien haut sur sa tour d’argent ou de puissance que Jim devait faire semblant de respecter. Il était son premier patron, bien entendu, mais avant lui étaient passés beaucoup de clients et de partenaires d’affaires de sa famille. Chaque personne qui accumulait une forme ou une autre de succès avait son avis sur la bonne attitude, la meilleure personnalité à afficher, les valeurs à prioriser… Devant plus jeune, ils se déversaient en conseils, plus souvent pour prendre de la hauteur que pour aider réellement. Jim écoutait avec attention au départ, prêt à actualiser ses méthodes si on lui présentait une idée nouvelle et intéressante. Il avait vu que la manière de fonctionner de ses parents, bien que sécuritaire, le confrontait vite à des limites et avait prudemment pris les moyens pour se distancer peu à peu de certaines obligations envers eux.

Jouer de micro-insultes sur le ton de la blague, tenir tête au patron, ce n’était même pas stressant vu le contexte. Il le faisait même un peu avec son père quand il n’y avait pas de témoins et qu’il prévoyait le ranger à son avis. Il testait vaguement les limites, sans risquer de les franchir. Comme toujours, comme sur tout. Jim ne se montrait jamais agressif – personne ne l’aurait décrit comme tel, sauf peut-être Frederik avec qui il se laissait plus aller à exprimer les trucs qui le dérangeaient. Était-ce son éducation qui le retenait ou plutôt une forme de lâcheté? Il aurait plutôt misé sur l’indifférence. Pousser une conversation sur un sujet déplaisant avec une personne qui l’ennuyait en valait rarement la peine.

Le divertissement était le meilleur apprentissage? Jouer à un jeu vidéo pendant quelques heures promettait de faire de lui un professionnel de la politique bien au-dessus des autres, aucun doute là-dessus. Jim ne répondit même pas. Peut-être que moins il en dirait, plus vite Larian lui ficherait la paix. Avancer tête baissée? Son patron lui sortait encore n’importe quoi. Jim ne fonçait pas sans réfléchir, il évaluait toujours ses options, longuement.

-Merci du conseil, je veillerai à… prendre plus de recul, dit-il sur un ton vide.

Rien ne servait de lui expliquer qu’il avait tout faux, comme il ne voulait pas comprendre. Ça lui faisait visiblement plaisir de tirer des conclusions et de lui imposer son jugement. Jim lui avait exposé les faits, il n’avait rien à dire de plus. Ses compétences n’étaient pas un débat et, de toute manière, il ne ressentait pas le besoin de le convaincre ou de changer son avis sur lui.

-Vous avez finalement accepté votre statut de petit. Je ne pensais pas devenir père si jeune.

Il avait profité de l’incohérence de son patron mangeant le fichu cheeseburger pour essayer de rendre la pénible conversation un peu humoristique, dans l’espoir que Larian allait accepter de rire et le lâcher un peu.

Jim leva les sourcils avec un air peu impressionné quand Larian lui avança que son échec était assuré. Se pensait-il spécial en doutant de lui ouvertement? Pour ça, il y avait toujours eu M. et Mme Crowley. Et il leur prouvait continuellement qu’ils avaient tort. Les gens avaient l’habitude de lui imaginer des faiblesses là où il n’y avait rien et d’être aveugles à ses véritables problèmes. Jim aurait pu en être frustré s’il n’y avait pas trouvé autant d’utilité. Quoi qu’en pense son patron, les règles existaient ou du moins, certaines règles demeuraient. Les systèmes sociaux fonctionnaient, qu’on les méprise ou qu’on en profite. Larian ne lui apprenait rien en lui parlant de gens qui faisaient leurs propres règles. Quand on n’avait rien à perdre, jouer son propre jeu présentait surtout des avantages. Beaucoup se hissaient très haut de cette manière, mais combien s’en sortaient vraiment par rapport aux paumés qui s’écrasaient en se mettant à dos quelqu’un de plus puissant qu’eux?

Des preuves que la soumission menait au succès? Larian en était passé plutôt bas dans les conclusions pointues pour essayer de lui faire dire n'importe quoi à tordre encore et encore. C’était simple : un stagiaire qui ne connaissait pas sa place se faisait remplacer par un stagiaire qui fermait sa gueule. Pas besoin d’une grande argumentation. Pourquoi traitait-il ce poste temporaire d’étudiant comme une situation où il fallait briller et prouver sa valeur? Avait-il lui-même besoin en tout temps de montrer qu’il dominait les autres? Ce devait être épuisant.

Bien sûr que le système exploitait les gens. Que pensait-il prouver? Que la vie était injuste? Jim savait qu’il partait de plus haut que les autres, il ne s’était jamais fait d’illusions sur le sujet. Une compagnie multigénérationnelle l’attendait si cette carrière ne lui réussissait pas. Et probablement que ses professeurs le faisaient passer avant d’autres simplement à cause de son nom. Était-ce censé être un secret ou une révélation? Son patron s’attendait-il à éveiller en lui l’illumination? S’il espérait le motiver à une sorte de rébellion contre ce système qui l’avantagerait toujours et duquel il savait profiter, il devrait trouver autre chose.

-Donc, je devrais m’empresser de me faire mettre à la porte pour donner envie de travailler avec moi d’égal à égal? Très inspirant.

Il avait fait l’effort de sourire, puis il redevint plus sérieux avant de reprendre:

-Je sais comment le système fonctionne, et je ne suis pas aveugle à ceux qui y résistent. J’en rencontre dans le domaine des finances, notamment.

Peut-être qu’un rappel de comment cet emploi s’inscrivait à la suite d’un poste au top d’une entreprise qui faisait réellement appel à ses capacités allait calmer les conclusions de Larian sur sa naïveté et son inexpérience du monde réel.

-Tout comme je rencontre des gens qui respectent les règles en apparences pour qu’on ne remarque pas quand ils passent par-dessus celles qui les désavantagent. Et tous ces gens différents ont en commun de conseiller aux plus jeunes de choisir leurs méthodes.
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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptySam 11 Juil - 19:00

Oui, je n’aurais pas dû manger cet hamburger après avoir fait un grand discours sur le fait que je ne pouvais l’accepter. Mon argumentation pour convaincre Jim de manger avait échoué mais peu importait, j’en avais tiré autre chose. Maintenant, j’étais passé à autre chose et elle n’avait plus la moindre importance. Je dirais même qu’elle était devenue tout à fait obsolète. Mon petit stagiaire ne manqua pas de pointer mon incohérence en se voulant une nouvelle fois insolent. Le ton n’est pas vraiment agressif, et je ne crois pas que son but soit d’être directement insultant, mais il manque d’une certaine subtilité pour engager de la complicité. Le style reste quelque peu revanchard. Je lui fais un sourire.

– Je sais simplement faire preuve d’humilité et reconnaître un combat perdu. Je suis absolument vaincu.

Je porte le dernier morceau à ma bouche dans un geste théâtrale en levant exagérément la main et en renversant ma tête en arrière. Certains diraient que je n’ai pas la moindre fierté. En ce qui me concerne, je dirais que je n’ai pas une fierté obtuse. Je la situe là où se trouvent mes intérêts immédiats. La fierté codifiée rend stupide et immobile. Elle ne sert souvent à rien pour soi. Elle existe juste pour que la société tourne bien. Et c’est justement cette fierté que j’essaye de briser chez Jim. Mon projet est peut-être voué à l’échec. Ce garçon n’aspire probablement à rien de plus élevé que ce qu’il peut déjà avoir. On lui a appris à obéir. Il est convaincu que cela en vaut la peine, car il n’a aucun doute, grâce à son nom, qu’il en sera récompensé. Mais à quel prix ? Et surtout, pourquoi attendre ? Pourquoi ne pas prendre les devants lorsqu’on prétend connaître ses capacités, avoir confiance en elles ? Je suis peut-être parfois incohérent sur la forme, mais Jim l’est sur le fond. Ce n’est pas une chose facile à faire comprendre. La plupart des gens se réfugient dans leurs illusions et sont perdus lorsqu’elles éclatent. Cependant, je ne suis pas un monstre, vraiment, si je suis prêt à mener une bataille pour détruire les certitudes d’une personne, c’est que je suis prêt également à l’aider à s’en construire de meilleures. Je ne veux pas d’un monde qui tourne bien pour tous. Je ne pense pas que nous avançons tous à capacités égales, alors je n’attends pas un système normalisé. Et je n’aime pas non plus le mensonge. Je dis honnêtement à Jim qu’il échouera, ce qui déclenche aussitôt un tic sur son visage. Pour la première réelle fois dans cette conversation, je me pose en ennemi, et il reçoit mon affirmation comme celle d’un opposant de plus, comme celle de quelqu’un qui voudrait l’enfoncer gratuitement. Je le comprends. Mais, contrairement à d’autres, peut-être, je ne lui dis pas qu’il va échouer dans le but de renforcer sa volonté. Non. Je veux la briser, parce que sa voie ne lui fait pas honneur, et que rendre service devrait être mon rôle de maître de stage. Il passe encore à côté de toutes mes explications. Son esprit reste désespérément fermé. Je commence à avoir la même impression de parler dans le vide qu’avec une zélée anti discriminations en tout genre qui répète comme une machine le même discours appris par cœur sans parvenir à y glisser la moindre nouvelle information, peu importe les méthodes et le bon sens utilisé. Il se pense provoquant et malin en me demandant si je lui conseille purement de se faire mettre à la porte pour donner envie de travailler avec lui dans un rapport égal.

– Et pourquoi pas ? N’est-ce pas ce que tu estimes être ta place ? Pire, je suis même certain que tu n’aurais pas de problème à te considérer supérieur à moi. C’est le genre de constat qui devrait te pousser à partir. Je ne sais pas si tu as entendu parler de cet auteur français, Pierre Corneille. Il a écrit cette réplique que j’aime beaucoup : « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » Tu vois, je ne suis pas le seul idiot à le penser !
J’ai un sourire ironique. Je ne sais pas si Le Cid est une référence de Jim. En terme classiques au théâtre, les Américains connaissent surtout Shakespeare, mais je ne cite pas une référence un peu pointue pour le seul plaisir d’étaler ma culture. Les tragédies du XVIIe siècle s’inspirent directement des tragédies antiques, même si Corneille a situé son histoire dans un contexte qui lui était actuel. Leur but était d’éduquer le peuple, de lui enseigner de justes valeurs. C’est donc une pensée ancestrale dont la sagesse a traversé les siècles pour éclater dans l’une des pièces les plus célèbres de toute une époque qui est portée par cette réplique. Une réplique si célèbre que beaucoup pourraient même la citer aujourd’hui encore sans savoir d’où elle vient. Elle semble donc fort utile à méditer !
– Pour travailler d’égal à égal, il faut se mettre à égalité avec l’autre. Si tu as réellement les capacités que tu prétends, tu devrais pouvoir le faire par toi même, non ?

Il essaye de me dire qu’il a compris, qu’il a des relations, que je devrais bien entendu arrêter de lui faire la morale. Mais je continue de sourire et je poursuis, imperturbable :

– Et tu sais, les personnes qui comprennent le mieux le système sont celles qui ne le suivent pas. Quand ils ne sont pas assez riches, ce sont des criminels. Mais tu viens d’une bonne famille, tu n’as pas à t’inquiéter d’entrer dans cette seconde catégorie.

Je ne sais pas très bien si la suite de ses propos est censée me viser mais j’y perçois quelques raisons à ses réticences, ou plutôt, je les confirme. Il a une sorte de certitude que je pourrais être mal intentionné. Je ne vois pas du tout pourquoi ! Je lui réponds donc avec un air sérieux qui confine probablement à la moquerie :

– Je connais ce genre de personne aussi, il est tout à fait sage de les repérer et de ne surtout pas les écouter. Une personne qui réussit trop bien cache toujours quelques astuces de bandit mais avec moi, tu as un avantage : je ne respecte absolument rien et je ne pense pas que tu devrais essayer d’avoir mon style. – Mon regard doit pétiller comme celui d’un heureux imbécile alors que je prononce ces mots. – Je te l’ai déjà dit, tu n’en serais pas capable. Je pense, que tu devrais développer ton style parce que, vois-tu, ça me chagrine assez de te voir tous les jours dans un rôle que tu méprises toi-même et qui a une conséquence dramatique pour moi, car je suis méprisé en retour d’être un mauvais patron, ce qui affecte ma sensibilité. – Je prends un air chagrin exagéré en posant le bout de mes doigts sur mon cœur. – Crystal s’en fiche, parce que Crystal - je sais que tu l’apprécies - mais Crystal - je vais te dire un secret - adore voir les gens s’autodétruire. Mais moi, je ne t’en parlerais pas si je ne te pensais pas capable de mieux. Je ne le ferai pas non plus si je n’étais pas prêt à t’aider. Je suis sûr que nous pourrions collaborer, à condition que tu me prouves que tu vaux mieux que ce statut bien sûr et que tu es digne d’être mon égal.

J’ouvre le tiroir de mon bureau pour en sortir une bouteille de vin rouge et deux verres.

– Et je pense que nous devrions commencer par trinquer à cet accord, si bien sûr, tu estimes cette bouteille à quelques 100$ assez digne de ton rang.

Accessoirement, ça fait au moins 30 minutes de conversation que je n'ai pas bu une goutte d'alcool, ce qui menace dangereusement mon état d'ivresse permanent passé l'heure du déjeuner au travail, ce qui n'a rien de très sain pour l'esprit.


Dernière édition par Lance M. Larian le Mer 16 Sep - 16:38, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyMar 14 Juil - 18:56

Son patron répondit avec bonne humeur à sa tentative d'humour. Peut-être allaient-ils s'en sortir! Ou pas. Les espoirs de Jim moururent rapidement alors que Larian s'entêtait une fois de plus à le provoquer de manière ridicule. L'allusion à son possible sentiment de supériorité – Jim n'avait pas pris le temps de se comparer à son patron, un exercice aussi inutile que stupide – n'était qu'une tentative de plus de l'entraîner en terrain miné. S'attendait-il à ce qu'il s'incline et lui accorde qu'il le dépassait? Il était après tout une divinité antique. Objectivement, il détenait la suprématie sur les mortels. Dans la société humaine, leurs statuts sociaux ne rivalisaient pas non plus. Mars avait tous les arguments de son côté, ce n'était même pas discutable. Sa motivation était donc plus probablement de créer une réaction émotionnelle chez Jim, que ce soit la fierté ou, à l'inverse, une estime de soi défaillante, conditionnelle à la perception de l'autre. Il obligeait Jim soit à le laisser penser qu'il l'avait démasqué, soit à nier, et il avait probablement une nouvelle vague de réflexions louches déjà prêtes pour la bataille qui suivrait. Il le mettait dans une situation où il ne pouvait ni lui tenir tête ni lui céder. Toutes les options ne menaient qu'à encore plus de complications, parce que les règles du jeu changeaient dès qu'elles n'amusaient plus Mars.

Jim connaissait bien sûr Corneille, en surface. Ses parents avaient tenu à lui offrir des enseignements culturels étendus, mais la littérature n'avait jamais suffisamment retenu son attention pour qu'il s'y attarde en profondeur. Certaines œuvres traversaient le temps pour leur valeur, mais beaucoup ne devaient leur place qu'à des obsédés de lettres incapables de formuler eux-mêmes leurs réflexions. Faire le tri ne valait que rarement ce qu'il pouvait tirer des supposément grandes œuvres.

Pour ce qui était de la citation, elle laissait Jim aussi tiède que la majorité des cours que ses parents lui avaient offerts. Il comprenait l'importance d'obtenir des honneurs mérités plutôt que faciles, mais la gloire n'éveillait en lui que peu de passion. C'était un siège confortable sur lequel se laisser aller à sa perte. Elle lui apparaissait comme un bonus, et la voir comme un but le déprimait. Peut-être son éducation avait-elle terni ce concept, le remplaçant par un besoin continuel de dépasser les attentes sans jamais s'arrêter pour contempler son succès.

Maintenant, Mars l'accusait de prétendre avoir des capacités sans les prouver. Le roulement de yeux fut très difficile à retenir. Des années à surpasser les autres autant dans son parcours scolaire que dans sa courte vie professionnelle ne valaient donc rien. Il lui fallait abandonner son stage – donc ses études – et lancer son propre parti, bien entendu. Cette discussion le fatiguait. Son esprit commença à générer des excuses pour quitter ce bureau infernal. Jim garda le silence non pas pour refuser obstinément la discussion, mais parce qu'il ne trouvait rien à dire qui vaille de se prendre une nouvelle réplique tordue. On lui prêtait souvent la qualité d'être de bonne écoute, mais il se taisait plus rarement par respect que par ennui.

Son patron ne capta pas la pique ou choisit de l'ignorer, s'excluant rapidement de la catégorie des gens qui imposaient leur manière de faire sous forme de conseils agressifs. Dans la même phrase, il lui recommanda même de ne pas écouter ces gens! Pourquoi tenait-il à se placer dans un rôle de mentor avec Jim? Un mentor dont la technique de formation se basait sur l'insulte, si on se fiait à la joie de Mars de lui dire qu'il n'arriverait pas à afficher le meilleur style, le sien! Jim conclut que pour avoir envie de s'impliquer à ce point auprès d'un inconnu qui non seulement ne lui avait rien demandé mais qui en plus refusait sèchement son aide, son patron devait se sentir bien seul. Il ne manquait pourtant ni de buts ni d'alliés, mais si les informations de M. Crowley étaient exactes, ses enfants n'avaient soit pas passé la brèche soit pas choisi de rester auprès de lui à New York. Essayait-il de combler auprès de lui des aspirations paternelles? Jim ne refusait pas l'apprentissage en général, mais il n'avait pas besoin d'une figure parentale de rechange. Néanmoins, il avait l'habitude d'utiliser ce qu'on attendait de lui pour avancer et, surtout, pour qu'on lui fiche la paix plus vite.

-Je ne voudrais surtout pas vous rendre triste, dit-il sur un ton fatigué qu'il essaya d'amoindrir en forçant un petit sourire.

Larian grossissait-il volontairement l'appréciation de Jim pour Mme Wise? Était-ce un autre test ou le pensait-il fan d'elle après seulement trois semaines à la connaître? Jim préférait travailler avec elle principalement parce qu'elle se taisait mille fois plus vite que son patron officiel, mais elle ou une autre… Ainsi, elle aimait la souffrance des autres, selon Mars. Jim devait-il être effrayé? Impressionné? Devait-il instantanément lui préférer le bouffon qui ne comprenait pas quand abandonner une argumentation?

-Je suis trop poli pour refuser du vin, dit-il avec un vague amusement.

Il  s'avança vers son patron qui ouvrait une bouteille de vin de qualité moyenne, mais rien de dramatique par rapport à ce que Jim s'envoyait dans les soirées étudiantes. Mars avait encore été énigmatique dans ses attentes, laissant Jim essayer de deviner ce qu'il voulait comme preuve de sa valeur. Il prendrait certainement toute question sur ce sujet comme un moyen de plus pour critiquer sa grande faiblesse si conventionnelle.

-J'avoue qu'on ne m'a jamais fait d'offre de ce type, et que je ne m'attendais pas à rencontrer de grandes surprises en faisant un simple stage pour mes études. Quel type de collaboration avez-vous en tête?

L'idée de partir ne l'avait pas quitté, mais l'impression que Mars attendait de lui quelque chose de spécial éveillait sa curiosité, un défaut que Mme Crowley lui avait reproché assez souvent pour qu'avec les années, tout intérêt simplement divertissant soit devenu source de sentiment de culpabilité. Jim ne brûlait pas d'apprendre de son patron, malgré ce que ses dernières paroles sous-entendaient. Il souhaitait plutôt l'observer et comprendre ce qui l'intéressait assez pour qu'il lui fasse tout ce numéro.
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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyMer 30 Sep - 18:18

J’ai l’habitude d’épuiser les gens. Certaines choses me semblent simples à faire comprendre, à évaluer soi-même, mais trop nombreux sont les esprits qui résistent. Et je n’ai pas de pitié envers une résistance qui défie le bon sens. Même si je joue souvent sur une image bienveillante voire paternaliste, j’ai un mépris assez généralisé envers les êtres dotés de parole. Très peu, au cours des millénaires, ont gagné mon estime, et mon estime peut se perdre très vite. Souvent, je ne vois que des choses un peu fragiles, un peu stupides, qui ont besoin d’être ménagées, ou qui devraient très vite quitter mon environnement pour ma tranquillité. Je n’ignore pas la cruauté des plaisanteries que je réserve à la plupart des gens. Je m’amuse à les mettre au bord des larmes, pour feindre ensuite d’avoir été maladroit. Ce n’est jamais vrai. Je suis toujours très satisfait qu’une personne naïve et faible quitte mon entourage. J’élimine mes stagiaires un à un. Je refuse d’être sérieux avec mes collaborateurs qui ne méritent pas de l’être. On prétend souvent que j’abuse de la gentillesse des gens, que je me comporterais différemment dans un monde où on oserait me tenir tête mais, en vérité, je préférerais ce genre de monde. Je m’amuse par dépit et déception, et je le fais d’autant plus dans cette « nouvelle société » basée sur le mensonge et la soumission. Avec Jim, le point d’usure ne semble pas simple à atteindre. Il a suffisamment de sang-froid pour ne pas partir en claquant la porte, mais je sens que mes discours n’atteignent pas plus son esprit que celui de tous ceux qui ont démissionné en estimant que j’étais un genre de sadique complètement délirant. Il n’y a aucun compréhension ou adhésion dans ses regards. Il ne voit pas où est le problème à ne pas être honnête, à ne pas vivre pour soi, à adhérer à des règles qu’il n’a pas choisies et auxquelles il n’a pas réfléchi, mais ça ne me dérange pas de parler dans le vide, je suis le premier admirateur de mes discours pleins de vérités et de sagesse.

J’utilise toutes les stratégies possibles pour le faire capituler d’une manière ou d’une autre, en tombant de plus en plus dans l’absurde puisque mes paroles censées ne servent à rien. Avant de partir dans une tirade très inspirée sur Crystal, je prétends être très concerné par la situation de Jim en y ajoutant une sensibilité exagérée. Mais son cas n’est qu’un cas de plus ; ils me chagrinent tous, si éteints, si assurés d’être récompensés en suivant la voie de l’obéissance. En tant que patron, je devrais apprécier ce genre de caractère ou, du moins, me réjouir de l’existence si massive d’individus prêts à obéir, à penser que ce monde est juste et fait pour eux, mais je suis un très mauvais patron, ou un patron trop honnête, qui ne comprendra jamais quelle satisfaction on peut trouver à servir les intérêts d’un autre, même en se persuadant qu’ils devraient finir par servir les siens propres. Jim rend les armes pour de mauvaises raisons, parce que je lui fais de la peine. J’ai un petit sourire attendri. J’ai toujours estimé qu’il valait mieux obtenir quelque chose de quelqu’un en jouant des sentiments que le laisser s’échapper à partir du moment où il insiste pour continuer à discuter avec vous. Disons que c’est un début. Disons qu’il y a peut-être quelque chose à éveiller dans cette tête là, et ce sera une petite victoire sur mon ennui.

– Je te remercie de ta sollicitude, Jim. Je savais bien que tu étais le genre de personne à avoir du cœur.

Je suis à peu près certain que Jim n’est pas le genre de personne à se sentir flattée par ce type de remarque. C’est donc un plaisir de la lui faire innocemment, comme si je voulais le complimenter. Il ne répond encore une fois qu’à des stimuli de bonne conduite sociale : ne pas avoir une attitude blessante, respecter les règles de politesse quand je lui propose de partager un verre. Il n’y a aucun enthousiasme là-dedans, aucune expression de sa propre volonté. Il a essayé de se rebeller, mais se soumet à nouveau en se fiant aux règles et en me les énonçant même à haute voix pour justifier son comportement, un comportement qui doit valider les codes de la société dans laquelle il se trouve, même s’il l’exprime avec amusement. Bien sûr, il est coincé. La bouteille est sortie, je le mets devant les faits accomplis et un refus pourrait signifier un renvoi. Je lui force totalement la main. Il prend cependant les devant en me demandant, alors que je sers les verres, le genre de collaboration que j’attends d’établir avec lui. Est-ce que j’attends vraiment une collaboration ? L’avenir le dira. J’aimerais en tout cas le voir plus vivant et impliqué dans une activité, et je pense avoir de quoi le réveiller un peu. Je bois une gorgée de vin. Je ne le connais pas puisque j’en prends toujours un nouveau, mais je fais confiance aux goûts du caviste et au prix qui en fait une cuvée recherchée par les amateurs. Toujours des grands crus qu’il est un plaisir de savourer négligemment dans un bureau. Puis, toujours le verre à la main, je considère Jim avec un sourire en coin.

– Je crois que tu devrais venir en observation un soir, à un meeting avec moi. Je te présenterai les protagonistes de la soirée, nous verrons ce qu’il faut obtenir d’eux, et comment l’obtenir. – Mon regard dit certainement, « nous allons préparer la guerre ». – J’espère que tu auras des propositions intéressantes et que je ne me retrouverai pas à te mâcher tout le travail.

Je termine ces mots avec un fond d’insolence, pour l’impliquer davantage. J’ai bien envie de voir son petit esprit sournois en action. Voilà ce qu’il faut développer sans honte pour faire sa place dans ce monde, et, comme je le disais, à chacun son « style », le mien ne sera probablement pas le sien, mais je suis certain qu’il pourra l’inspirer, mais aussi que ses méthodes pourront trouver preneur là où les miennes échoueraient. J’ai toujours apprécié les jeux d’équipe, même si je trouve rarement de bons équipiers.
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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyDim 31 Jan - 20:23

– Je te remercie de ta sollicitude, Jim. Je savais bien que tu étais le genre de personne à avoir du cœur.

Et la folie repartait. Pour les compliments qui n'en étaient pas, Jim avait toutefois de l'expérience. Il ne fallait bien sûr pas une capacité d'analyse hautement supérieure à la moyenne pour capter que son patron se moquait encore de lui, mais cette fois-ci, Jim était plus amusé que fatigué. Mars l'avait poussé à feindre l'émotivité et se fichait de lui maintenant qu'il s'était prêté au jeu. Il devait donc en remettre.

- Je vois que vous savez reconnaître vos propres qualités chez les autres, c'est touchant.

Son ton parfaitement contrôlé ne laissait filtrer aucune ironie et seul un demi-sourire laissait entendre son manque de sérieux.

Le vin était meilleur que ce tout qu'il avait bu dernièrement dans les soirées étudiantes et seul chez lui. Ses parents l'avaient habitué à un luxe ridicule, avec des boissons importées qui offraient moins de goût que de prestige, mais aussi pour les vêtements et tout ce qui pouvait être montré aux autres. Il s'étonnait des efforts que sa famille et les autres gens de leur classe sociale faisaient pour se donner l'air importants – parce qu'il était plus rarement question de préférences que d'apparences –, et de comment les résultats n'étaient pas les mêmes quand ceux qui les observaient ne venaient pas du même milieu qu'eux. Il avait assez vite abandonné ce type de tactiques auprès des autres étudiants, plus motivé à s'intégrer qu'à imposer le fonctionnement qu'il connaissait.

Très jeune, Jim avait  assimilé quoi dire et comment le dire à ceux qui fréquentaient les mêmes événements mondains que sa famille. Il avait cultivé une excellente réputation auprès d'eux et pouvait s'en servir pour obtenir des avantages que ce soit pour sa carrière, des investissements, des achats ou même des invitations spéciales. Il s'en servait peu; la simple victoire lui suffisait pour le moment. Néanmoins, il cherchait plus. Ailleurs. Pour cela, il n'avait ni éducation ni modèle à suivre pour s'assurer d'éviter les échecs, donc il restait lent et prudent, mais jamais immobile.

Mars ne représentait pas grand-chose pour lui, un obstacle de plus pour lui faire perdre son temps. Il était au moins original. Cet emploi aussi n'était qu'une étape, comme ses études. Jim percevait les efforts comme temporaires, vers un but qui ne changeait pas : l'autonomie. Diriger ne l'intéressait pas, sauf dans la mesure où il pouvait s'offrir des responsabilités plus prestigieuses en apparences mais plus simples à gérer. Il ne dérogeait pas de sa manière de fonctionner depuis quelques années parce qu'elle portait ses fruits : appartement, distance avec ses parents, changement graduel de carrière, mariage repoussé… Il prenait doucement le contrôle sur chaque aspect de sa vie et s'offrait toujours plus d'air, sans descendre socialement. Le jeu le stressait presque autant qu'il l'amusait. Il refusait l'échec, mais se découvrait toujours plus de ressources pour l'éviter.

Son patron lui proposait de venir sur le terrain, observer l'ennemi. Pourquoi? Après tout ce numéro à lui avancer comment sa médiocrité le désolait, Mars l'invitait à faire équipe directement. Il lui ouvrait la porte pour être nuisible devant ses adversaires, mais aussi pour l'impressionner, apparemment. C'était un piège, bien sûr. Mais était-il immédiat, pour l'entraîner dans une autre conversation absurde, ou plutôt à retardement, pour faire de Jim un exemple en le ridiculisant pour se valoriser de manière plus publique?

-C'est une proposition étonnante, mais intéressante, dit-il avec pleine conscience de ne pouvoir y échapper même s'il en avait eu envie. Pour ce qui est de me mâcher le travail… Je ne saurai peut-être pas atteindre votre niveau pour ce qui est d'analyser les gens avec finesse…

Son regard s'attarda quelques secondes sur sa coupe pour laisser flotter son rappel que Mars avait tout faux sur lui.

-Mais je ferai de mon mieux pour me montrer digne d'être votre égal, dit-il en souriant un peu à la reprise des termes utilisés plus tôt par Mars.

Jim avait l'habitude de répondre aux attentes des autres. Il les comblait ou les contournait, selon ses propres buts. Mars ne montrait pas clairement ce qu'il souhaitait. Il lui imposait un jeu bizarre, aux règles floues. Jim ne craignait pas d'arriver à lui tenir tête quand même, mais il doutait d'en avoir longtemps envie. Cette offre, si elle se révélait sérieuse, le motivait à continuer à participer aux délires de son patron plutôt que laisser tomber et choisir une voie moins fatigante.
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MessageSujet: Re: S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] S'amuser au travail ou travailler en s'amusant [TERMINÉ] EmptyMer 10 Mar - 19:03

Jim essayait de me piquer avec les armes que j’utilisais contre lui, et c’était plutôt mignon. Il n’était pas faux de penser que les gens projetaient souvent sur les autres ce qui les contrariait, mais ce n’était pas mon cas. J’étais toujours ravis que les gens aient une vision faussée de moi, dans laquelle j’étais un être simplet ou très sensibles. J’aurais été idiot de les contredire sur ce genre d’observations. Il avait bien vu ma volonté de le déstabiliser mais ne savait pas rendre les armes en validant mon propos, même avec une pointe d’ironie. C’était déjà trop pour lui. Je ne demandais décidément qu’à voir ce côté vindicatif s’exprimer plus clairement et je ne doutais pas qu’il soit plus efficace sur l’ensemble des gens qui n’étaient pas moi. Avec un enthousiasme apparemment naïf, je lui retourne donc :

– Je sais bien entendu reconnaître les personnes qui me ressemblent.

Je n’ai aucun problème à être le genre de personne que l’on veut que je sois, même si c’est pour m’insulter, c’est toujours un plaisir d’aider les gens dans leur mépris, ils en ont souvent besoin pour se sentir exister. Je suis vraiment une personne qui peut avoir du cœur !
La manière avec laquelle je propose à Jim de me suivre dans un meeting limite ses possibilités de se rétracter. Quand un patron vous propose une nouvelle expérience qui sonne comme un privilège, il est délicat de s’y opposer, surtout lorsqu’on cherche à incarner le petit employé modèle. Je suis sûr, cependant, que Jim pourra trouver des stimulations et il sera beaucoup plus stimulant pour moi de l’observer dans un autre contre. Je connais son comportement au bureau. Il ne fera jamais rien d’autre que ce qu’on pourrait attendre de lui et c’est très ennuyeux. Il sent le piège, c’est évident. Le contexte que je lui propose ne peut plus lui offrir une maîtrise parfaite de la situation. Les termes « proposition étonnante » expriment sa réticence polie. Par « étonnant », je dois comprendre « dangereux » pour lui, et, très certainement « stupide » pour moi. Il s’autorise cependant une petite provocation qui n’en est pas moins une vérité, même si je doute qu’il ait une grande opinion de mes capacités d’analyse sociale, comme la plupart des gens d’ailleurs. Son air montre bien qu’il est toujours convaincu de ne pas être jugé à sa juste valeurs. Je regrette que cela n’éveille toujours pas un peu plus de défi en lui. Je le trouve, au final, plutôt défaitiste. Plutôt qu’attaquer, il devrait prouver. Être convaincu pour soi-même de ce qu’on vaut n’est pas suffisant, il devrait saisir avec plus d’enthousiasme l’opportunité que je lui tends : celle de me prouver ses capacités en situation réelle ! Même s’il essaye de paraître plus détendu, la difficulté à ne pas chercher à correspondre à des attentes précises est toujours là. Pourquoi devrait-il être mon égal ? Je suppose que c’est encore une question d’essayer de prononcer le discours le plus susceptible de plaire en général, et de ne pas envisager que je puisse attendre autre chose de lui.

– Si tu te montres digne de ce que tu penses être, je crois que ce sera déjà très intéressant.

Je termine mon verre sur ces mots qui sonnent à la fois comme un encouragement et comme une moquerie. Après tout, Jim m’a montré qu’il avait une haute estime de lui, il est normal que je demande à pouvoir en mesurer les raisons. Je ne vais pas former quelqu’un qui pense en savoir plus long que moi sur les bonnes méthodes à utiliser, comme je n’aurais pas d’intérêt à former un égal d’ailleurs, qu’aurais donc à m’apporter un semblable ? Nous finirions juste en rivalité, car c’est la seule conséquence possible d’une égalité. La nature n’aime pas l’équilibre, il n’est pas productif. Le propre d’un être vivant sera toujours de chercher à faire une différence mais je crois avoir déjà suffisamment ennuyé Jim avec mes discours.

– Tu auras de mes nouvelles bientôt, je vais te trouver l’événement parfait !

En réalité, je le contacterai probablement juste au prochain événement auquel je trouverais ennuyeux d’être seul mais il est important de faire croire que je vais accorder un soin particulier à ce projet.
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